Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 29 octobre 2020 à 14h30
Évolution de la situation sanitaire et mesures nécessaires pour y répondre — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner :

C’est un vote favorable pour, encore une fois, protéger les Français.

Certes, le combat contre le virus est extrêmement difficile. Nous ne le nierons pas. Aucun gouvernement dans le monde n’y était préparé. Cette maladie est évolutive : elle ne frappe pas toujours là où on l’attend, et la deuxième vague dans laquelle nous sommes pris au piège, qui est encore devant nous, s’annonce plus terrible que ce que nous avions annoncé et que ce que nous avions vécu au printemps dernier.

Mais nous ne pouvons pas vous accorder notre confiance, monsieur le Premier ministre. De nombreux spécialistes, parmi lesquels le président du conseil scientifique, estimaient probable une deuxième vague. Le 27 juillet, un rapport dudit conseil jugeait, « fortement probable la survenue d’un retour du virus en novembre ou au plus tard dans l’hiver ».

Le 14 juillet dernier, le Président de la République affirmait que nous étions prêts à affronter une seconde vague. Vous-même, le 27 août, vous déclariez : « Face à la pandémie, il n’y a pas de quoi s’affoler. » Le 22 octobre, le ministre des solidarités et de la santé avançait, à l’appui du couvre-feu que : « sans mesures nouvelles là où c’est nécessaire pour freiner l’épidémie, il y aurait dans les quinze jours jusqu’à 50 000 malades diagnostiqués quotidiennement ». Ce seuil a été atteint quatre jours après cette déclaration. Hier soir, Emmanuel Macron, Président de la République, se déclarait « surpris par l’évolution du virus », présentant des comparaisons avec les autres États européens.

Monsieur le Premier ministre, je ne vous demande pas d’être « aussi faible » ou « aussi mauvais » que d’autres États européens, je vous demande d’être meilleur ! Nous ne pouvons pas vous faire confiance, car gouverner c’est prévoir. Ces déclarations montrent que ce n’était pas le cas. Ce manque d’anticipation va coûter très cher à la Nation.

Comme au printemps, la qualité de la réponse sanitaire déterminera le nombre de vies que nous sauverons. Il faut prendre en compte toutes ces alertes. Comme le disait hier notre collègue Bernard Jomier dans cette enceinte même, tous les rapports relèvent un dysfonctionnement dans la gestion de la pandémie : une myriade d’agences sanitaires, la création d’agences nouvelles, et la stratégie « tester, tracer, isoler » qui n’a pas fonctionné. Les nouvelles annonces restrictives sont nécessaires, mais elles sont aussi le marqueur d’un échec en matière de politique de santé publique.

La situation de l’hôpital public s’est dégradée. La lenteur de la mise en place du Ségur de la santé place les soignants devant un dilemme insoluble : ils ne peuvent que tenir malgré les insuffisances, sinon l’hôpital public implosera, ce qui affectera encore plus la santé de nos concitoyens.

Nous vous avons auditionné le 6 mai dernier, monsieur Castex, alors que vous étiez chargé du déconfinement. Vous êtes désormais le Premier ministre chargé du reconfinement. Dans ce cadre, j’ai une question simple à vous poser : pouvez-vous nous présenter clairement, avec précision, les différents scenarii qui nous permettront d’éviter un troisième reconfinement début 2021 ?

Nous relevons ces points par esprit de responsabilité. Contrairement à ce qu’ont pu dire ces derniers jours votre porte-parole et votre ministre des solidarités et de la santé, nous avons fait des propositions : cela fait neuf mois que nous répondons présents, que nous sommes au rendez-vous pour accompagner les Français face à cette crise. En matière de santé publique, nous vous avions alerté sur les dysfonctionnements.

Nos propositions ont également porté sur la question sociale. Sur ce point, aucun quitus non plus ne sera donné à votre gouvernement, qui n’a pas pris la mesure de l’urgence. Un million de Français ont rejoint les plus de 9 millions de Français qui étaient déjà sous le seuil de pauvreté. Cette situation est dramatique. Il aurait fallu réagir plus en amont, plus rapidement, plus efficacement. Vos annonces de samedi dernier ne répondent pas à ce drame social en perspective. Il n’y en a pas eu depuis, malgré le durcissement.

Vous pratiquez un saupoudrage, qui ne prend pas en compte l’ampleur de ce qui existe déjà, et encore moins de ce qui attend notre pays. Bien sûr, des mesures d’urgence ont été prises au début de la crise, et nous avions d’ailleurs voté vos différents budgets rectificatifs, mais les jeunes, les pauvres, les nouveaux précaires sont sortis de votre radar. À ceux-là, vous proposez des aides exceptionnelles et ponctuelles, quand la deuxième vague nous confirme qu’un grand nombre de Français risquent de s’installer dans la précarité sur un temps long.

Dans le même temps, la suppression de l’impôt sur la fortune et l’instauration de la flat tax au début du quinquennat ont eu pour effet de faire fortement augmenter le revenu des 0, 1 % des Français les plus aisés, tandis que la distribution des dividendes, de plus en plus concentrée, a explosé ces derniers mois. §C’est la vie, mes chers collègues ! Cet « en même temps » là, c’est de la fracture sociale en puissance !

Ainsi, il vous faudra répondre à ces questions de plus en plus pressantes, monsieur le Premier ministre.

Quand allez-vous penser de nouvelles ressources tirées de la taxation du capital pour qu’une réelle solidarité nationale s’exerce dans cette crise ?

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