Séance en hémicycle du 4 novembre 2020 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • commerce
  • coopération
  • longue
  • l’expérimentation
  • l’inde
  • mort
  • peine
  • stupéfiants
  • trafic

Sommaire

La séance

Source

La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer, au cours de nos échanges, l’une des valeurs essentielles de notre institution : le respect, celui des uns et des autres, celui du temps de parole et celui des gestes barrières, au sujet desquels les questeurs et moi-même vous avons adressé un courrier voilà quelques jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Oui, la situation sanitaire est grave. Oui, des dispositions contraignantes devaient être prises, comme dans tous les pays européens. Oui, il faut freiner la circulation du virus pour permettre aux soignants de tenir. Oui, nous devons faire preuve de responsabilité, comme nous l’avons fait en votant la déclaration du Gouvernement.

Toutefois, encore faut-il que les décisions soient logiques et équitables ! Comment justifier la fermeture des petits commerces, qui appliquent les protocoles sanitaires, au prétexte qu’ils ne seraient pas « essentiels » ? Comment justifier qu’acheter un fer à repasser dans une grande enseigne soit plus « essentiel » qu’acheter un livre en librairie ? Comment justifier que monter dans un bus pour aller travailler soit plus sûr que faire une balade en forêt à plus d’un kilomètre de chez soi ?

Aussi, ma question est simple : où est la logique ? Quelle en est l’efficacité ?

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques. (Vives exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

Debut de section - Permalien
Cédric O

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord excuser Bruno Le Maire et Alain Griset, qui mènent actuellement une réunion avec l’ensemble des organisations syndicales et des fédérations de commerçants, en cette période difficile.

Vous évoquez, madame la sénatrice, la situation sanitaire. Et, à juste titre, vous cherchez à déceler la logique des prises de décisions du Gouvernement.

En ce qui concerne la situation sanitaire, …

Debut de section - Permalien
Cédric O

… je rappelle que nous devons faire en sorte de réduire le taux de reproduction du virus, le fameux « R0 », de 1, 6 à 0, 8. Il faut donc diviser par deux les interactions sociales des Français.

Debut de section - Permalien
Cédric O

C’est pourquoi nous avons dû prendre des décisions extrêmement difficiles pour réduire ces interactions sociales par le confinement. Nous avons pris également la décision difficile de garder les écoles ouvertes…

Debut de section - Permalien
Cédric O

… et de laisser le travail possible, dès lors qu’il ne pouvait y avoir de télétravail. En effet, la solution inverse aurait été pire que le mal.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Si nous avions accédé à la demande que vous formulez aujourd’hui, madame la sénatrice, et laissé l’ensemble des commerces ouverts, le confinement serait alors revenu exactement à fermer les seuls bars et restaurants.

C’est avec une extrême difficulté, mais aussi un grand sens de la responsabilité, que nous avons pris cette décision consistant à limiter les déplacements des Français, qui voient et côtoient d’autres personnes dans les commerces. Rouvrir ces derniers signifierait mécaniquement que le confinement équivaudrait à fermer uniquement les bars et les restaurants.

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Allez voir dans le métro s’il y a un confinement !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Mme Laurence Harribey. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez l’art de déformer les propos. Et le fait que ce soit vous qui répondiez est tout à fait significatif de votre respect du Parlement.

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

L’important n’est pas de comprendre les frustrations des uns et des autres ; c’est que les décisions soient acceptées. Or, pour qu’elles soient acceptables, il faut qu’elles soient compréhensibles.

Et si cette acceptabilité passait par un changement de méthode ? Voici quelques propositions : changer la logique en privilégiant les protocoles sanitaires, plutôt qu’en raisonnant par « produits essentiels » ou par type de commerce ; faire contribuer ceux qui tirent parti de la crise, comme les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), à un fonds de soutien au commerce de proximité ; faire confiance aux élus locaux, car les innovations viennent des territoires.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Mme Laurence Harribey. Enfin, parce qu’il est impossible d’aller d’état d’urgence en état d’urgence sans concertation, modifiez la gouvernance de cette crise en vous appuyant sur le Parlement, plutôt qu’en lui donnant la leçon, comme hier soir, à l’Assemblée nationale.

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Mme Laurence Harribey. Pour que la responsabilité soit partagée, encore faut-il que la décision le soit aussi.

Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Monsieur le ministre de l’économie, la deuxième vague de l’épidémie de covid-19 frappe notre pays de plein fouet. Le nombre des personnes infectées dépasse les chiffres du mois de mars dernier, et les indicateurs sont au rouge.

Face à la gravité de la situation, le Gouvernement a décidé par décret, le 29 octobre dernier, et selon des critères bien flous, de fermer les commerces dits « non essentiels », parmi lesquels nombre de petits commerces de proximité.

Cette décision soulève une incompréhension doublée d’un sentiment d’injustice pour des professionnels qui avaient mis en place des mesures garantissant la sécurité sanitaire de leurs salariés et de leurs clients : flacons de gel hydroalcoolique, port du masque obligatoire, nombre limité de clients dans les locaux…

Je redoute que cette fermeture ne représente le coup de grâce pour l’économie locale. Alors que les mastodontes du commerce en ligne et de la grande distribution restent ouverts, cette différence de traitement introduit une discrimination. Or faire ses courses dans un hypermarché comporte plus de risques de promiscuité qu’acheter un livre dans une librairie limitant la présence des clients en boutique.

Dans la commune de Peret, de 1 000 habitants, dont j’ai été longtemps maire, il y a un seul salon de coiffure. Il lui serait possible d’accueillir un client à la fois en appliquant des règles sanitaires strictes, sans pour autant contribuer à propager le virus.

Ailleurs, des maires ont pris, en toute illégalité, des arrêtés pour rouvrir ces commerces, tandis que l’Association des maires de France demande, dans un communiqué, le réexamen de la notion de commerce de première nécessité. Pour répondre à la grogne, vous avez annoncé dimanche un fonds de 100 millions d’euros d’aides pour accélérer la digitalisation et mettre en place un service de click and collect, accompagné d’incitations financières.

Afin de leur donner une chance de survivre à ce nouveau confinement, et parce qu’ils assurent un service indispensable à la vie sociale et économique de nos communes et de nos territoires, le groupe RDSE et moi-même vous demandons, monsieur le ministre, d’autoriser l’ouverture des petits commerces de proximité par dérogation accordée par le préfet, à la demande des maires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

M. Christian Bilhac. La mise en place de ce système dérogatoire remettra au cœur du dispositif le couple maire-préfet.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

Exclamations sur les travées des groupes RDSE, SER, UC et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à rappeler à la Haute Assemblée que la Constitution, dont nous nous réclamons tous, dispose que n’importe quel ministre du Gouvernement…

Debut de section - Permalien
Cédric O

M. Cédric O, secrétaire d ’ État. … est habilité à représenter l’ensemble de celui-ci et à répondre à sa place.

Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Bruno Le Maire et Alain Griset devant en ce moment même mener la concertation sur ces mesures, comme vous nous invitez à le faire, il se trouve que c’est moi qui vous réponds.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Concentrez-vous plutôt sur StopCovid !

Sourires sur les travées du groupe SER.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Cela me permet, monsieur le sénateur, de revenir sur l’engagement exceptionnel du Gouvernement en soutien des petits commerces pris dans cette situation difficile.

Grâce à l’extension du fonds de solidarité, tout d’abord, un commerce réalisant aujourd’hui moins de 10 000 euros de chiffre d’affaires – c’est probablement le cas de la majorité des petits commerces –, qui, en novembre 2019, faisait 6 000 euros ou 7000 euros de chiffre d’affaires, verra son chiffre d’affaires intégralement compensé jusqu’à 10 000 euros.

Mieux, le fait même que le click and collect ne soit pas intégré au chiffre d’affaires signifie qu’un commerce n’ayant pas atteint ce seuil en novembre 2019 pourrait, en novembre 2020, réaliser un chiffre d’affaires plus important qu’en 2019.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Vérifiez, mesdames, messieurs les sénateurs : c’est la réalité vécue par nos petits commerces.

Une partie d’entre eux a d’ailleurs préféré la fermeture à une réouverture assortie de protocoles sanitaires beaucoup trop contraignants, car la réalité économique fait qu’il n’y a pas d’intérêt à rouvrir pour accueillir un client par salon de coiffure.

Il y a un engagement très fort de l’État sur le fonds de solidarité – 15 milliards d’euros par mois –, sur les cotisations sociales et sur le prêt garanti par l’État, qui a été prolongé jusqu’au 30 juin 2021. La situation est difficile, mais l’État est aux côtés des petits commerces.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Le confinement est devenu indispensable pour la sécurité sanitaire, mais les petits commerçants payent un lourd tribut. Pour la seconde fois, ils sont obligés de fermer boutique et vivent une situation dramatique.

De plus, les mesures mises en place introduisent une inégalité de traitement avec les grandes et moyennes surfaces, d’une part, et avec les géants du numérique, d’autre part. C’est une inégalité insoutenable. Comment accepter cette situation invraisemblable : nos petits commerces sont obligés de fermer, et, en parallèle, des entrepôts d’Amazon s’implantent un peu partout sur notre territoire ?

Ce modèle économique n’est pas durable. Il est à l’origine de dizaines de milliers de destructions d’emplois dans les commerces traditionnels. Il participe à la dévitalisation de nos centres-villes, il bétonne nos terres agricoles et il a un bilan carbone catastrophique.

J’en appelle à la responsabilité de toutes et tous ici, notamment à celle de mes collègues assis à droite de cet hémicycle. §Demander la relocalisation de nos productions et appeler à plus de souveraineté, c’est bien. Mais il ne faut pas pleurer la mort des petits commerces de proximité et, en parallèle, autoriser des implantations et des extensions de grandes surfaces et accepter la construction de vingt nouveaux entrepôts géants d’Amazon un peu partout en France !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

En effet, il relève bien de la responsabilité des élus locaux d’accepter, ou non, l’implantation de ces sites sur leur commune.

C’est le cas à Belin-Béliet, en Gironde, où le géant chinois Alibaba va implanter 71 000 mètres carrés d’entrepôts logistiques en plein parc naturel régional, mais aussi à Ensisheim, dans le Haut-Rhin, ou encore à Montbert, en Loire Atlantique. La liste est longue !

Je pourrais également parler des conditions sanitaires des salariés dans la vente en ligne. Monsieur le ministre, pour enfin trouver le chemin d’un modèle économique juste et résilient, soyons efficaces sans attendre. À quand un gel des implantations d’entrepôts de vente en ligne, comme le demande la Convention citoyenne pour le climat, et un moratoire sur leurs ouvertures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

M. Daniel Salmon. À quand une contribution exceptionnelle d’Amazon et des grandes surfaces en faveur des commerçants et artisans obligés de fermer ?

Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Monsieur le sénateur Salmon, je vous remercie de votre question, qui me permet de remettre en perspective la réalité de ce que représente Amazon dans notre pays.

Oui, il s’agit évidemment d’accompagner les petits commerces – nous avons eu l’occasion d’en parler, et nous en parlerons sûrement de nouveau dans la suite de la discussion.

Je souhaite toutefois rappeler les chiffres du e-commerce. En effet, il existe aujourd’hui autour d’Amazon une psychose française qui n’a pas beaucoup de sens.

Protestations sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Il n’y a pas un pays européen où la part d’Amazon soit plus basse qu’en France.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Lorsque les Français augmentent leurs achats de e-commerce, 60 % de ce surcroît revient aux e-commerçants français, aux entrepreneurs français, aux salariés français, aux entrepôts français.

Chez la sénatrice Harribey, Cdiscount représente 2 000 emplois

Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Grâce au confinement et au click and collect, cela représente plus d’emplois, plus d’entrepôts et plus de salariés en France.

Debut de section - Permalien
Cédric O

M. Cédric O, secrétaire d ’ État. La psychose française sur Amazon n’a donc absolument aucun sens.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Êtes-vous responsable de la communication d’Amazon ?

Debut de section - Permalien
Cédric O

Le sujet de fond sur lequel nous travaillons, d’ailleurs en lien avec les collectivités territoriales – pour chaque commune, la Banque des territoires finance des places de marché local à hauteur de 20 000 euros –, c’est la numérisation des petits commerces. Seuls 30 % des petits commerces sont numérisés en France, contre 72 % en Allemagne. C’est là qu’est le fond du problème !

Je rappelle que 60 % du e-commerce sont captés par des entreprises françaises comme la Fnac, Cdiscount ou ManoMano. Si nous ne sommes capables ni d’amener les petits commerces à se numériser, ni de doubler le nombre de TPE-PME numérisées, comme en Italie, alors, inexorablement, les petits commerces connaîtront des difficultés dans la durée.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Il n’y a pas des élus qui sont responsables et d’autres qui ne le sont pas.

Dans cet hémicycle, nous savons que gouverner dans la période actuelle n’est pas facile. Et nous réaffirmons que, aujourd’hui, la santé publique, celle des Français, est une priorité absolue.

Le Président de la République a annoncé la semaine dernière un reconfinement, que nous pouvons qualifier de partiel. Les écoles, les collèges et les lycées sont ouverts ; certains commerces, les grandes surfaces, les GAFA et les grands groupes qui livrent les foyers travaillent, tandis que d’autres sont fermés.

Nous le constatons, cela crée, dans le pays, de nombreuses incompréhensions, qui sont légitimes. Voici donc mon conseil : sortez de cette notion de « produits de première nécessité ». Si vous mettez le doigt là-dedans, vous n’en sortirez jamais ! Tous les jours apparaîtront de nouveaux produits de première nécessité, forts d’arguments tenant la route.

La boussole, ce doit être la sécurité sanitaire. On peut rouvrir si la sécurité sanitaire est respectée. On ne le peut pas si elle est impossible. On rouvre partiellement dans d’autres cas de figure. Certains commerces rouvriront, d’autres fonctionneront seulement à la marge, d’autres encore feront des livraisons.

Vous avez le devoir d’apporter à ces commerçants et indépendants la visibilité, le soutien, la confiance et l’accompagnement qu’ils méritent et que nous leur devons.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Marques de satisfaction sur les travées des groupes SER et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Verzelen, je souhaite intervenir à ce stade de la séance pour préciser de nouveau la stratégie du Gouvernement, bien que je l’aie déjà fait, ici même, jeudi dernier. Et je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous nous écoutions les uns les autres – la situation, par sa gravité, le mérite.

Je me suis rendu hier soir, avec le ministre de la santé

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Je vous assure que ce que j’y ai vu et entendu de la bouche des soignants témoigne de la gravité de la situation sanitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Cela fait trois semaines qu’ils vous le disent !

Debut de section - Permalien
Jean Castex

La prise en compte de cette situation est le préalable à toutes les décisions et à tous les débats que ces dernières suscitent légitimement.

Hier encore, plus de 430 personnes sont mortes en France. Cette maladie touche toutes les tranches d’âge, et personne n’est à l’abri.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

M. Jean Castex, Premier ministre. J’ai vu, hier, en réanimation, deux patients âgés l’un de 27 ans et l’autre de 33 ans.

M. Laurent Duplomb s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Je l’ai expliqué et réexpliqué, on doit naviguer à vue dans tous les pays, et partout le déconfinement a conduit à des mesures de freinage très lourdes, voire à des reconfinements.

Au-delà des polémiques politiciennes, la vérité est que la deuxième vague de l’épidémie est là et qu’elle est arrivée beaucoup plus vite et beaucoup plus fortement que ce quiconque pouvait imaginer.

Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Je vous en rappelle la logique. Au contraire du déconfinement, qui signifie que l’on est libre de sortir, tous les lieux où l’on peut se rendre étant entourés de protocoles sanitaires, le confinement vise à maintenir le maximum de gens chez eux, pour éviter les flux et interactions propices à la propagation épidémique.

Oui, il s’agit, comme vous l’avez dit, d’un reconfinement adapté. Nous vous avons écouté ! §Nous avons tiré les conséquences du premier confinement.

Je vous rappelle que, lors du premier confinement, l’on pouvait déjà aller travailler et prendre les transports en commun pour cela ; il n’y a rien de nouveau !

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Or cette décision a emporté des conséquences extrêmement préjudiciables, notamment pour nos enfants. Des études scientifiques, à commencer par celle de la très sérieuse Société française de pédiatrie, nous ont conseillé de ne surtout pas reconfiner les enfants, et nous les avons suivies. Nous avons donc moins confiné que lors de la première étape.

Une autre exception au précédent confinement était la possibilité de sortir le soir pour se procurer des produits de première nécessité et pour manger. Nous l’avons maintenue, car l’on nous a dit que cette question avait peu émergé lors de la première phase. Toutes les grandes surfaces et tous leurs rayons étaient alors restés ouverts. C’était déjà inégalitaire !

