Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 29 octobre 2020 à 14h30
Évolution de la situation sanitaire et mesures nécessaires pour y répondre — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre pays vit des heures noires.

La concorde nationale n’est pas, dans cette situation, quand il s’agit de préserver notre pacte républicain et notre modèle de société, une vaine expression. Soyons à la hauteur de l’attente des Français, qui ont besoin d’être rassurés, qui ont besoin de solidarité et qui ont besoin de se projeter, y compris dans la confiance en leurs dirigeants. L’angoisse, le désespoir, la peur, l’absence de perspectives composent le terreau fertile d’un potentiel délitement et affaiblissement de notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale.

Dans ce climat si inquiétant, mes premiers mots de compassion, après l’effroi et la sidération, vont vers les victimes du fanatisme islamiste, qui a encore frappé les habitants de la ville de Nice, une nouvelle fois meurtrie au travers de son église catholique. Je pense aussi à nos forces de sécurité, qui ont arrêté l’auteur de cette attaque ignoble et qui méritent plus que jamais notre respect, un respect à la hauteur de leur dévouement.

Ce dévouement et cette résilience, nous les retrouvons aujourd’hui dans chaque foyer français. Ainsi, je souhaite rendre hommage aux soignants, qui vont être une fois de plus en première ligne, alors que leur résistance physique et psychologique, héroïque bien souvent, a été fortement éprouvée. Et les semaines qui viennent, mes chers collègues, seront un enfer pour ces personnels soignants.

Je souhaite rendre hommage aux travailleurs qui ne pourront pas se confiner et qui continueront, malgré les risques pour leur santé, à faire en sorte que notre pays reste debout. J’aurai également une pensée pour nos compatriotes qui ont été touchés par ce virus, avec parfois des conséquences sur le long terme, pour ceux qui ont perdu des proches, pour ceux qui se battent actuellement contre cette maladie. J’aurai enfin une pensée pour une partie de nos concitoyens les plus fragiles, qui vont être confrontés à la solitude et la précarité.

Voilà neuf mois que la pandémie est entrée dans la vie de tous les Français. Elle l’a changée, percutée, détruite pour certains. Nous nous retrouvons ce jour au Parlement, dans cette enceinte qui est l’émanation du peuple français, pour évoquer les nouvelles mesures prises pour contrer la deuxième vague.

Cette nouvelle épreuve est grave. Elle demande un nouvel effort important, peut-être plus important même que celui qu’ont supporté les Français depuis le mois de mars dernier. Le pays tout entier est mobilisé pour faire face et chacun doit jouer son rôle.

Notre rôle, en tant que parlementaires, en tant que législateur, est de participer comme représentants du peuple au débat national. Valérie Rabault, mon homologue à l’Assemblée nationale, et moi-même vous avions demandé par courrier, monsieur le Premier ministre, le 10 septembre et encore le 15 octobre dernier, que le débat qui se tient aujourd’hui soit organisé bien en amont. Ce n’était pas un caprice, monsieur Castex : c’était une nécessité ! Vous l’avez refusé. Vous ne l’estimiez pas nécessaire dans votre réponse du 19 octobre.

Je le regrette, alors que nous nous retrouvons aujourd’hui pour entériner une décision très lourde de conséquences, annoncée hier soir par le Président de la République, sans qu’aucun débat éclairé et digne de ce nom ait pu avoir lieu préalablement dans les enceintes du Parlement. Le débat est normal, important dans une démocratie. Le débat devant les Français doit se faire dans notre enceinte et pas ailleurs. Sinon, la défiance sera au rendez-vous.

Nous regrettons votre gestion trop pyramidale. L’exécutif ne s’est pas senti obligé de présenter publiquement devant quiconque les différents scenarii sur lesquels il a travaillé. Les éléments de diagnostic sur lesquels il se fonde pour arrêter sa décision ont fait l’objet de cette réunion, disons-le, surréaliste, mardi soir dernier, avenue de Ségur.

La fonction délibérative de notre démocratie est ainsi remplacée par un débat qui n’aboutit qu’à un enregistrement a posteriori d’une décision prise ailleurs, puis détaillée plus finement devant la presse que devant la représentation nationale ce jour. Nous ne pouvons pas, monsieur le Premier ministre, être les supplétifs de quelques conseils que ce soit, aussi scientifiques soient-ils.

Votre gouvernement recherche l’unité nationale, mais ne fait rien pour la créer. Le Président de la République l’a dit hier soir : « J’ai décidé de confiner le pays. » Les consultations mises en place avant cette décision n’étaient donc que de pure forme.

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