Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 19 octobre 2020 à 17h00
Prééminence des lois de la république — Adoption d'une proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ces jours de deuil national, le groupe CRCE et moi-même ne pouvons qu’appeler à plus de cohésion. Soyons unis, au moins en ce moment, au-delà de ce qui parfois nous divise : sensibilités politiques, origines ou croyances.

La décapitation de Samuel Paty a bouleversé en moi le professeur que j’ai été autant que la sénatrice que je suis. Deux ans après mon arrivée en France, j’ai passé les concours nationaux de l’enseignement. J’ai enseigné quinze ans en collège et lycée. J’ai essayé, moi aussi, partout où j’ai exercé, d’initier mes élèves de toutes origines à l’esprit critique, au débat, au respect de nos valeurs.

La tragédie de Conflans-Sainte-Honorine n’a pas seulement coûté la vie à un enseignant de la manière la plus barbare. Elle touche notre bien le plus précieux, la liberté d’expression.

Les hussards de la République sont toujours à leur poste. Nous leur devons l’hommage qui leur est rendu aujourd’hui, eux que, trop souvent, on critique. La République leur doit soutien, protection et respect. Les a-t-elle assez écoutés ? A-t-elle pris la mesure de la difficulté de leur tâche dans des contextes nouveaux ?

Oui, la République doit se défendre contre les fanatiques. Mais elle doit aussi distinguer ceux-ci de l’écrasante majorité des musulmans de ce pays, aspirant à pratiquer leur religion dans le respect de la neutralité de l’espace public et des lois qui nous unissent au-delà de nos différences. Le fanatisme ne prospère-t-il pas sur le terreau de l’abandon, là où l’État a abdiqué, là où les services publics et la police de proximité ont disparu ?

La radicalisation de l’islam est un mal dépassant nos frontières. On n’y portera pas remède par des mesures sans ambition. Ce qu’il nous faut, ce sont des moyens pour le renseignement, des hommes et des femmes sur le terrain et, au-delà des discours, un investissement concret de l’État de droit.

Rassemblons-nous, repensons ce fléau, et pas dans le court terme électoral. Les chantiers à ouvrir sont immenses, et nous ne les mènerons à bien qu’avec le concours des musulmans eux-mêmes. Vous conviendrez que ce n’est pas la proposition de loi dont nous débattons qui stoppera la diffusion de l’islam radical.

L’article 1er de notre Constitution est clair : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » Ce texte fondateur, qui ne parle que d’une loi, celle de la République, embrasse la diversité de la France, de ses populations et de ses territoires. L’article 1er de la proposition de loi n’y ajoute rien.

Par l’article 2 de cette proposition de loi, vous souhaitez, dites-vous, prévenir toute immixtion des religions dans la sphère politique. Notre droit n’est-il pas assez armé ? La loi de 1905 ne suffit-elle donc pas ?

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