Mme Cécile Cukierman s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous en avons tiré des conséquences adaptées et cohérentes, car, en fermant des rayons dans les grandes surfaces, nous allons limiter les flux et les occasions de sortie.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Doit-on accompagner tous ces secteurs que nous fermons, qui n’y peuvent rien et qui ne demandent qu’à travailler ? Oui ! C’est un crève-cœur, et nous devons les indemniser.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Vous l’avez d’ailleurs reconnu : y a-t-il un pays, en Europe, qui soutient mieux son économie que la France ?

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Y a-t-il un pays qui accompagne mieux les secteurs qui sont fermés par nécessité sanitaire ?

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Ce matin, le conseil des ministres a adopté un quatrième projet de loi de finances rectificative, qui comportera toutes les mesures de soutien que Cédric O a décrites. J’espère que vous le voterez.

Nous recevons ces commerçants et nous préparons l’échéance du 12 novembre, mais celle-ci ne pourra être tenue que si la situation sanitaire est meilleure. Vous le savez, cette décision est prise non pas contre eux, mais pour la santé des Français.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. « Dites à mes enfants que je les aime » : tels sont les derniers mots prononcés par Simone, lâchement assassinée, comme Nadine et Vincent, en plein cœur de la basilique Notre-Dame de Nice par ce terroriste immigré tunisien, islamiste radical.

La France veut aujourd’hui déclarer la guerre à l’islamisme politique, qui entend détruire nos valeurs, nos libertés et notre civilisation. Mais la France se donne-t-elle vraiment les moyens de mener cette guerre ?

L’immigration n’est pas la cause première du terrorisme, mais les trois derniers attentats que nous venons de vivre nous confirment qu’elle en est l’une des conditions. Il est temps de mettre un terme au désordre migratoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Chaque année, 300 000 personnes, essentiellement issues des pays musulmans, entrent légalement en France, auxquelles il faut ajouter 150 000 demandeurs d’asile.

Aussi, je vous le demande solennellement, monsieur le Premier ministre : êtes-vous prêt à revoir les critères d’obtention du droit d’asile, si souvent détourné ?

Êtes-vous prêt à réduire au maximum le regroupement familial, que votre gouvernement a souhaité étendre aux mineurs étrangers isolés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Mme Dominique Estrosi Sassone. Êtes-vous prêt à remettre à plat, totalement, le droit des étrangers, pour que nous nous donnions vraiment les moyens d’expulser ?

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Madame la sénatrice, je choisis, là encore, de vous répondre, …

Debut de section - Permalien
Jean Castex

… compte tenu de la gravité du sujet et de votre terre d’élection, où je me rendrai samedi prochain.

J’ai, avec vous tous, une pensée pour les victimes odieusement et lâchement assassinées à Nice. Ces trois victimes, hélas, font suite à d’autres, trop nombreuses !

Vous m’interrogez légitimement sur la politique que le Gouvernement conduit face à cet ennemi qui, permettez-moi de vous rectifier, nous a déclarés la guerre, à nous. Je le répète devant la Haute Assemblée, il faut clairement identifier cet ennemi. C’est la première condition pour gagner une guerre, ce que nous ferons.

Cet ennemi a un nom. Il s’agit non pas de tous les étrangers, comme vous l’avez vous-même reconnu, ni de tous les musulmans, mais des tenants de l’islamisme radical, qui ont des connexions à l’étranger et des relais en France, y compris parmi des citoyens de nationalité française. Nous devons traquer ces personnes, quelles qu’elles soient.

J’entends, d’ailleurs depuis de nombreuses années, qu’il faut pour cela modifier la loi, voire davantage. Je ne ferai pas l’injure au Sénat, ou au Parlement en général, de dénombrer le nombre de textes législatifs qui sont intervenus en la matière, toutes majorités politiques confondues.

Notre rôle, madame la sénatrice, est de veiller à l’effectivité et à l’application des lois existantes ; et je puis vous dire que c’est ce que nous faisons. Bien sûr, le corpus législatif mérite d’être adapté, notamment s’agissant des réseaux sociaux, ce support dont se servent les ennemis de la République pour la frapper.

En la matière, vous avez tout à fait raison, il faut revoir la réglementation. Mais il faudra surtout l’appliquer. Il faudra renforcer les moyens de suivi des réseaux sociaux et ceux du renseignement, ce que nous avons très largement fait et que nous allons continuer à faire.

Vous le savez, d’ailleurs, bien avant l’odieux attentat de Conflans-Sainte-Honorine, le Président de la République avait annoncé un projet de loi qui, vous le verrez, sera très ambitieux pour renforcer nos outils de lutte contre cet ennemi.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

M. Jean Castex, Premier ministre. Voyez, monsieur le sénateur : aujourd’hui encore, nous avons dissous une association ! Nous faisons de même tous les mercredis. Un par un, nous débusquerons ces lâches, parce que ce sont des lâches, qui se servent de fausses associations et qui s’introduisent dans des mosquées où des imams radicaux prêchent, non pas la religion, mais la haine. Un par un, nous les traquerons !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Monsieur le Premier ministre, je regrette que vous n’ayez absolument pas répondu aux trois questions que je vous ai posées concernant les flux migratoires massifs.

Aujourd’hui, cette immigration massive fragilise notre pays. Si nous voulons relever ensemble le défi commun de la lutte contre le terrorisme – nous sommes tous unis autour de cet objectif, parce que, tous, nous voulons défendre la France –, alors, il faut aussi réguler ces flux.

C’est ainsi, également, que nous parviendrons à relever le défi de l’intégration et à refaire communauté.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Gatel et Valérie Létard applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Françoise Férat, pour le groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Voici encore une question liée à la fermeture des petits commerces, mais, comme tout le monde l’aura remarqué, il y a là une inquiétude, qui est partagée sur l’ensemble des travées de cet hémicycle.

Les mesures sanitaires sont primordiales, n’y revenons pas, mais la fermeture des petits commerces est difficilement compréhensible. Elle va entraîner un drame économique, car ces petits commerces sont à bout de souffle. Malgré les aides, nombre d’entre eux n’y survivront pas. Leur interdire d’ouvrir, c’est encore creuser la dette et alourdir l’addition du chômage partiel.

Cette fermeture est aussi un drame humain. Ce sont eux qui, surtout en zone rurale, tissent le lien social. Lorsque l’on sait que 13 millions de Français ne sont pas connectés, le dispositif de click and collect n’apparaît en rien comme un substitut.

Je vous ai bien entendu, monsieur le Premier ministre, mais aucune étude n’a encore démontré que librairies, coiffeurs ou auto-écoles étaient des clusters, d’autant moins que les commerçants ont investi pour s’adapter à la situation, pour que la distanciation sociale et les gestes barrières y soient toujours respectés.

Aujourd’hui, nous avons un débat absurde sur les produits essentiels et non essentiels. La pâte à tartiner est essentielle, pas les livres !

À côté de cela, les sites internet sont ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour vendre des produits non essentiels. Cela enrichit les GAFA, déjà milliardaires et non contributeurs fiscaux, laissant mourir ceux qui font la vie des centres-bourgs et des centres-villes.

Lors de l’examen du projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, le Sénat a fait adopter à l’unanimité un amendement pour que le préfet puisse autoriser l’ouverture des commerces de vente au détail.

Ne peut-on pas être un peu plus créatif et éviter une interdiction uniforme ? Ne peut-on pas autoriser les ouvertures des petits commerces en fonction des situations locales ? Ne peut-on pas autoriser les ouvertures selon des mesures plus fines, avec, par exemple, des prises de rendez-vous ou la limitation de la fréquentation à un ou deux clients par boutique ?

N’est-ce pas cela répondre à l’urgence sanitaire, tout en ménageant l’urgence économique ? Et si le Gouvernement faisait un peu confiance aux territoires ?

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Antoine Lefèvre applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

Exclamations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Ayant eu l’occasion d’apporter précédemment de premiers éléments de réponse, je vais me concentrer sur les mesures d’aide, qui me semblent encore insuffisamment connues, y compris par les petits commerçants. En effet, il est indispensable que nous puissions informer, notamment grâce à votre appui, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les dispositifs proposés aux petits commerçants.

S’agissant du fonds de solidarité, toutes les entreprises de moins de 50 salariés fermées administrativement bénéficieront, sans exception, d’une aide mensuelle allant jusqu’à 10 000 euros.

Les entreprises de moins de 50 salariés des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie-restauration, de l’événementiel, de la culture, du sport et des secteurs liés, qui ne sont pas fermés administrativement, mais qui enregistrent une baisse de chiffre d’affaires de plus de 50 %, bénéficieront également de cette indemnisation mensuelle, pouvant aller jusqu’à 10 000 euros.

Toutes les autres entreprises de moins de 50 salariés subissant une perte de chiffre d’affaires de plus de 50 % bénéficieront d’une aide pouvant aller jusqu’à 1 500 euros par mois.

J’ai évoqué le fait que l’activité liée au click and collect ne serait pas prise en compte dans l’évaluation du chiffre d’affaires. On peut donc dégager du bénéfice supplémentaire.

Je tiens également à mentionner la suppression des cotisations sociales. Toutes les entreprises de moins de 50 salariés fermées administrativement bénéficieront d’une suppression totale de leurs cotisations sociales.

Toutes les PME du tourisme, de l’événementiel, de la culture, du sport et des secteurs liés, qui restent ouverts, mais qui enregistrent une perte de 50 % de leur chiffre d’affaires, auront droit à cette même suppression de leurs cotisations sociales, patronales et salariales.

Pour tous les travailleurs indépendants, les prélèvements sont automatiquement suspendus, sans aucune démarche à faire, et les travailleurs indépendants fermés administrativement bénéficieront d’une exonération totale de leurs charges sociales.

Je rappelle que le prêt garanti par l’État, le PGE, peut désormais être contracté jusqu’au 30 juin 2021, au lieu du 31 décembre 2020, et que l’État pourra accorder des prêts directs si certaines entreprises ne trouvent aucune solution de financement.

Enfin, sur la question des loyers, tout bailleur qui, sur les trois mois d’octobre, novembre et décembre, accepte de renoncer à au moins un mois de loyer, pourra bénéficier d’un crédit d’impôt de 30 % du montant des loyers abandonnés.

C’est donc, mesdames, messieurs les sénateurs, une mobilisation massive de 15 milliards d’euros par mois que nous mettons en œuvre pour accompagner le petit commerce en difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

M. Éric Bocquet. À l’évidence, mesdames, messieurs les ministres, la pandémie du covid-19 n’a pas les mêmes conséquences économiques pour les multinationales du numérique et les petits commerces de proximité, comme le montre le cas du géant Amazon.

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

De fait, jamais l’écart entre les petits commerces et ces géants technologiques n’aura été aussi grand.

Permettez-moi d’ajouter quelques chiffres à ceux qui ont été déjà cités : les records de valorisation s’enchaînent à Wall Street, qui connaît des hausses de 10, 20 et 50 milliards de dollars ; à la Bourse, depuis le 1er janvier 2020, la valeur d’Amazon a crû de 73, 6 %, pour atteindre le chiffre astronomique de 1 650 milliards de dollars, l’équivalent du produit intérieur brut de la Russie – excusez du peu !

La fermeture imposée aux commerces de proximité va encore aggraver une situation de concurrence déloyale. Mais l’autre scandale réside dans les pratiques fiscales d’Amazon, qui ont été décrites comme les plus agressives des entreprises du numérique.

Grâce à des montages savants illégaux, accordés par nos amis du Luxembourg, près des trois quarts des bénéfices d’Amazon ne subissent aucune imposition. Cette situation est tout à fait inacceptable, plus encore au moment où les États manquent de moyens financiers pour faire face aux conséquences dramatiques de la pandémie.

Il est urgent de mener une bataille au plan international, pour, enfin, taxer de manière effective les GAFA.

Au premier trimestre de cette année, les rentes d’Amazon ont augmenté de 26 %. Nous proposons qu’une disposition soit adoptée, dès le budget pour 2021 – texte actuellement en discussion au Parlement –, visant à instituer une taxe exceptionnelle sur les bénéfices d’Amazon. Les fonds ainsi récoltés viendraient alimenter un plan d’aide d’urgence aux commerces touchés, notamment aux librairies indépendantes.

Je conclurai mon propos avec cette citation de Victor Hugo : « La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. »

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Nous nous rejoignons absolument sur un point, monsieur le sénateur Bocquet : la nécessité d’une juste taxation des entreprises du numérique.

C’est pourquoi, vous le savez, la France s’est trouvée à l’origine des discussions sur le sujet au niveau de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE. Elle est leader sur la question de la taxation des entreprises du numérique à l’échelle européenne et elle a, par ailleurs, introduit elle-même sa propre taxe sur les services numériques.

Le recouvrement de cette taxe avait été décalé, pour donner une chance aux négociations internationales ; celles-ci n’ayant pas abouti, je vous confirme que le recouvrement pour 2020 aura bien lieu.

Néanmoins, nous devons continuer à pousser ce sujet au niveau européen, parce que c’est le bon niveau.

À ce propos, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux me réjouir avec vous de l’annonce faite par l’Union européenne, voilà quelques semaines : face à l’échec des négociations au niveau de l’OCDE, elle a annoncé vouloir reprendre cette question de la taxation du numérique à son niveau, afin que ces entreprises paient une juste taxation et contribuent ainsi à la solidarité nationale.

Mme Patricia Schillinger et M. François Patriat applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Madame la ministre de la transformation et de la fonction publiques, le 13 octobre dernier, vous annonciez avec le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, un appel à candidatures pour recruter trente « sous-préfets à la relance », afin d’accompagner les citoyens, les élus et les entreprises dans le cadre du plan de relance national pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Sur ce total, neuf sous-préfets seront affectés dans les régions, dix-huit dans les départements et trois outre-mer. Il est prévu qu’ils prennent leur fonction en ce mois de novembre et deviennent pleinement opérationnels au début du mois de janvier prochain.

Alors que nous entamons l’examen des crédits du projet de loi de finances pour 2021, je tiens à saluer cette initiative, visant à mieux piloter l’ensemble des dispositifs mis en œuvre par le Gouvernement. Vous décriviez ainsi l’objectif de cette mission prioritaire : « Faire remonter tous les blocages administratifs, de procédures, de dispositifs très compliqués » qui seraient rencontrés sur le territoire.

Le plan France Relance comporte trois grands volets : 30 milliards d’euros pour la transition écologique, 34 milliards d’euros pour la compétitivité et la souveraineté économique et 36 milliards d’euros pour la cohésion sociale et territoriale.

Ces hauts fonctionnaires s’assureront que ce plan de relance, de 100 milliards d’euros sur deux ans, se concrétise bien sur le terrain, c’est-à-dire permette de reconstruire le tissu économique local, l’attractivité de nos territoires et le maillage territorial de l’État.

Il s’agit de renforcer l’efficacité de l’État dans les territoires et d’accompagner au mieux les élus et les acteurs territoriaux œuvrant déjà au quotidien pour mettre en place ces mesures de relance. Loin d’une conception jacobine de l’État, les collectivités territoriales sont placées au cœur de ce plan.

En effet, il faut réarmer nos territoires pour que l’État soit un acteur de proximité, qui répond au mieux aux problématiques de nos concitoyens.

Madame la ministre, quels indicateurs ont été mis en place pour choisir les départements dans lesquels seront déployés les sous-préfets à la relance ? Quels sont les critères de réussite de leurs missions ? Où en est-on de leur déploiement ?

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Je vous remercie de cette question, madame la sénatrice Duranton.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Effectivement, il n’y a pas de relance sans simplification, et il ne peut y avoir de simplification si nous ne partons pas du terrain. Nous ne ferons pas la relance depuis Paris, à coups de milliards d’euros ; nous la ferons au plus près des besoins des Français, là où ils vivent.

C’est pourquoi le Premier ministre a souhaité que chaque département dispose d’un « chef de projet » dans ce domaine, un sous-préfet à la relance.

Pourquoi un sous-préfet ? Vous savez très bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que les sous-préfets réunissent chaque jour les élus, les chefs d’entreprise et tous les acteurs de terrain. Bref, ils prennent des décisions au bon niveau et nous aident à avancer.

À l’heure du second confinement, nous n’avons pas le droit à l’erreur, et l’État, dans tous les territoires, a besoin de renfort.

L’ouverture de ces trente candidatures a été faite sur la demande des préfets de région et des préfets de département, pour appuyer les territoires qui en ont le plus besoin. Il s’agit pour nous de mettre en place, partout dans le pays, des interlocuteurs de confiance, qui doivent associer les parlementaires, les élus, les acteurs de terrain.

Avec le ministre de l’intérieur, j’ai donc lancé cet appel à candidatures pour trente postes à pourvoir. Les personnes nommées viendront s’ajouter aux sous-préfets existants, qui, dans les départements non concernés par la mesure, deviendront eux-mêmes sous-préfets à la relance. Il y en aura bien sûr dans votre département de l’Eure, madame la sénatrice Duranton ; il y en aura dans tout le pays, et vous pourrez, mesdames, messieurs les sénateurs, les rencontrer et travailler avec eux.

Nous avons reçu deux cents candidatures de très bon niveau de hauts fonctionnaires de l’État, mais aussi de hauts fonctionnaires territoriaux et – c’est nouveau – de salariés du secteur privé. Ces postes seront déployés opérationnellement en janvier prochain. J’en prends l’engagement devant vous, aucun territoire ne sera oublié.

La mise en place de ces sous-préfets témoigne, plus largement, de la volonté que nous avons, le Premier ministre et moi-même, de réarmer les territoires.

Tous ces postes, opérationnels en 2021, seront donc créés dans les territoires, et non à Paris, et ce en respectant la stabilité générale du schéma d’emplois. Notre priorité, c’est que ce soit bien dans le dernier kilomètre, au plus près du terrain, partout en France, que les milliards d’euros que vous votez deviennent une réalité !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Ma question s’adressait au ministre Olivier Véran et concernait les déprogrammations chirurgicales.

Lors de la première vague, le plan blanc national a entraîné des pertes de chance, en raison de retards de diagnostic et de prise en charge thérapeutique – je pense notamment à des pathologies comme le cancer ou les pathologies cardio-vasculaires.

À l’heure où ces déprogrammations reprennent, je voudrais connaître la stratégie du ministère. Qui décide de quoi ? Qui décide du caractère non urgent des interventions ? Quelle est la place de l’équipe médicale dans la décision ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous donner la capacité actuelle des lits opérationnels, à la fois dans les hôpitaux privés et dans les établissements publics, qui justifierait ces déprogrammations ? Les patients, comme les médecins, sont très inquiets de cette situation.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

M. Adrien Taquet, secrétaire d ’ État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l ’ enfance et des familles. Je vous prie tout d’abord, mesdames, messieurs les sénateurs, d’excuser l’absence d’Olivier Véran, qui se trouve devant vos collègues députés

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Votre question sur la déprogrammation d’interventions chirurgicales, madame la sénatrice Deroche, renvoie évidemment à cet impératif, pour notre système de santé, de continuer à assurer les soins en réanimation pour les patients, qu’ils soient atteints du covid-19 ou pas.

Dès le 28 octobre, le ministre Olivier Véran a défini la stratégie sur laquelle vous souhaitez des précisions et que je vais maintenant vous détailler.

La déprogrammation d’un certain nombre de soins à l’hôpital, notamment d’interventions chirurgicales non urgentes, est l’un des leviers mobilisés pour garantir la continuité de prise en charge, en laissant plus de places aux prises en charge en réanimation.

Comme je l’indiquais, les détails de cette méthode ont été fixés, par le ministre, dans un courrier datant du 28 octobre dernier. La méthode a été généralisée à l’ensemble du territoire, avec le déclenchement des premiers paliers de déprogrammation et du plan blanc pour libérer des lits.

Dans les régions les plus en tension, toutes les activités chirurgicales, y compris ambulatoires, et médicales pouvant l’être doivent être déprogrammées, dès lors qu’elles mobilisent des ressources humaines pouvant être mobilisées dans les services dédiés au covid-19. Par ailleurs, l’hospitalisation à domicile, les sorties précoces et le télésuivi doivent être favorisés par les différents services.

Dans tous les cas, comme de coutume, les déprogrammations restent des décisions collégiales, soutenues par des analyses bénéfices-risques de chaque situation.

Quand elles sont décidées, elles le sont tout en garantissant que les patients atteints d’un certain nombre de pathologies définies comme « prioritaires » par le ministre – cancers, patients en attente de greffe, patients suivis pour maladies chroniques et requérant des soins urgents, ou encore patients pris en charge en santé mentale, je me permets d’insister sur ce point – puissent être soignés dans les meilleures conditions possible.

Tels sont, madame la sénatrice Deroche, les principes guidant les décisions de déprogrammations que vous évoquez.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Vous avez décrit la stratégie, monsieur le secrétaire d’État, mais vous n’avez pas vraiment expliqué comment se prenait la décision : décision administrative de l’Agence régionale de santé, l’ARS, ou décision de l’équipe médicale. Mais ma question appelait peut-être une réponse trop précise…

Ce qui est clair, c’est que les associations de patients sont inquiètes. Des déprogrammations ont déjà eu lieu en début d’année. On a fait naître un espoir à un moment donné, en évoquant des retours d’expérience de la première vague et une certaine préparation – en expliquant presque qu’il n’y avait pas d’inquiétude à avoir… Certes, l’épidémie repart – loin de moi l’idée de la minimiser, et l’on ne peut qu’espérer que tout se passe bien –, mais, pour certains patients, c’est la douche froide !

N’oublions pas que de nombreuses interventions connexes en matière de cancer – prises en compte de la fertilité, examens diagnostics, etc. –, ne seront pas considérées comme ayant un caractère d’urgence, mais auront des conséquences non négligeables.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Des milliers de Français vont être plongés dans la pauvreté dans les semaines à venir. Nous savons que l’État fournit un effort considérable pour accompagner nombre d’entre eux, et certaines professions arrivent aujourd’hui à se faire entendre.

Toutefois, demeurent ceux que j’appelle « les invisibles ». Je pense aux extras, aux « permittents », aux bénéficiaires de contrats à durée déterminée d’usage. Je parle des guides-conférenciers, des maîtres d’hôtel, des cuisiniers, des livreurs, des serveurs, des hôtesses, des chauffeurs, des agents d’entretien et de sécurité, et de tous ceux que je ne peux pas citer.

Ce sont près de 1 200 000 salariés, typiquement ceux qui étaient menacés par la réforme de l’assurance chômage : pour certains, ils ont été abandonnés depuis mars 2019, et, pour d’autres, ils vivent sous la menace de cette réforme.

Le Gouvernement a reporté l’entrée en vigueur de ces mesures pour ceux qui sont privés d’emploi depuis le 1er août. Mais la spécificité du travail de certains saisonniers fait qu’ils n’ont pu reprendre leur activité à cause du premier confinement. Ils n’ont donc pas pu recharger leurs droits, du fait de cette réforme, et se trouvent sans solution, si ce n’est celle des minima sociaux.

Quant aux autres, ils subiront forcément de plein fouet les effets de ces dispositions : comme ils sont dans l’impossibilité de travailler actuellement, ils n’auront donc aucun droit à recharger.

Monsieur le secrétaire d’État Pietraszewski, je viens de le dire, nous parlons là de plus d’un million de personnes, qui appellent au secours et que personne n’entend.

Je vous pose donc deux questions. Allez-vous consentir à travailler sur une solution de type « année blanche », comme pour les intermittents du spectacle, qui permettrait d’attribuer à ces extras et permittents un revenu de substitution ? Allez-vous, enfin, annoncer la suppression de votre réforme de l’assurance chômage ?

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail.

Debut de section - Permalien
Laurent Pietraszewski

Je vous remercie tout d’abord, madame la sénatrice Lubin, d’avoir reconnu le travail et l’engagement du Gouvernement pour protéger les plus vulnérables et les plus modestes de notre société face à la crise sanitaire.

Debut de section - Permalien
Laurent Pietraszewski

Vous avez raison, cette crise sanitaire, suivie d’une crise économique et sociale, a un impact sur les plus précaires. Vous en avez cité un certain nombre, appartenant, notamment, aux secteurs de l’hôtellerie-restauration ou du commerce, dans lesquels, d’ailleurs, nos compatriotes trouvent souvent leurs premiers emplois.

On constate effectivement une progression du nombre de chômeurs de catégorie A – 367 000 personnes – entre le début de la crise sanitaire et la date d’aujourd’hui, même si le rythme soutenu de l’activité économique, notamment au troisième trimestre, a permis un certain « dégonflement » de ce chiffre, qui atteint un niveau problématique.

Le Gouvernement, je voudrais tout de même le rappeler, a mis en œuvre un certain nombre de mesures, dont l’annonce par le Premier ministre remonte au 4 octobre dernier, dans le cadre du Plan pauvreté.

Je ne vais pas énumérer ces mesures – je crois que vous les connaissez bien –, mais seulement souligner que c’est un budget de plus de 8 milliards d’euros qui est consacré à la lutte contre la pauvreté et que les dispositions annoncées le 24 octobre mobilisent une enveloppe de plus de 1, 8 milliard d’euros.

