Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les crises sanitaire et sécuritaire que nous traversons ont démontré l’importance de répondre avec la plus grande détermination au problème mondial de la drogue.
En effet, la pandémie de covid-19 a mis en lumière l’extrême résilience des réseaux de trafiquants, qui ont diversifié et adapté leurs itinéraires et leurs modes de transport au gré des restrictions aux déplacements. Par ailleurs, cette pandémie a accru la vulnérabilité des usagers, qui ont connu des difficultés pour accéder au dispositif de soins ou, parfois, se sont tournés vers des substances ou des modes de consommation plus nocifs.
La fin de la crise sanitaire, quel que soit son horizon, ne résoudra pas ces difficultés, bien au contraire, avec la circulation des stocks de drogue surnuméraires n’ayant pu être écoulés et l’existence de publics encore plus fragilisés.
Alors que les trafics de stupéfiants ne cessent de s’étendre à l’échelle mondiale, notre réponse doit, aujourd’hui plus encore, passer par une action coordonnée à l’échelle internationale.
De fait, ces trafics constituent un phénomène véritablement mondial, qui se joue entre pays de production, de transit et de destination. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres pour agir à la fois en amont, afin d’éviter que nos populations, en particulier les personnes les plus vulnérables, ne tombent dans l’addiction, et en aval, pour offrir une voie de sortie de la dépendance à ceux qui le souhaitent, suivant une approche respectueuse des droits humains.
Pour faire face à ce défi, l’Inde est un partenaire incontournable.
Elle l’est, tout d’abord, en tant qu’alliée majeure de la France dans de multiples domaines. Notre pays et l’Inde sont liés depuis 1998 par un partenariat stratégique, dans le cadre duquel se sont développées des coopérations ambitieuses dans les domaines de la défense, de l’espace, de la sécurité ou encore du climat.
L’accord intergouvernemental relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes, signé à l’occasion de la visite du Président de la République à New Delhi, le 10 mars 2018, et soumis cette après-midi à l’approbation de votre assemblée, s’inscrit dans cette dynamique : il vise à structurer et renforcer la coopération franco-indienne dans un domaine qui représente, pour nos deux pays, l’enjeu essentiel de santé publique et de sécurité que j’ai décrit.
Elle l’est, ensuite, en tant qu’acteur constructif de la scène internationale en matière de lutte contre les produits stupéfiants et en tant que soutien de notre approche équilibrée faisant droit aussi bien aux impératifs de la lutte contre les trafics qu’à la nécessité de mener des politiques de prévention.
L’Inde doit être associée à cette lutte. Face à la double pression exercée par les pays les plus laxistes, désireux notamment de légaliser largement l’usage des drogues, et les plus fermés, promoteurs d’une réponse exclusivement répressive, donc incomplète, l’Inde est un soutien essentiel pour la préservation de ce cadre international.
Elle l’est, enfin, sur le plan sécuritaire, en tant que pays central du point de vue de la problématique de la circulation des drogues aux échelles régionale et mondiale. L’Inde doit être associée aussi à notre approche.
Un renforcement de notre coopération bilatérale est nécessaire, pour mieux appréhender les menaces que peut faire peser sur notre sécurité nationale la situation spécifique de ce pays de plus de 1, 3 milliard d’habitants, qui est à la fois une zone de transit, de production et de consommation de stupéfiants. Située à l’interface de plusieurs zones majeures de production, l’Inde est un pays de transit de ces produits vers le monde entier, qu’il s’agisse de l’Europe, de l’Afrique, de l’Amérique du Nord ou même de l’Asie du Sud-Est.
Ce renforcement de notre coopération est d’autant plus nécessaire que la question des drogues, je le rappelle, a partie liée avec le terrorisme. De fait, le trafic de stupéfiants constitue, toujours plus, l’une des premières sources de revenus des réseaux terroristes islamistes mondiaux opérant notamment dans le sous-continent indien, en particulier en Afghanistan.
Par ailleurs, l’Inde est devenue un lieu de production de différents stupéfiants et précurseurs chimiques, exportés vers des marchés étrangers où leur consommation provoque, vous le savez, des difficultés sanitaires majeures au sein des populations de nos pays.
Enfin, la croissance de la consommation de drogues en Inde doit nous alerter, compte tenu de ses conséquences sur la santé publique dans ce pays, comme sur le développement accru de réseaux criminels.
L’accord soumis à votre approbation, le premier engagement juridiquement contraignant conclu avec l’Inde en matière de coopération policière et judiciaire, constitue un jalon essentiel pour nous permettre d’atteindre l’ensemble de ces objectifs.
