Intervention de Annie David

Réunion du 25 juin 2008 à 15h00
Droits et devoirs des demandeurs d'emploi — Article 1er, amendements 38 39

Photo de Annie DavidAnnie David :

Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements n° 38 et 39.

L’amendement n° 38 vise à préciser que la rémunération, caractéristique essentielle de l’offre raisonnable d’emploi, doit impérativement correspondre au salaire antérieurement perçu par le salarié ou être au moins égale au SMIC si le salarié percevait une rémunération inférieure à ce niveau.

Nous doutons fort que vous adoptiez cet amendement de justice sociale, mes chers collègues, dans la mesure où vous utilisez, depuis un an, tous les moyens pour parvenir à réduire le coût du travail : contrat de portage, allongement des périodes d’essai, ou encore amoindrissement des droits en matière de licenciement.

Il paraissait tout de même important aux membres du groupe CRC de préciser que d’autres voies que celles qui sont défendues par le MEDEF et le Gouvernement sont possibles.

Pour bon nombre de salariés de notre pays, la réalité professionnelle est synonyme de précarité, de petits boulots et de temps partiel. Cette réalité se conjugue d’ailleurs trop souvent au féminin, car elle est devenue le seul mode, ou presque, d’organisation du travail parmi les métiers de service ou de la grande distribution. Elle concerne également les publics les moins formés. En somme, la précarité s’ajoute à la précarité.

L’article 1er que vous nous proposez d’adopter, monsieur le secrétaire d’État, aurait pour effet de rendre l’offre d’emploi opposable au salarié dès lors que la rémunération proposée serait égale à 95 % du salaire antérieurement perçu. Outre le fait que vous prenez ainsi acte de la nécessité de réduire le montant du salaire pour permettre le retour à l’emploi et donc, indirectement, que vous vous rangez à l’idée défendue par le patronat selon laquelle le coût du travail est trop élevé en France, vous aggravez considérablement les conditions de vie de nos concitoyens, qui ont à connaître des temps partiels : 95 % d’un salaire à temps partiel revient à percevoir 95 % de pas grand-chose !

L’amendement n° 39 vise donc à remettre un peu d’égalité dans un projet de loi qui en manque cruellement. Nous proposons de reconstituer le temps partiel en un temps plein pour y appliquer cette règle des 95 %.

Outre le fait que cette suggestion améliorerait les conditions de vie de nos concitoyens, elle limiterait également le risque, déjà grand, de voir cette mesure peser sur l’ensemble des salaires et conduire immanquablement à une baisse généralisée. On devine d’ailleurs que les organisations patronales ont trouvé là raison à sa signature.

Pour conclure, j’aimerais, à mon tour, citer quelques chiffres fournis par l’INSEE.

Dans une étude publiée le 19 décembre 2006, l’INSEE notait que le nombre de salariés ayant vécu un déclassement socioprofessionnel avait plus que doublé en vingt ans, passant de 3 % au début des années quatre-vingts à 7 % dans les années deux mille. Très rare entre 1980 et 1985, le phénomène n’est plus marginal entre 1998 et 2003. Cette étude précise d’ailleurs que le fait de descendre l’échelle sociale intervient souvent à la suite d’un passage par le chômage ou l’inactivité, cette mobilité descendante constituant un moyen de conserver un emploi ou, pour les chômeurs, d’en retrouver un plus rapidement.

Dans cette course à l’abîme, ce sont les femmes, les ouvrières qualifiées, qui sont les plus mal loties des salariés, puisque 11, 8 % d’entre elles ont connu un déclassement entre 1998 et 2003. Il s’agit principalement de femmes travaillant dans l’industrie qui, touchées par la diminution du nombre d’emplois, ont migré vers un emploi dans les services de niveau de qualification inférieur, tel que celui d’aide-ménagère.

Pour notre part, nous ne voulons pas de cette mobilité descendante que le Gouvernement propose de pérenniser et, en quelque sorte, d’institutionnaliser.

Le principe de dégressivité entraînera une baisse de revenu non seulement pour les demandeurs d’emploi, mais également pour l’ensemble des salariés.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, mes chers collègues, d’adopter ces deux amendements.

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