Intervention de Brigitte Bourguignon

Réunion du 29 octobre 2020 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Brigitte Bourguignon :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me présente devant vous, alors que vous venez de vous prononcer sur la déclaration que le Premier ministre a faite au nom du Gouvernement concernant l’évolution de la situation sanitaire, dans un contexte que je sais particulier.

Je ne saurais commencer mon propos sans avoir une pensée émue, alors que trois de nos compatriotes ont été assassinés, aujourd’hui, et que notre pays a été une fois encore victime d’attaques terroristes islamistes. Ces actes terroristes ont pris pour cibles, sur notre territoire, certains de nos concitoyens qui souhaitaient exercer librement leur culte, dans une ville déjà meurtrie par un attentat ; ils ont également porté contre un vigile qui assurait la protection de notre représentation consulaire à Jeddah, en Arabie Saoudite. Les Français et la France sont clairement attaqués.

Le Président de la République l’a dit, à Nice, il y a quelques heures : cet attentat ignoble, cette attaque aussi lâche que barbare, endeuille notre nation tout entière et appelle une réponse ferme et implacable du Gouvernement. Immédiatement, le plan Vigipirate a été relevé au niveau « alerte attentat ». L’opération Sentinelle déploiera quatre mille militaires supplémentaires sur l’ensemble du territoire dans les prochains jours. Un conseil de défense se réunira, demain, pour prendre toutes les mesures qui s’imposent.

La France fait donc face à une menace sécuritaire réelle, avérée et malheureusement à nouveau réalisée. S’y ajoute une autre menace, sanitaire, qui me conduit précisément devant vous, cet après-midi. Elle n’est pas idéologique. Elle appelle une réponse non seulement de l’État, mais aussi de chacun d’entre nous. C’est pourquoi, pour la deuxième fois depuis le début de l’année 2020, un confinement a été décidé face à un virus qui circule à nouveau de manière trop active, et qui nous fait craindre le pire.

La Nation tout entière est appelée une fois encore à faire bloc pour protéger les plus vulnérables, dont nos aînés, bien sûr, mais aussi tout un chacun, car ce virus peut également frapper les plus jeunes ; pour protéger les soignants aussi, parce que, malgré la fatigue accumulée ces derniers mois, vous savez qu’ils sont pleinement mobilisés.

Ce deuxième confinement ne saurait être comparé au premier. Il s’en distingue par bien des aspects. À titre d’exemple, le choix de ne pas fermer nos crèches, nos écoles, nos collèges et nos lycées traduit l’équilibre si fragile et si précieux que nous devons chercher à atteindre. Les efforts demandés aux Français sont très importants : le Gouvernement en a conscience et mesure les sacrifices individuels et collectifs auxquels nous nous préparons : ils sont indispensables pour sauver des vies.

La situation est peu commune. Il y a deux semaines, le Gouvernement vous présentait un texte visant à prolonger les mesures dérogatoires pour accompagner la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Ce texte n’aura pas atteint le terme de son parcours, interrompu après que le Président de la République a pris un décret en conseil des ministres pour instaurer à nouveau l’état d’urgence sanitaire dans notre pays.

Il n’aura échappé à personne que, depuis le mois d’août, l’Europe est confrontée à une recrudescence du nombre des contaminations à la covid-19. Particulièrement meurtrière, l’épidémie a déjà causé le décès de plus de 250 000 personnes, dont près de 35 000 dans notre pays.

Conformément à l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois nécessite une autorisation du législateur : c’est l’objet principal du projet de loi que je vous présente aujourd’hui.

En effet, l’évolution de la situation sanitaire et les effets différés de la circulation du virus sur le système de santé rendent indispensable une prorogation au-delà du 17 novembre. Une divergence existe sur la date, puisque la commission des lois du Sénat a privilégié celle du 31 janvier là où le Gouvernement avait inscrit le 16 février.

Autre désaccord, le projet de loi prévoit, à l’article 2, de proroger le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er avril 2021, en vue de disposer de facultés d’intervention lorsque l’état d’urgence sera levé. La commission des lois n’a pas retenu cet article et le Gouvernement le regrette.

Il est pourtant indispensable de proroger ce régime dérogatoire et transitoire, si l’on veut éviter toute rupture brutale des mesures barrières en sortie d’état d’urgence sanitaire. À défaut, et sauf à ce que l’épidémie présente une gravité telle qu’elle justifie de prolonger encore l’état d’urgence, nous ne disposerons d’aucun moyen d’action, dès lors que ce régime expirera, c’est-à-dire demain, vendredi 30 octobre 2020, conformément à l’article 1er de la loi du 9 juillet dernier.

La date du 1er avril 2021 nous paraît, en outre, cohérente avec la clause de caducité que le Parlement a lui-même voulue pour le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire. Cette échéance permettra de consacrer la future réforme relative à la mise en place d’un dispositif pérenne de gestion de l’urgence sanitaire, sans que le débat de fond soit suspendu par la nécessité d’une nouvelle prorogation des mesures transitoires.

Parce que nous disposons de systèmes d’information importants pour suivre et gérer efficacement l’évolution de la situation sanitaire, l’article 3 autorisera la mise en œuvre de systèmes dédiés à l’épidémie de la covid-19 pour une durée correspondant à la période de l’état d’urgence sanitaire et du régime transitoire.

À ce sujet, je salue le travail mené par le Sénat dans le cadre de l’examen du précédent projet de loi. En effet, la finalité d’accompagnement social mentionnée dès le texte initial pour reconnaître juridiquement l’action des organismes qui assurent une importante mission d’accompagnement social des personnes touchées par l’épidémie, comme les centres communaux d’action sociale, est un atout majeur issu d’une des propositions des sénateurs.

Enfin, à l’article 4, le projet de loi prévoyait plusieurs habilitations pour rétablir ou prolonger les dispositions de certaines ordonnances prises sur le fondement des lois du 23 mars et du 17 juin 2020, ou sur celui de dispositions législatives récentes, précisément identifiées.

Cet article tire les conséquences du débat parlementaire qui s’est ouvert lors de la première lecture du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Plusieurs sénateurs avaient alors déposé des amendements visant à proroger les mesures d’incitation et de protection de la population. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, dans le présent texte, de proposer au Parlement de proroger un ensemble de dispositifs, à l’instar de ce que vous aviez accepté au moment de l’instauration de l’état d’urgence sanitaire. Cette habilitation permettra, en tant que de besoin – j’insiste sur cette modération –, de rétablir et d’adapter à l’état de la situation sanitaire du moment ainsi qu’aux règles de police sanitaire, les mesures d’accompagnement qui avaient été conçues à partir de mars dernier.

En commission, les députés ont adopté un amendement tendant à réduire le délai pour prendre les ordonnances au 16 février, date de la fin d’état d’urgence sanitaire et non pas, comme l’avait prévu le Gouvernement, au 1er avril, date de la fin du régime transitoire. En séance, un amendement de compromis a été trouvé sur les consultations obligatoires. Pour pouvoir intervenir rapidement et en toute sécurité juridique, nous avons proposé de maintenir l’absence de consultation obligatoire en amont des ordonnances, au moins pour celles qui interviendront dans les premières semaines d’application de la loi.

En séance, samedi dernier, le Gouvernement a proposé de compléter ces mesures d’accompagnement transitoire qui nous paraissent indispensables pour limiter les conséquences de la reprise de l’épidémie.

Nous prenons acte des modifications qui sont intervenues lors de l’examen du texte par la commission des lois. Certaines d’entre elles posent des questions techniques ; d’autres, plus politiques. Si nous pouvons partager l’esprit de certaines initiatives, d’autres soulèvent de vraies difficultés. En tout état de cause, le Gouvernement considère que ces modifications ponctuelles ne justifient pas de supprimer ou de restreindre significativement les dispositions de l’article 4, telles que les a adoptées l’Assemblée nationale, dès lors que l’évolution très rapide de la situation et le renforcement des mesures de police sanitaire vont appeler la réactivation d’autres mesures d’accompagnement, dans les prochaines semaines.

Par conséquent, nous avons souhaité déposer des amendements sur les seuls éléments que nous considérons comme des lignes de crête pour garantir l’équilibre de ce projet de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le début de la pandémie, le Sénat a su se montrer exigeant et responsable pour relever ce défi historique. Le virus n’épargne aucun territoire : dans l’Hexagone comme en outre-mer, tous nos concitoyens sont menacés. Nous nous préparons à un choc très important dans les jours qui viennent. Il faut le dire, et le Président de la République a été très clair dans son discours, hier soir. Nos soignants sont déjà sur le front et le pays tout entier doit être à nouveau à leurs côtés. De l’exigence, de la responsabilité, aucun élu n’en a manqué et tous seront au rendez-vous. Ce texte est aussi l’occasion de le rappeler.

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