Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 27 octobre 2020 à 14h30
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Question préalable

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, examiner deux motions consécutivement n’est pas l’exercice parlementaire le plus réjouissant, avouons-le ! Mais, comme ma collègue Kristina Pluchet avant moi, je veux y voir une nouvelle possibilité de clarification.

Nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ont souhaité déposer cette motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières.

Leur argumentaire se découpe de la manière suivante, et je ne fais ici que reprendre, scolairement, le plan de leur motion : le Parlement s’est déjà saisi de la question ; aucun élément scientifique nouveau ne vient légitimer une telle initiative législative ; le Mercosur est le véritable responsable de la santé économique de la filière ; sont enfin évoqués la question du droit européen et le principe de non-régression.

Les cinq griefs formulés me semblent intéressants, mais tous ne me semblent pas appropriés pour une motion ; et je m’en explique.

S’agissant du premier élément que vous portez à notre connaissance, vous dites que « la question de l’interdiction des néonicotinoïdes a été débattue à de multiples reprises » depuis la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014. Il y a eu, en effet, la loi biodiversité de 2016 et ses huit examens, en comptant la commission mixte paritaire, la loi Égalim ou encore la proposition de résolution relative à la préservation des insectes pollinisateurs.

Selon les auteurs de la motion, une telle activité législative est en soi une raison pour ne pas légiférer davantage, surtout lorsqu’aucun élément scientifique nouveau ne vient éclairer le débat. Je vais être volontairement espiègle : si je suis votre raisonnement, une disposition légale, maintes fois modifiée pour des raisons d’agenda politique et qui se trouve matériellement inapplicable, ne pourrait pas être modifiée, au motif qu’elle l’a déjà été.

Je vois dans ce raisonnement la même fragilité que celle qui a conduit à l’adoption du principe de non-régression lors de la loi Biodiversité.

Je vais faire l’affront à mes collègues Philippe Bas et François-Noël Buffet de ne pas les convoquer, mais comment une disposition légale issue d’une loi ordinaire, et non organique, peut-elle contraindre le législateur dans l’exercice de ses prérogatives ? Il y aurait donc des lois ordinaires supérieures à d’autres ? À quoi bon, dans ce contexte, continuer d’enseigner la hiérarchie des normes à nos chers étudiants ?

Pardonnez-moi cet aparté, mais c’était l’occasion de répondre au dernier grief soulevé par nos collègues du groupe écologiste sur le non-respect du principe de non-régression.

Je reprends donc ce raisonnement pour le moins étonnant qui veut que la loi, ainsi modifiée, soit conservée et même sanctuarisée. Mais si elle n’est pas applicable en l’état, et donc pas appliquée, elle ne sert à rien !

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