Dans la Grèce antique, c’était très souvent par tirage au sort que l’on gérait les cités. Ensuite, on a franchi une étape démocratique décisive : on a considéré nécessaire de passer au vote et de se doter de représentants élus. J’entends bien les arguments de Mme Lienemann et de M. Leconte et je partage une partie de leur propos : il y a une crise de la démocratie représentative – personne ne le nie – ; à vrai dire, il y a une crise de la démocratie tout court.
Le CESE était jusqu’à présent le représentant des forces vives de la Nation – syndicats, organisations associatives – ; il devait justement constituer, par rapport au Parlement, la respiration évoquée par Mme Lienemann. À présent, il commence à dire – ou plutôt on le dit ici pour lui – que cela ne suffit pas : il faudrait une troisième respiration, après celle des élus et celle des représentants des syndicats et des forces vives ; il faudrait maintenant y ajouter celle des citoyens.
Le vrai souci, dès lors, est le suivant : comment associer les citoyens ? Mme le rapporteur nous explique ce qu’on lit d’ailleurs partout : évidemment, l’assemblée que l’on aura tirée au sort se croira investie d’une légitimité. Voilà le vrai sujet ! Le souci n’est pas la consultation elle-même : dans nos villes, nous avons tous mis en place des conseils économiques, ou encore des comités de quartier ; nous essayons tous de consulter le plus possible, parce qu’on sait bien qu’une élection tous les six ans, dans le cas des communes, ne suffit pas. Il faut trouver le juste milieu, et ce n’est pas forcément de tirer au sort des gens qui, comme l’a très justement dit Mme le rapporteur, ne représentent au fond qu’eux-mêmes, mais se croient investis d’une légitimité qui leur permet ensuite d’interpeller le Président de la République lui-même – peut-être a-t-il eu tort…
Je considère pour ma part que les syndicats et les partis politiques représentés dans le système actuel devraient s’ouvrir et consulter davantage les citoyens. En 2008, lors de la révision constitutionnelle, je me suis opposé au souhait de l’exécutif de réduire les pouvoirs du Conseil économique et social, parce que j’estimais qu’il apportait une respiration nécessaire.
Cela dit, il faut à un moment arrêter de remettre en cause tout ce qui fonctionne : la démocratie représentative, les syndicats, les forces vives… J’estime qu’il faut davantage consulter les citoyens, mais je partage totalement l’avis de Mme le rapporteur : on ne peut pas constamment remettre en cause ce qui fonctionne, mais si cela fonctionne encore trop mal.