Sur le fond, vous m’interrogez sur la réforme de l’assurance chômage et sur la façon dont chacun pourra acquérir des droits.

Comme vous l’avez indiqué, cette transformation structurelle de notre système d’indemnisation chômage a été repoussée. Une concertation est actuellement menée par Mme la ministre du travail, afin, entre autres, de couvrir au mieux l’ensemble des salariés de la « permittence » que vous avez évoqués. Cette question entre dans les sujets qui sont travaillés, le Gouvernement étant particulièrement attentif à la situation de ces Françaises et de ces Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Mme Monique Lubin. Votre réponse est globale, monsieur le secrétaire d’État. Je le répète, personne ne s’intéresse à ceux que j’ai volontairement nommés, personne ne parle jamais d’eux. Nous attendons donc une réponse concrète !

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

M. Laurent Duplomb. « Quoi qu’il en coûte », monsieur le Premier ministre, vous avez fondé la totalité de la gestion de cette crise sur un seul critère : éviter la saturation des hôpitaux.

M. le Premier ministre le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

En mars 2020, la France disposait de 5 000 lits de réanimation que je qualifierai de « standards », car, au plus fort de la première vague, ce sont, au total, 7 800 lits de réanimation qui ont été ouverts, grâce à l’ajout de lieux supplémentaires.

Dès lors que vous avez choisi comme seul paramètre de gestion de cette épidémie l’engorgement des hôpitaux, pourquoi les leçons de la première vague ne vous ont-elles pas servi ? Pourquoi des lits de réanimation n’ont-ils pas été ouverts en nombre suffisant depuis le premier confinement ?

Durant l’été, lors de son audition au Sénat, le ministre de la santé annonçait plus de 12 000 lits opérationnels pour une éventuelle deuxième vague. Aussi, quelle a été ma surprise – et sûrement celle des Français –, lorsque vous avez annoncé, voilà quelques jours, monsieur le Premier ministre, que le nombre de lits avait certes augmenté, mais pour atteindre seulement 5 800 !

Monsieur le Premier ministre, où sont les 6 200 lits manquants pour parvenir au total de 12 000 lits ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le Premier ministre manifeste son agacement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Monsieur le sénateur Duplomb, votre question m’offre l’occasion de clarifier certains éléments que, semble-t-il, vous n’auriez pas perçus ou, peut-être, que vous auriez fait semblant de ne pas percevoir…

Elle est en tout cas l’occasion de faire le point sur la situation des services de réanimation, qui sont fortement mobilisés dans la gestion de cette crise. À cet égard, je me permets de saluer, moi aussi, l’engagement de ces équipes.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Hier, le nombre de nos concitoyens patients covid pris en charge en réanimation atteignait 3 878. Cela représente d’ores et déjà 76, 5 % de nos capacités initiales de prise en charge en réanimation, soit les 5 100 lits que vous évoquiez au début de votre intervention. À titre de comparaison, sachez que ce niveau équivaut à celui de la dernière semaine de mars.

Il est donc impératif, vous le comprenez bien, que nous puissions continuer à prendre en charge les besoins en réanimation, qu’ils soient covid ou non. Pour ce faire, nous agissons sur deux leviers : la déprogrammation, qui a été évoquée à l’occasion de la question de la sénatrice Catherine Deroche, et la mobilisation d’autres lits.

À ce titre, je ne puis que m’élever en faux contre les propos que vous avez tenus. Dès l’été, nous avons effectivement porté à 5 800 – c’est le chiffre que vous avez donné – le nombre de lits en réanimation. Mais, la semaine dernière, nous avons atteint un niveau de 6 400 lits et visons, pour la fin de semaine prochaine, un palier à 7 700 lits.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Le prochain palier que nous sommes en mesure d’atteindre, monsieur le sénateur Duplomb, est fixé à 10 500 lits en réanimation.

Sachez par ailleurs que les ARS soutiennent les coopérations entre établissements et les transferts vers d’autres régions – on le sait, la situation sera plus difficile à gérer au cours de cette seconde vague, l’ensemble du territoire national étant touché de la même façon –, mais aussi vers des pays étrangers.

Enfin, comme vous le savez, les lits ou le matériel ne suffisent pas ; il faut aussi des hommes !

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

M. Adrien Taquet, secrétaire d ’ État. Depuis le début de la crise, nous avons formé 7 000 professionnels de santé pour qu’ils puissent agir dans les services de réanimation, et je veux ici saluer leur engagement.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Laurent Duplomb, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

La vérité, c’est que le Gouvernement a échoué !

Vous avez échoué à créer ces lits, préférant vous réfugier derrière une administration française engluée dans ses certitudes et sa technocratie et pour laquelle tout est impossible !

Où sont les 10 000 respirateurs commandés, qui, pour moitié, se sont d’ailleurs révélés inopérants ? Où sont les 7 000 personnels soignants supplémentaires que vous venez de mentionner et qui ont également été annoncés par le Président de la République, mercredi dernier ? Pourquoi aucun lien n’est noué entre les hôpitaux publics et les cliniques privées ?

M. le Premier ministre proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

La vérité, monsieur le Premier ministre, c’est que, si vous aviez bien géré l’après-première vague, nous n’aurions pas à connaître un deuxième confinement ! Et je ne peux accepter que, à cause de votre entêtement, nous en connaissions, croyez-moi, un troisième, un quatrième et, peut-être, un cinquième !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le Premier ministre, notre pays vit des heures graves. En même temps que les attentats et la pandémie, c’est la crise économique et sociale qu’il nous faut combattre. La pauvreté progresse ; un nombre croissant de Français bascule dans la précarité.

Après le travail, c’est la perte du logement qui inquiète. Pourrais-je payer mon loyer ? Pourrais-je loger ma famille et mes enfants ? Voilà les questions qui nous sont posées, à nous parlementaires de terrain. Dans ce domaine, aussi, nos compatriotes ont besoin d’être rassurés et protégés.

Monsieur le Premier ministre, comme la sécurité sociale, le logement, particulièrement le 1 % Logement, devenu Action Logement, fait partie du pacte social que nous avons hérité de la Résistance et de l’après-guerre.

Cet héritage est le fruit d’une triple volonté : garantir et sanctuariser, chaque année, des moyens financiers au logement, y compris dans les périodes difficiles ; gérer ces sommes de manière paritaire, entre patrons et salariés ; mener des actions complémentaires à celles de l’État, dans un esprit de responsabilité sociale pour tous les Français, à commencer par les plus modestes.

Ce modèle, ce n’est pas quelque chose du passé qui, sous des prétextes techniques, devrait être abandonné. C’est un modèle pour aujourd’hui, un modèle d’union nationale pour une France qui donne ses chances à chacun.

Dans le moment historique que nous vivons, monsieur le Premier ministre, quelles sont les intentions de votre gouvernement en matière de logement, en particulier à l’égard du pilier de notre modèle social que constitue Action Logement ?

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Madame la sénatrice, Action Logement est un partenaire essentiel du Gouvernement dans la mise en œuvre des politiques du logement ; il s’agit notamment du principal financeur de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et ses filiales assurent 40 % de la production annuelle de logements sociaux.

Le partenariat entre l’État et Action Logement est essentiel, comme l’a montré la récente extension aux salariés modestes de l’aide aux impayés de loyer. Le Gouvernement n’a donc aucunement l’intention de déstabiliser cet organisme ou de diminuer sa capacité de soutien au secteur du logement.

Brouhaha.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Pour autant, il paraît important de moderniser le fonctionnement et la gouvernance de ce groupe, tout en maintenant sa gestion paritaire. La réforme engagée en 2016 n’a pas été menée à son terme : demeurent d’importants dysfonctionnements d’organisation et d’exécution.

Cette réforme permettra également de clarifier la répartition des rôles entre l’État et Action Logement, tout en améliorant la lisibilité et l’efficience des interventions déployées en faveur des citoyens et des entreprises.

Vous le savez, le Gouvernement privilégie la concertation avec les partenaires sociaux pour définir des évolutions, les mettre en œuvre et les contractualiser. Cette concertation a d’ores et déjà commencé. D’ailleurs, l’ensemble des partenaires sociaux seront reçus, dès demain, par Élisabeth Borne, Emmanuelle Wargon et Olivier Dussopt.