Il a été élaboré et négocié dans le respect de l’approche équilibrée prônée par la France, et sa mise en œuvre en attestera l’efficacité et la pertinence. En effet, les champs de coopération renforcée qu’il ouvre permettront à la fois une montée en puissance de notre action commune en matière de lutte contre la consommation et le trafic de stupéfiants et une meilleure prise en compte dans nos échanges de l’ensemble des enjeux sanitaires et sociaux.
Ainsi, cet accord permettra d’encourager le développement d’actions de coopération visant à réduire effectivement la production de stupéfiants, notamment de précurseurs chimiques, ainsi que leur éventuel trafic entre nos deux pays et au-delà.
Il nous donnera également les moyens d’agir sur la demande, en promouvant auprès de nos partenaires indiens notre approche en matière de prévention de la consommation de drogues. Là aussi, cela passera par la conduite nouvelle d’actions conjointes d’éducation et de sensibilisation des publics les plus vulnérables.
À cette fin, la coopération opérationnelle et technique entre les services spécialisés de nos deux pays sera renforcée, au travers d’échanges d’informations, d’expériences et de bonnes pratiques. Cet accord bilatéral prévoit également des formations, ainsi que la fourniture d’une assistance technique et scientifique, à destination des services indiens.
Ainsi qu’il ressort des articles 6 et 7 de l’accord, ces échanges ont fait l’objet, dès le début de la négociation en 2013, de la plus grande attention de la part des autorités françaises, afin que toutes les garanties nécessaires soient prévues en matière de protection des données à caractère personnel. Il s’agit d’un enjeu essentiel, sur lequel la France, de manière générale, est particulièrement engagée.
Ainsi, nous nous sommes assurés que ces échanges ne puissent avoir lieu que dans le strict respect de la législation nationale de chaque partie – en ce qui nous concerne, une législation européenne.
L’accord garantit donc à nos ressortissants et à nos services un niveau adéquat de protection de la vie privée, en fixant un socle d’obligations et de garanties fondamentales précises en matière de protection des données personnelles, en deçà duquel aucune opération de traitement ou de transfert de données ne pourra être effectuée.
Cette vigilance, nous en avons fait preuve à plus forte raison pour nous assurer que la mise en œuvre de l’accord ne puisse servir dans le cadre de procédures susceptibles d’aboutir à des condamnations à la peine de mort, à laquelle la France, au demeurant engagée par des accords internationaux, est évidemment opposée en tout lieu et en toutes circonstances.
Les restrictions imposées par la Cour suprême indienne au recours à la peine capitale la rendent en pratique tout à fait exceptionnelle – et même, dans les affaires de trafic de drogue, théorique. Néanmoins, son application reste en principe possible.
C’est la raison pour laquelle la France a insisté pour que des références explicites et précises au respect de nos engagements internationaux en matière de refus de la peine capitale soient inscrites dans l’accord. Figurant aux paragraphes 3 des articles 2 et 5, ces garanties permettront à nos services opérationnels, dans tous les domaines et dans tous les cas, de s’opposer à une demande de coopération susceptible de conduire à l’application de la peine de mort.
La mise en œuvre de cet accord, pour l’application duquel l’Inde a d’ores et déjà mené à bien les procédures internes nécessaires, revêtira pour notre pays une importance double, si bien sûr votre assemblée approuve définitivement ce texte.
Tout d’abord, elle servira utilement la conduite de notre stratégie internationale en matière de lutte contre les drogues et les produits stupéfiants. Ensuite, elle viendra, de manière plus générale, conforter la dynamique, voulue par le Président de la République, de renforcement de notre relation bilatérale avec l’Inde, notamment sur les questions stratégiques et de sécurité.
Dans le contexte actuel, il est nécessaire de renforcer encore la coopération internationale pour lutter contre les menaces, qui ne connaissent pas de frontières. Nous l’avons vu en ce qui concerne la pandémie de la covid-19 ; nous le voyons aussi dans la lutte sans merci que nous menons contre le terrorisme et la diffusion de l’idéologie extrémiste. Nous devons agir de même contre d’autres fléaux internationaux, qui d’ailleurs renforcent souvent ces dynamiques, en particulier contre les trafics de drogue et tous les mécanismes qui les alimentent ou les facilitent.
Aujourd’hui plus que jamais, le renforcement de notre action bilatérale comme de notre engagement multilatéral est indispensable !
Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle cet accord du 10 mars 2018 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde, relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes.