Intervention de Marie-Pierre de La Gontrie

Réunion du 29 octobre 2020 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat se réunit aujourd’hui pour examiner un cinquième projet de loi sur l’état d’urgence sanitaire. Chaque fois, il a répondu présent.

Notre groupe, qui participait activement à ces réflexions dès le 23 mars dernier, a abordé ce texte avec un regard à la fois exigeant et ouvert. Cette ouverture et cette compréhension de la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouvent notre pays et le Gouvernement nous ont amenés, voilà quelques instants, à approuver les propositions du Premier ministre à la suite des annonces, hier soir, du Président de la République.

Bien évidemment, il faut toujours garder à l’esprit que le Gouvernement doit pouvoir agir. Mais deux autres éléments doivent aussi être pris en compte : d’une part, le respect de notre constitution, le respect de l’équilibre des pouvoirs, le respect du Parlement ; d’autre part, les absences de ce texte.

Je rappellerai, sur le premier point, une phrase que nous connaissons tous : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Montesquieu exprime purement et simplement ce que nous vivons aujourd’hui : le Parlement doit pouvoir, comme le prévoient les termes mêmes de la Constitution, limiter, encadrer, contrôler le pouvoir exécutif.

Or le choix que vous avez fait aujourd’hui est assez surprenant, sinon inquiétant : vous avez décidé de présenter dans un seul et même texte l’ensemble des dispositions contenues auparavant dans plusieurs textes, en décrétant une prolongation de plusieurs mois de l’état d’urgence sanitaire et en rendant dès à présent possible sa prorogation. Vous instaurez ainsi un régime valable jusqu’au mois d’avril prochain, sans qu’il soit besoin de revenir devant le Parlement. Ce n’est pas acceptable.

C’est d’autant moins acceptable que le Parlement a démontré sa capacité à délibérer avec l’adoption de la loi du 23 mars dernier, prorogée par la loi du 11 mai, avec l’adoption de la loi du 9 juillet permettant la sortie de l’état d’urgence sanitaire et avec l’examen, le 14 octobre dernier, et même si le débat a avorté, du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Non, ce n’est pas le Parlement qui empêche, et pourtant vous ne voulez pas de lui.

Ce choix n’est pas acceptable, raison pour laquelle notre groupe avait proposé des amendements visant à réduire de manière importante cette durée et à refuser l’article instaurant d’ores et déjà un régime de sortie d’état d’urgence sanitaire pour le mois de février. Une large majorité, pour ne pas dire unanimité, s’est manifestée en commission et nous avons pu, avec le rapporteur Philippe Bas, rendre les choses un peu plus conformes à l’esprit démocratique, mais nous aurons tout à l’heure l’occasion de défendre des amendements qui vont un peu plus loin.

Plusieurs de mes collègues ont déjà évoqué la question des ordonnances, à travers lesquelles le Parlement décide de remettre tous ses pouvoirs entre les mains de l’exécutif. Le recours aux ordonnances peut être justifié par l’urgence, ce que nous pouvions comprendre quand nous avons adopté la loi du 23 mars dernier – quoique : 70 habilitations dont certaines n’ont jamais été utilisées… Mais lorsque, sept mois plus tard, vous demandez de recourir de nouveau aux ordonnances, il ne s’agit plus d’urgence, mais plutôt d’une forme de désinvolture qui n’existe pas dans notre droit. Cela signifie aussi que vous considérez que le Parlement n’a pas de raison d’être. Encore une fois, ce n’est pas acceptable.

Mon groupe avait proposé de supprimer cet article ; le rapporteur et la majorité de la commission ont préféré élaguer considérablement les possibilités d’utiliser les ordonnances, ce qui est déjà un progrès.

Quid du fonctionnement de la démocratie ? Quelle curieuse chose de considérer que tout peut fonctionner, sauf les élections.

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