Intervention de Charles Guené

Réunion du 20 octobre 2020 à 14h30
Plein exercice des libertés locales — Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Charles GuenéCharles Guené :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui deux propositions de loi, l’une constitutionnelle, l’autre organique, pour le plein exercice des libertés locales. Ces textes ont été déposés, notamment, par nos collègues Philippe Bas et Jean-Marie Bockel et font suite aux conclusions du groupe de travail sur l’avenir de la décentralisation, présidé par Gérard Larcher.

Parmi l’ensemble des mesures que comportent ces propositions de loi, deux ont justifié que la commission des finances se saisisse : c’est sur ces dispositions que je m’exprimerai. La première est la révision des modalités de compensation des charges transférées aux collectivités territoriales, avec la consécration du principe « qui décide paie ». La seconde est la redéfinition du périmètre des ressources propres des collectivités territoriales.

S’agissant du premier point, la situation se résume simplement : dans de trop nombreux cas, les compensations sont éloignées des charges que l’État impose aux collectivités territoriales.

Je souscris entièrement au principe « qui décide paie ». Mais, comme la commission des lois, j’ai estimé que le dispositif de réévaluation proposé pouvait être amélioré.

À mon sens, ce qu’il faut chercher à construire, c’est une gouvernance nouvelle par laquelle l’adéquation des ressources et des charges des collectivités territoriales serait régulièrement réinterrogée. Tel est le sens de la rédaction adoptée par la commission des lois, instituant un réexamen régulier des compensations plutôt qu’une réévaluation.

Il ne s’agit pas de se livrer à un simple jeu sémantique, mais bien de proposer un autre modèle.

Dans le cadre des dispositions examinées aujourd’hui, il reviendra au législateur organique de préciser, voire d’inventer la nouvelle forme de gouvernance que j’évoquais. À mon sens, c’est une bonne chose de construire un espace de dialogue entre l’État et les collectivités locales. Celui-ci permettra de remettre à plat régulièrement les compétences et les compensations.

S’agissant des ressources propres, question dont notre commission s’est également saisie, j’estime moi aussi qu’il est désormais temps de faire le point sur le pouvoir fiscal des collectivités locales et de revoir les équilibres de l’article 72-2 de la Constitution.

En lien avec Mathieu Darnaud et François Gatel, des simulations ont été effectuées pour estimer l’impact qu’aurait la mise en œuvre d’une redéfinition des ressources propres excluant les recettes fiscales sur lesquelles les collectivités territoriales n’exercent aucun pouvoir de taux ou d’assiette.

Il va sans dire que les ratios d’autonomie financière baisseraient par rapport à leur niveau actuel. Le point qu’a relevé la commission des finances concerne les conséquences de cette contraction à droit constitutionnel et organique constant. Vous le savez, le fait que les ressources propres doivent obligatoirement représenter une part déterminante de l’ensemble des ressources des collectivités territoriales imposerait de prendre rapidement des mesures correctives.

Pour parler simplement, il faudrait « reterritorialiser » des impôts nationaux ou créer de nouveaux impôts locaux, pour un montant de l’ordre de 35 milliards d’euros, une fois achevées la réforme de la taxe d’habitation et une éventuelle réforme des impôts de production, si cette dernière s’arrêtait là. Cela semble difficile à envisager pour des raisons tant politiques que techniques.

L’expérience de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) nous a en effet montré la grande difficulté qu’il y a à territorialiser un impôt, de même que nous n’avons pas encore trouvé comment réduire efficacement les inégalités de répartition des bases fiscales entre nos territoires.

Est-ce à dire qu’il faut rejeter cette nouvelle définition des ressources propres et ne jamais envisager de renforcer le pouvoir fiscal des collectivités territoriales ? Non, bien sûr ! Cela nous appelle en revanche à nous interroger sur le bon niveau de ressources propres que nous souhaitons prescrire et à préparer la réforme de la péréquation.

Sur ce point, la commission des finances est satisfaite de la décision de la commission des lois de proposer que les ressources propres représentent une part significative, et non plus déterminante, de l’ensemble des ressources des collectivités territoriales. Cette part devrait-elle être de 50 % ou de 33 % ? Devrait-elle être la même pour les différentes catégories de collectivités ? Faut-il même, d’ailleurs, retenir un niveau plancher ou mettre en miroir des ressources et des charges ? La rédaction proposée ouvre le champ pour ce débat, lequel, ainsi que certains d’entre nous ont pu le vérifier ce matin, est vital pour la relation entre l’État et les collectivités territoriales. J’estime que c’est une bonne nouvelle.

Mes chers collègues, les textes qui nous sont proposés répondent pleinement, s’agissant de la question des compensations et des ressources propres, aux attentes de la commission des finances ; je vous invite, par conséquent, à adopter sans réserve l’article 5 de la proposition de loi constitutionnelle ainsi que l’article 4 de la proposition de loi organique.

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