Intervention de Julien Denormandie

Réunion du 27 octobre 2020 à 22h15
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Articles additionnels après l'article 2

Julien Denormandie :

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Aujourd’hui, il faut avancer avec courage et assumer sans l’ombre d’une hésitation que, au sein de l’Union européenne, le sens de l’histoire, c’est la convergence des normes. Or il faut bien reconnaître que ce n’est pas encore le cas.

Il n’y a rien de plus insupportable pour nos agriculteurs et pour nous tous que de découvrir sur nos étals des concombres qui, s’ils ont tous été produits en Europe, ne respectent pas les mêmes normes environnementales. Or, et c’est bien là le drame, rien ne ressemble plus à un concombre qu’un autre concombre ! Peut-être même que, pour le consommateur, le concombre produit avec moins de normes environnementales a une couleur et une forme plus jolies… Tout cela fait que règne une compétition déloyale au sein du marché commun.

C’est pourquoi, comme je l’ai déjà expliqué, la nouvelle politique agricole commune permet pour la première fois de conditionner pour tous les pays européens une partie des paiements directs, c’est-à-dire ce qui relève du premier pilier, à des mesures environnementales, à hauteur soit de 20 % – c’est ce dont les ministres sont convenus au sein du Conseil –, soit de 30 % – ce que les parlementaires européens ont adopté à la fin de la semaine dernière.

Je partage totalement la position de la commission des affaires économiques, et je me bats tous les jours en ce sens : une convergence des normes à l’échelon européen est nécessaire. Plus personne ne peut en effet comprendre que soient produits des fruits et des légumes qui ne respectent pas les mêmes normes. Malgré cette première avancée de la PAC, le chemin sera difficile et de longue haleine, mais nous nous battrons jusqu’au bout, car c’est le sens de l’histoire de la construction européenne.

J’entends bien les reproches de la Haute Assemblée sur l’article 44 de la loi Égalim, vous venez de vous en faire l’écho, madame la présidente-rapporteure : il n’irait pas assez loin, il ne serait pas suffisamment appliqué… Tout cela relève désormais de ma responsabilité. Comme il n’est pas suffisamment appliqué, vous proposez d’aller plus loin en prévoyant que le ministre de l’agriculture et le ministre de la consommation, c’est-à-dire Bercy, puissent prendre la décision d’interdire la vente sur le marché de substances qui ne respectent pas les mêmes règles, et ce au titre de l’article 53 du règlement européen : « Lorsqu’il est évident que des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux d’origine communautaire ou importés d’un pays tiers sont susceptibles de constituer un risque sérieux pour la santé humaine, la santé animale ou l’environnement », il est possible de faire en sorte qu’ils ne soient pas sur le marché.

Cet article aurait-il changé quoi que ce soit pour la filière betterave ? Malheureusement, non. En effet, aucune étude, qu’elle provienne de l’Anses ou d’ailleurs, n’aurait permis d’interdire les importations, au nom d’un risque pour la santé humaine. Aucun risque sur la santé animale n’aurait pu être invoqué non plus. Quant à l’enjeu environnemental, il est défini à l’aune des frontières de notre pays : on ne peut pas prendre en compte les conséquences environnementales sur les terres polonaises ou allemandes pour invoquer cet article, seul importe l’environnement du pays qui ferme ses frontières à l’importation de ces denrées.

Par conséquent, l’article 53 aurait été totalement inopérant pour régler le cas qui nous occupe aujourd’hui. Cela étant, je vous laisse imaginer ce que représente une telle décision : cela signifie, au sein du marché commun, la fermeture totale de nos frontières à l’importation d’autres produits, ce qui emporte des conséquences incroyablement fortes en termes de relations commerciales, de contrôle et d’export, puisqu’une partie de notre production est exportée, c’est-à-dire dépend de cours extérieurs au marché intérieur français. Cela n’aurait absolument pas réglé l’équation économique à laquelle nous sommes confrontés, à savoir faire en sorte que les sucreries ne ferment pas dans notre pays.

L’adoption de cet amendement ne permettra pas d’accélérer le sens de l’histoire et d’aller vers une convergence des normes à l’échelon européen. C’est bien la politique agricole commune qui doit en être le réceptacle, le moteur et l’acteur. Je sais que cette réponse n’est pas satisfaisante, car cette voie prend plus de temps, mais c’est seulement ainsi que l’on y arrivera, et c’est pourquoi il ne faut surtout pas l’abandonner.

Enfin, les conseils des ministres européens ont permis de se mettre d’accord sur un socle commun environnemental, qui doit maintenant être retranscrit non pas dans la politique agricole commune, mais dans les politiques commerciales et dans les accords de libre-échange. À partir du moment où l’on se met tous d’accord sur un socle environnemental contraignant à tous les États membres, nos collègues ministres qui gèrent les relations commerciales sont tenus de le respecter, et il ne leur est pas possible d’en faire fi, même au titre de la compétence européenne pour la négociation de ces accords de libre-échange.

Ce qui a été acquis à l’échelon de la politique agricole commune doit absolument être transféré à l’échelon de la politique commerciale. Je le redis, la France s’oppose au Mercosur, qui aurait des conséquences, y compris pour le sujet qui nous occupe aujourd’hui.

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