Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, fidèle aux desiderata du Président de la République et à la conception qu’il se fait de la solidarité nationale, cet article 1er ne cesse d’énoncer des devoirs précis pour les demandeurs d’emploi, mais reste muet sur leurs droits.
Avec cet article 1er, une notion nouvelle, celle d’offre raisonnable d’emploi, se substituant à l’offre valable d’emploi, serait intégrée dans le droit français.
J’en conviens, cette définition, reconnue en droit international par l’Organisation internationale du travail, méritait d’être précisée dans le droit français afin d’apporter aux salariés privés d’emploi une certaine stabilité juridique.
Cependant, comme nous pouvions nous y attendre, c’est avec rigidité et dogmatisme que le Gouvernement s’est attelé à la tâche, la conséquence étant que l’offre raisonnable d’emploi s’est trouvée décriée par tous.
Ainsi, M. Chérèque considère ridicule de vouloir imposer à tous les chômeurs une règle identique alors que les situations de chacun sont par essence différentes.
Mme Simon, représentante de la Confédération française des travailleurs chrétiens, la CFTC, a dénoncé une forte contradiction avec la fusion ASSEDIC-ANPE qui vise à accompagner les personnes en recherche d’emploi. Elle a d’ailleurs rappelé que les partenaires sociaux demandaient « que l’offre valable d’emploi soit négociée dans le cadre des négociations sur l’assurance chômage » et qu’elle soit « définie par contractualisation avec la personne référente du service public pour l’emploi ».
Vous le voyez, monsieur le secrétaire d'État, les partenaires sociaux sont tout à fait prêts à négocier, même lorsqu’il s’agit de créer des devoirs pour les demandeurs d’emplois !
Même si cette offre raisonnable d’emploi est associée à un projet personnalisé d’accès à l’emploi qui doit être élaboré conjointement, chacun sait que le demandeur d’emploi ne sera pas sur le même plan que l’institution !
En réalité, l’insertion dans notre code du travail de la notion d’offre raisonnable d’emploi n’est qu’un vecteur pour amplifier votre politique de culpabilisation des demandeurs d’emploi, pour porter sur chacune et sur chacun d’entre eux la suspicion. Il vous sera facile demain, plus qu’aujourd’hui encore, de pointer du doigt les demandeurs d’emploi radiés puisque, après tout, ils auront refusé une offre d’emploi plutôt très raisonnable !
Quant à la perception de ce qui est raisonnable, je dois dire qu’elle vous est toute particulière. Ce qui est raisonnable pour vous, à travers le seul prisme de la logique libérale, ne l’est pas nécessairement pour les salariés privés d’emploi auxquels vous voulez imposer, en cas d’inscription de plus d’un an au chômage, un salaire au moins égal au montant de l’indemnité de replacement. Cela signifie qu’il est raisonnable pour vous de contraindre un homme ou une femme de travailler pour un salaire de 447 euros par mois si la personne concernée bénéficiait du RMI !
En effet, dans cet article 1er, vous intégrez la dégressivité des droits, alors que cette solution n’est pas la bonne ; vous le savez d’ailleurs bien, même si vous prétendez le contraire. Monsieur le secrétaire d’État, est-il pour vous raisonnable de rémunérer à hauteur des minima sociaux un acte de travail contribuant à donner de la plus-value à l’objet ou au service, et nécessitant la force et le savoir d’un salarié, une implication, une volonté ?
Permettez-moi de vous lire la définition que donne le Larousse du mot raisonnable : « qui agit conformément au bon sens ». Le même dictionnaire précise, relativement à la raison, qu’il s’agit de « ce qui est conforme à la justice, à l’équité ».
Considérez-vous réellement que ce soit reconnaître sa pleine valeur au travail que de le brader contre un salaire indécent ? Si vous le pensez, laissez-moi vous dire que ce n’est pas le cas de bon nombre de nos concitoyens !
Ce qui vous importe réellement, ce n’est pas d’offrir aux demandeurs d’emploi un travail justement rémunéré, ni même correspondant à leurs qualifications puisqu’il suffira que l’emploi soit « compatible » avec ces dernières. Tout à l’heure, Mme Debré a dit qu’« un demandeur d’emploi devra accepter, après trois ou six mois de recherches infructueuses, l’emploi qui s’offre à lui et qui correspond à son expertise professionnelle ». « Un emploi qui correspond » et non un « emploi compatible », tel sera justement l’objet d’un de nos amendements. Peut-être le voterez-vous ? En tout cas, nous souhaitons réellement que soit considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi correspondant aux qualifications du demandeur d’emploi.
Quoi qu’il en soit, votre but est bel et bien de diminuer de manière drastique les aides sociales. Pour ce faire, vous n’avez qu’une seule méthode : attaquer les bénéficiaires.
Les entreprises du CAC 40, qui multiplient les profits et licencient leurs salariés, pourront, quant à elles, continuer leur politique de « casse », faisant peser sur la collectivité et les salariés le poids d’une politique industrielle dont la règle unique est la rentabilité à deux chiffres.
Ce projet de loi, dont l’article 1er est le fond, ignore complètement la notion de responsabilité sociale des entreprises, mais cela ne nous étonne pas !