Malgré cet échange fort intéressant, j’avoue que je ne suis pas vraiment convaincue !
J’en viens à l’amendement n° 45.
La liberté des uns s’arrête où commence celle des autres, selon la formule consacrée. Nous en inspirant, nous pourrions également dire que les droits des uns trouvent leur origine dans les devoirs des autres ; cela s’appelle la responsabilité sociale et fonde tout notre système républicain depuis qu’au sortir de la guerre de 1939 nos constituants ont décidé de faire de notre société une république sociale reposant sur des droits collectifs importants et sur une notion qui fait notre spécificité : la solidarité nationale.
Il s’agit d’une solidarité des jeunes à l’égard des plus âgés, des biens portant à l’égard des malades, des travailleurs en direction des salariés privés involontairement d’emplois. Mais il s’agit également des devoirs des entreprises à destination des travailleurs sur le fondement d’un principe simple : les travailleurs participant au développement et à la richesse de l’entreprise, celle-ci doit, en retour, donner au salarié les moyens de vivre et de s’épanouir.
Or, si vous renforcez les obligations des demandeurs d’emplois par ce texte, vous ne renforcez aucun de leurs droits et n’en créez pas de nouveaux, malgré tous les amendements que nous avons déposés.
Celui que nous vous proposons d’adopter vise à créer, à l’égard des employeurs, une obligation de dépôt des offres d’emploi à la nouvelle institution.
Il serait en effet injuste de condamner les demandeurs d’emploi, alors que seuls 30 % des offres d’emplois font l’objet d’une transmission à l’ANPE, la grande majorité des offres d’emplois échappant au service public pour, soit être déposées sur des structures privées, notamment dématérialisées – je pense à Internet en l’occurrence –, soit reposant sur les connaissances. À exigences importantes à l’égard des demandeurs d’emploi, droits importants, aurais-je envie de dire !
Mais il est vrai qu’avec la réforme du service public de l’emploi vous avez pris une autre option : privilégier les structures privées contre les structures publiques.
Il y a de cela quelques mois, M. Jean-Marc Boulanger, inspecteur général des affaires sociales, remettait à Mme Lagarde un rapport, ou plus précisément une « Contribution à la préparation de la convention tripartite entre l’État, l’UNEDIC et la nouvelle institution créée par la loi du 13 février 2008 ».
Cela ne vous étonnera guère, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne partagent pas les conclusions de ce document, conclusions qui, semble-t-il, ont très largement inspiré votre projet de loi. J’en veux pour exemple la proposition faite de tripler le nombre de demandeurs d’emploi dont le placement serait confié à des organismes de droit privé.
Sans vous renvoyer à nos débats sur le projet de loi relatif à la modernisation du marché du travail, je voudrais dire que les craintes que nous avions alors formulées de privatisation rampante de la mission de service public se confirment malheureusement.
Vous n’hésitez d’ailleurs pas à vous contredire, à l’image de M. Boulanger, qui préconise le recours aux sociétés privées de placement, tout en précisant, je le cite : « Il n’existe pas de preuve générale que le secteur privé soit plus efficace que le secteur public. » Vous comprendrez donc pourquoi nous vous invitons à voter en faveur de cet amendement.