Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous partons ici de la révision constitutionnelle de 2003, qui a représenté un progrès et une consolidation de notre système de décentralisation ; le moment ne me semble donc pas mal choisi pour la saluer.
Cependant, le quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, sur lequel nous travaillons, a été conçu pour expérimenter et non pour différencier ; c’est en réalité le support d’une politique d’innovation, d’essai, et les collectivités qui forment le groupe expérimentateur constituent, au fond, un groupe témoin et non un prototype visant à créer des différences sur le territoire.
Au travers de cette révision constitutionnelle et de la loi organique qui a appliqué celle-ci, on a prévu, par prudence, une procédure préalable assez rigoureuse d’autorisation de l’expérimentation. Cette précaution était justifiée par un principe énoncé dans la Constitution, sur lequel nous nous rejoignons tous, je crois : l’expérimentation pouvant éventuellement se conclure par des formes de différenciation doit respecter – les termes sont importants – « les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti ». Il s’agit donc non d’un contrôle ou d’un cadre formel, mais d’une exigence réelle : le respect des « conditions essentielles » des principes qui fondent la République une et indivisible ; Mme Assassi l’a bien exprimé, dans un texte dont je salue la qualité juridique.
Sur ces principes, nous nous rassemblons, et cela me conduit à vouloir conserver une expression mesurée sur l’étendue que peut avoir in fine la différenciation : celle-ci doit toujours respecter les principes fondamentaux de la République et du service public.
Le présent projet de loi organique définit un cadre élargi en facilitant le lancement de la procédure d’expérimentation, en rationalisant l’évaluation – on examine attentivement et de façon contradictoire, débattue, le résultat de l’expérimentation – et, ensuite, on peut conclure. La principale nouveauté consiste en ce que la conclusion de l’expérimentation, la décision prise à son issue, en tout cas dans le domaine de l’exercice, par les collectivités territoriales, de leurs compétences, pourra être soit l’abandon, soit la généralisation, soit, désormais, l’application à celles des collectivités qui seraient intéressées et éventuellement à de nouvelles.
Je souhaite souligner un point important, rappelé par Mme la ministre précédemment, lors de son intervention relative à la motion tendant à opposer la question préalable : il faudra au moins un critère de pertinence dans le choix des collectivités auxquelles s’appliquera la différenciation. Cela ne peut se faire – pardonnez-moi l’expression – à la tête du client. Mme le corapporteur l’a indiqué, s’il existe une loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite « Littoral » c’est bien à cause de conditions géographiques spécifiques qui la justifient, et il ne serait pas justifié que l’on appliquât les mêmes normes à d’autres territoires. Cela n’est écrit nulle part dans le texte dont nous discutons, mais cela doit être clairement entendu entre tous ceux qui légifèrent. Lorsqu’il y aura différenciation, ce sera sur le fondement de différences objectives, non subjectives.