Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 28 octobre 2020 à 21h30
Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 — Rapport annexé

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

L’alinéa 235 du rapport annexé prévoit la création d’un réseau « Science et médias », destiné à « permettre la mise en contact rapide entre journalistes et chercheurs » dans un but de diffusion de la culture scientifique.

Nous comprenons les ambitions et les objectifs de cette mesure, qui sont louables : il s’agit d’inventer des moyens pour promouvoir la méthode scientifique, de lutter contre les fake news et les théories du complot et de mieux armer intellectuellement la population pour y faire face. Toutefois, c’est la méthode retenue qui nous pose problème.

En effet, de tels centres existent déjà ailleurs dans le monde. Le premier Science Media C ent r e a ouvert au Royaume-Uni en 2002 et a fait depuis lors des émules en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada et au Japon.

Le principe est simple : ces centres sont des relais entre la communauté scientifique, d’une part, et les médias et la société civile, d’autre part, pour fournir des éclairages sur certains sujets.

Au Royaume-Uni, ce centre ne fait pas l’unanimité. Un article paru dans Nature en 2013 souligne que de nombreux acteurs considèrent qu’il « favorise une couverture médiatique sans contradiction en fournissant des informations prémâchées aux journalistes », qu’il « promeut la science de manière trop agressive » et qu’il fait souvent « sien les points de vue de l’industrie », au point d’être parfois appelé « l’agence de presse scientifique ».

Mes chers collègues, ce dont la méthode scientifique a besoin dans notre société, c’est du débat et de la coopération, pas de la verticalité.

Ces approches « verticales » de pédagogie forcée et de vulgarisation agressive ne fonctionnent pas avec ceux qui doutent de tout, y compris de la science. Ce n’est pas en apportant la lumière « sacrée » de la vérité de la science, depuis le haut du piédestal d’une énième institution ou d’un mandarin que nous parviendrons à ramener ces personnes dans un débat public raisonnable. C’est d’ailleurs précisément le rejet de tout ce qui provient de l’État, des élites ou des institutions qui conforte ces publics dans leurs positions.

Il nous faut inventer de nouvelles formes de débats scientifiques, et le chemin sera long. Ce dernier passe par l’éducation, par la culture, par la coopération avec nos institutions, par la forme de nos institutions, par la manière dont nous faisons société. Mais il ne passe pas par un Centre de promotion de la science officielle, qui sera plutôt contre-productif.

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