Intervention de Annie Jarraud-Vergnolle

Réunion du 25 juin 2008 à 15h00
Droits et devoirs des demandeurs d'emploi — Article 1er

Photo de Annie Jarraud-VergnolleAnnie Jarraud-Vergnolle :

L’article 1er contient toute l’ambiguïté de ce projet de loi et des intentions politiques du Gouvernement.

Le fait qu’un demandeur d’emploi immédiatement disponible soit orienté et accompagné dans sa recherche d’emploi est un point positif, certes, qui ne peut susciter la méfiance. Qu’il soit tenu de participer à la définition du projet personnalisé d’accès à l’emploi le concernant est également un point positif, même si vous estimez nécessaire de placer cette action sous la contrainte.

Cette contrainte n’est pas gênante dans la mesure où il est préférable, voire plus prudent pour lui, que le chômeur participe activement à la définition de ce programme. Cela peut être pour lui l’occasion de demander explicitement une action d’insertion ou de formation qui donnera un peu de contenu et de consistance au projet.

L’UNEDIC n’utilise d’ailleurs que la moitié des 203 millions d’euros dont elle dispose. Elle reconnaît que, sur les 2 millions de demandeurs d’emploi inscrits actuellement, seulement 5 % bénéficient d’un programme de formation financé par elle. Il y a donc beaucoup à obtenir de ce côté.

Cela peut être aussi, pour le chômeur, le moment de réaliser un bilan de compétences et d’infléchir son destin.

Mais inciter un demandeur d’emploi à accepter un emploi ou une formation nécessite un cheminement, qui demande du temps et doit avoir un sens.

Cet accompagnement doit permettre une palette de choix, avec la possibilité d’essais et d’erreurs. Les services d’accompagnement des chômeurs de longue durée le savent bien.

Cela permettrait peut-être que ce projet soit véritablement personnalisé, et non réalisé à partir de projets types en fonction de la qualification des chômeurs et des emplois qu’on veut leur faire accepter.

Vous dites ensuite que le demandeur d’emploi doit accomplir des actes positifs et répétés de recherche d’emploi. La mesure n’est pas nouvelle et semble de bon sens, à condition, bien entendu, que des emplois soient disponibles dans sa qualification, ce qui n’est pas acquis, à condition, également que ces emplois correspondent à la catégorie de contrat dont il a besoin, par exemple un CDI à temps plein ou un CDD à temps partiel ou à horaires morcelés.

Mais si le PPAE est une réalité et si le chômeur peut améliorer sa formation et acquérir une meilleure qualification, on reste dans l’épure d’une assurance chômage qui accomplit elle-même des actes positifs et répétés pour venir en aide aux chômeurs.

À ce point du texte, ce serait faire un procès d’intention que de voir des desseins cachés. Tout reste encore question de moyens mis en œuvre et d’interprétation.

Il convient toutefois d’apporter un bémol, une précision. Le rapport Boulanger, dont vous vous inspirez pour mettre en place la future institution, précise que « la recherche active d’emploi est la contrepartie de l’indemnisation et du service rendu par l’opérateur ».

C’est une regrettable confusion : la recherche active d’emploi est certainement la contrepartie du service rendu par l’opérateur si le service est réel. Mais l’indemnisation est fondée sur un droit acquis par le versement de cotisations.

C’est avec l’apparition de l’offre raisonnable d’emploi que l’édifice s’effondre définitivement et que les véritables intentions du Gouvernement apparaissent au grand jour.

Le chômeur sera tenu d’accepter ces offres qualifiées de raisonnables, et pas seulement d’y répondre, ce qui fait une énorme différence. Si par deux fois il refuse, son allocation sera suspendue, c'est-à-dire supprimée dans la plupart des cas.

En réalité, les droits du demandeur d’emploi sont à la fois réduits, contrôlés, et ils disparaissent en cas de refus d’accepter n’importe quel emploi.

En conséquence, c’est tout le dispositif mis en place par l’actuelle convention d’assurance chômage qui sera ébranlé et menacé dans les mois qui viennent par la négociation d’une nouvelle convention. Tout se tient dans votre politique !

On trouve d’abord la volonté de diminuer le montant des allocations chômage pour reverser les excédents de l’UNEDIC sur le financement des retraites sans augmenter les cotisations, car le patronat ne le veut pas.

On trouve ensuite la volonté de coupler le dispositif avec un traitement statistique du chômage en réorientant les chômeurs vers les secteurs en tension.

Chacun sait pourquoi les secteurs du bâtiment et de l’hôtellerie-restauration sont en tension : les horaires sont démentiels, les conditions de travail généralement pénibles, pour ne pas dire plus. Il y a peu de perspectives d’évolution.

D’ailleurs, ces secteurs représentent 20 % des offres d’emploi à l’ANPE, ce qui est démesuré par rapport à leur poids économique. C’est donc que le recrutement ne se fait pas facilement et favorise un turnover perpétuel.

Votre intention serait-elle de transformer les chômeurs en travailleurs pauvres ? Il est vrai que si l’on exerce une contrainte financière sur les gens qui sont en difficulté, ils seront bien obligés d’accepter ces emplois. Mais même pour des emplois non qualifiés, il n’est pas possible de s’engager dans un travail si celui-ci est dénué de sens, s’il n’entre pas dans une représentation positive de l’activité.

C’est un objectif que vous ne pouvez afficher et qui ne mérite certainement pas, ni politiquement ni socialement, l’adjectif « raisonnable ».

Comme l’a écrit l’économiste François Eymard-Duvernay, « faire l’impasse sur la dimension qualitative du travail, c’est revenir à une conception servile du travail ».

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