Ces discussions ont vocation à aboutir au printemps de 2021. Elles doivent permettre d’améliorer la gouvernance d’Action Logement et de contractualiser une trajectoire quinquennale ambitieuse, qu’il s’agisse des interventions ou des investissements.

Si la trésorerie d’Action Logement est structurellement bénéficiaire, c’est bien l’utilisation optimale de la participation de l’employeur à l’effort de construction que nous visons ; cette ressource doit bénéficier le mieux possible à la politique du logement et aux salariés.

Dans les prochains jours, le Gouvernement déposera un amendement au projet de loi de finances, afin d’assurer, par voie d’ordonnance, les modifications législatives qu’appelleront les conclusions de la concertation. Vous pouvez être assurée de la pérennité de cette structure !

Mme Patricia Schillinger applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Valérie Létard, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Je le rappelle à chacun : Action Logement est pour ainsi dire l’unique financeur du logement en France. Il ne s’agit donc pas d’une petite affaire !

Aujourd’hui, nous devons assurer la relance du bâtiment, qu’il s’agisse de la construction ou de la rénovation. Nous devons être au rendez-vous de la mobilité des salariés. Nous devons être là pour faire face aux impayés de loyer, qui menacent plus d’un million de Français, frappés par les difficultés économiques.

Dans un tel contexte, peut-on objectivement remettre en question Action Logement, imposer un délai de trois ans pour mettre la machine en route sous prétexte de la réformer ? Bien au contraire, il faut accélérer la machine ; nous devons être au côté d’Action Logement pour lui permettre d’être efficace, tous ensemble !

Monsieur le Premier ministre, je connais l’intérêt que vous portez à ce sujet. Nous comptons sur vous pour éviter tout passage en force. Il faut assurer une coopération avec les acteurs du logement, le Parlement et les élus locaux, car il s’agit d’une affaire collective.

Nous devons gagner la bataille du logement : ne préemptons pas cet argent pour le verser au pot commun, au moment où – on le sait bien – ce sujet va être majeur !

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE, GEST, SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Monsieur le ministre, la question que je vais poser n’est pas la mienne, mais celle de centaines de personnes – élus locaux, commerçants ou indépendants – à qui j’ai eu l’occasion de parler au téléphone ces derniers jours.

Tous ces professionnels, je dis bien tous, sont dans une situation désespérée : ils n’attendent rien de bon pour leur activité, et leur existence vire parfois au drame. Plusieurs maires m’ont ainsi parlé de cas de détresse psychologique chez les commerçants de leur commune.

Je pense notamment à ce restaurateur de 62 ans, qui, à la veille d’une retraite qu’il espérait paisible, a dû réinjecter l’épargne de toute une vie dans son entreprise. Il n’a plus rien, et son entreprise va être mise en liquidation, car il est incapable d’honorer ses engagements. En pleine détresse psychologique, ce restaurateur a dû être interné in extremis par le maire de sa commune.

Bien sûr, je suis conscient de la gravité de la crise sanitaire, mais on ne peut opposer les morts du covid aux morts économiques. Vous imposez ce confinement à des commerçants qui n’ont fait que respecter les mesures que vous leur aviez imposées. Rien ne prouve que ces commerces abritent des clusters.

Aussi, ma question est simple : qu’allez-vous faire – enfin ! – pour que nos entreprises puissent reprendre leur activité au plus vite ?

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Monsieur le sénateur, je tiens à revenir un peu plus en détail sur les éléments que vous mentionnez et à exposer quelques considérations.

Tout d’abord, face à la situation dramatique que vous évoquez, le Gouvernement déploie un ensemble d’aides que j’ai précédemment détaillé.

Ensuite – je le souligne également –, nous assumons le primat du sanitaire dans la gestion de cette crise. Cela étant, le Premier ministre, comme il l’a lui-même rappelé, a fait en sorte avec Bruno Le Maire que certaines activités proscrites pendant le premier confinement soient désormais autorisées, afin que l’on puisse continuer à produire et à vivre.

Évidemment, les décisions prises ont de terribles effets de périmètre. Par exemple, certains commerces vendent en même temps de la nourriture et des articles d’habillement. À cet égard, le Premier ministre et Bruno Le Maire ont annoncé la fermeture d’un certain nombre de rayons dans les hypermarchés.

Nous sommes face à une alternative : continuer à prendre des décisions difficiles, en dentelles – vous aurez noté que ces fermetures de rayons ont de graves conséquences sur l’emploi –, ou opter pour un nivellement des normes par le bas. Par capillarité, un tel choix conduirait à rouvrir tous les commerces et, mécaniquement, à augmenter nos interactions sociales en accroissant le nombre de personnes circulant dans les rues.

On peut soutenir cette stratégie, mais elle me paraît assez éloignée de la réalité sanitaire de notre pays. Je vous le rappelle, un Français est contaminé par le covid toutes les deux secondes ; un Français en meurt toutes les quatre minutes…

Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Face à la réalité sanitaire, il nous faut toujours suivre une ligne de crête, entre la nécessité de faire respecter le confinement au maximum et le soutien au petit commerce !

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Vincent Segouin, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Monsieur le secrétaire d’État, je vous le dis clairement : les mesures prises par ce gouvernement ne sont à la hauteur ni des attentes ni de la situation.

Vous promettez 10 000 euros par entreprise, mais peu auront cette somme. Vous souhaitez étendre le click and collect aux petits commerces, alors que c’est contraire à leur ADN. Vous annoncez des suppressions de charges sociales : ce ne sont que des reports. Vous n’avez aucune stratégie. Vous recourez sans cesse à la dette, mais cette dernière est un poison. Comme l’a dit le Président de la République, la dette, c’est de l’impôt au carré !

Plus je vous écoute, plus votre manque de cohérence me désespère.

On laisse les grandes surfaces ouvertes, mais, en même temps, on ferme les petits commerces, qui pourtant respectent les mesures sanitaires.

On ferme nos restaurants, mais, en même temps, on laisse ouverts des restaurants d’entreprise et des cantines à grande fréquentation.

On empêche les gens d’aller chez le libraire, mais, en même temps, on les laisse se masser dans les transports en commun.

M. le Premier ministre manifeste son exaspération.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

On interdit les coiffeurs à domicile, mais, en même temps, on autorise les livraisons ou les travaux à domicile.

On laisse les gens passer les frontières de notre pays sans aucun contrôle, mais, en même temps, on enferme les Français chez eux en leur imposant de justifier leurs moindres faits et gestes.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Je comprends les Français qui n’acceptent plus vos injonctions. Ils demandent simplement de l’écoute et de la concertation.

Les mesures sont acceptées…

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

M. Vincent Segouin. … quand elles sont comprises et cohérentes. Vous n’avez plus la confiance du Sénat ; vous n’avez plus la confiance des maires sur le terrain.

Marques d ’ impatience sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

L’agressivité du ministre de la santé envers les députés, hier encore, ou ses propos à l’encontre des maires ne font qu’aggraver cette perte de confiance !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Alors que le terrorisme djihadiste frappe de nouveau notre pays et l’Europe, le président Erdogan multiplie les menaces contre la France, comme il l’avait d’ailleurs fait ces derniers mois contre le gouvernement autrichien.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Sa politique impérialiste se manifeste en Méditerranée, en Libye, en Syrie, en Irak et, désormais, dans le Caucase, où il soutient concrètement l’offensive de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie.

Nous soutenons la position claire et ferme du Président de la République, non pas contre le peuple turc, à qui nous exprimons notre solidarité après le tremblement de terre d’Izmir, mais contre un pouvoir autoritaire, qui menace la stabilité de la région et la sécurité de l’Europe, …

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

… alors même qu’il est membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN.

Monsieur le ministre, il faut maintenant que les actes soient à la hauteur des paroles. La France va-t-elle vraiment demander des sanctions financières contre la Turquie ? Alors que son processus d’adhésion à l’Union européenne est au point mort, ce pays perçoit-il encore des fonds de préadhésion ?

Le boycott des produits français est décrété en violation de l’union douanière entre l’Europe et la Turquie. S’il perdurait, seriez-vous prêt à demander sa suspension ?

En septembre dernier, un rapport de l’ONU a dévoilé les exactions très graves commises à l’encontre des Kurdes de Syrie : quelles suites envisagez-vous d’y donner ? Comptez-vous saisir le Conseil de sécurité des Nations unies ? Pouvez-vous d’ailleurs nous garantir que la France a mis un terme à toute vente de matériel militaire à la Turquie ?

Enfin, après la nécessaire dissolution de l’organisation extrémiste des Loups gris, comptez-vous agir résolument contre l’influence du régime turc sur le territoire national ?

Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l ’ Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vos questions sont légitimes et totalement pertinentes.

Exclamations sur des travées du groupe SER.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Une longue liste de désaccords très sérieux nous oppose à Ankara. Nous attendons tout d’abord de la Turquie qu’elle cesse d’avoir un comportement belliqueux dans le voisinage européen. Ses actions unilatérales en Méditerranée orientale, sa politique agressive en Libye et ses manœuvres dans le Haut-Karabakh sont autant de ferments de déstabilisation majeurs. Mais, ces dernières semaines, nous avons franchi dans nos relations avec la Turquie un palier inadmissible entre pays alliés.

Les insultes, les calomnies, la volonté d’instiller une campagne de haine contre la France et l’Europe sont de nature totalement différente : ce sont des menaces. Nous attendons que le président turc et son gouvernement y mettent un terme immédiat. Nous ne tolérerons pas non plus que cette haine et cette violence soient exportées sur le territoire français ; les groupuscules qui les relaient ne doivent pas avoir droit de cité.

En Europe, les réactions de solidarité sont unanimes. Elles le démontrent : il ne s’agit pas d’un simple contentieux franco-turc, mais d’attaques contre l’Europe, ses valeurs et son modèle, fondé sur les libertés fondamentales et l’État de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

Alors, pourquoi vouloir laisser la Turquie entrer ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Le Conseil européen a fixé un rendez-vous le mois dernier, avant même l’escalade à laquelle nous avons assisté. Si la Turquie ne modifie pas fondamentalement et concrètement sa posture avant le Conseil européen de décembre prochain, nous prendrons, à l’échelle européenne, les mesures nécessaires à l’encontre des autorités turques.

Vous avez proposé une liste de sanctions, et je vous assure que, dans cette perspective, toutes les options sont sur la table !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Monsieur le ministre, lors de l’invasion d’Afrine, dans le nord de la Syrie, nous avions alerté quant aux risques d’être faible face aux entreprises du président Erdogan ; la suite a montré que nous avions raison.

Qu’il s’agisse des mots ou des actes, nous veillerons à la fermeté de votre gouvernement !

Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Julien Bargeton et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Monsieur le ministre, ces dernières années, les désordres géopolitiques mondiaux, puis la crise sanitaire, ont replacé au cœur du débat public le concept de souveraineté, qu’elle soit nationale ou européenne.

Contrairement à d’autres secteurs largement délocalisés, les industries de défense françaises continuent à produire en France et pèsent dans notre économie. Engagées au service de la sécurité collective, elles représentent un vivier de compétences rares et d’emplois dans les territoires.

Cette excellence permet à nos armées de disposer de la meilleure technologie possible pour conserver la supériorité sur le terrain. Elle bénéficie également au commerce extérieur, en permettant de rivaliser à l’export avec les pays à bas coûts.

Pour autant, le secteur de la défense n’est pas exempt de fragilités et les confinements de l’année 2020 vont laisser des traces. Vous le savez, les entreprises françaises de technologies sensibles suscitent déjà les convoitises. Certaines d’entre elles sont passées sous contrôle étranger. J’ai également évoqué le cas de Photonis, l’un des leaders mondiaux de la vision nocturne, qui, après maintes péripéties et interventions de l’État, serait sur le point d’être racheté par un groupe américain.

Alors que le Gouvernement brandit partout le concept de souveraineté, comment comptez-vous mieux protéger les entreprises de notre base industrielle et technologique de défense, ou BITD, et leur permettre de se financer pour assurer leur développement ?

Une solution française pour Photonis semble en train d’émerger : le Gouvernement sera-t-il au rendez-vous pour la faire aboutir ?

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Monsieur le sénateur, vous évoquez l’entreprise Teledyne et son projet de racheter la société Photonis.

À cette fin, Teledyne a bien présenté une demande d’autorisation au début de l’année 2020. Cette requête a été soumise au processus de contrôle des investissements étrangers en France, les IEF. Photonis – vous l’avez dit également – fournit des entreprises du secteur de la défense française et dispose de technologies de pointe, notamment pour ce qui concerne la vision nocturne.

Comme la loi le prévoit, dans le cadre de la procédure de contrôle des IEF, le Gouvernement a instruit, par l’intermédiaire de Bercy, l’offre de Teledyne. Il a posé un certain nombre de conditions à une éventuelle autorisation de cet investissement.

À cet égard, notre position a toujours été claire : il faut protéger nos entreprises stratégiques et leur technologie, mais il faut aussi rendre possibles des investissements nécessaires au développement des entreprises en question, notamment pour qu’elles puissent rester à la pointe de leur secteur. Tel est l’objectif que nous nous sommes assignés pour l’opération Photonis.

À la suite de nos échanges, l’entreprise Teledyne a fait le choix de retirer son offre de rachat de Photonis. Un certain nombre de solutions existent, mais si Teledyne devait soumettre une nouvelle demande d’autorisation de rachat de Photonis au titre du contrôle des IEF, l’État l’analyserait à la lumière des conditions fixées lors de la première négociation et avec le même objectif : concilier la défense de notre souveraineté technologique et le nécessaire développement de notre industrie de défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Monsieur le secrétaire d’État, malgré les éléments que vous mentionnez, Photonis sera racheté par un groupe américain. En outre, cette entreprise a joué des exigences françaises, que vous avez rappelées, pour revoir son prix d’acquisition à la baisse, du moins si l’on en croit la communication tonique de l’acquéreur Teledyne.

Plus que de la communication ou du coup par coup, nous attendons des actes forts pour notre souveraineté !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé. J’y associe mon collègue Claude Kern, qui a été le premier à m’alerter à ce sujet.

Notre pays est face à un risque de pénurie de sang, dû tout autant aux difficultés actuelles de collecte qu’à la non-revalorisation des personnels de l’Établissement français du sang, l’EFS.

Nous avons besoin de 10 000 dons par jour pour satisfaire aux soins de 1 million de malades chaque année. Or la crise sanitaire entrave considérablement la collecte : il y a moins de dons de la part des étudiants, qui figurent parmi les populations les plus généreuses en la matière, et moins de personnel dans les entreprises, où ont lieu nombre de collectes. En parallèle, les professionnels de l’EFS sont eux aussi touchés par le virus et nombre de bénévoles sont empêchés pour cause de vulnérabilité.

L’engorgement des hôpitaux, dû à la covid, n’arrange rien : il impose des déprogrammations et des reprogrammations d’opérations qui augmentent les besoins.

Dans ces conditions, l’EFS tire la sonnette d’alarme. Le stock est en grande tension.

Ce problème entre en résonance avec les difficultés du personnel de l’EFS. Alors que le Gouvernement annonce l’accélération de la revalorisation, dans le secteur public, des salaires des professionnels de santé des hôpitaux et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad, pourquoi avoir exclu du Ségur les professionnels de santé qui travaillent au sein de l’Établissement français du sang ?

Au total, 1 000 médecins, 1 500 à 2 000 infirmières et infirmiers ainsi que de nombreux techniciens de laboratoire sont concernés. Aujourd’hui, ils ressentent un profond sentiment d’injustice. Eux aussi sont au front, depuis longtemps, et plus encore depuis la crise sanitaire.

Monsieur le ministre, allez-vous revaloriser le statut des personnels de l’EFS ? Comment comptez-vous agir et réagir pour répondre aux besoins en poches de sang et assurer la gestion de ces stocks ?

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Madame la sénatrice, à la suite de Mme Deroche, vous rappelez très justement que, en cette période de crise sanitaire, les opérations indispensables qui ne relèvent pas de l’épidémie doivent se poursuivre : bien entendu, c’est le cas des interventions qui supposent des transfusions sanguines et, dès lors, reposent sur le don régulier de sang, de plaquettes ou de plasma.

Je pense notamment à la prise en charge des effets de certaines pathologies de longue durée, comme les cancers ou les maladies du sang.

Vous l’avez dit, la reprise du confinement a pu susciter un certain nombre d’inquiétudes. La limitation des déplacements au strict nécessaire a effectivement un impact sur la mobilisation en faveur des dons.

Depuis toujours, 80 % des dons reçus par l’EFS proviennent de la collecte mobile, en particulier dans les entreprises, dans les écoles et sur les campus.

Or, depuis le mois de mars dernier, ces lieux accueillent beaucoup moins de collectes. L’EFS s’est efforcé de pallier ces difficultés en élargissant ses plages horaires. Néanmoins – vous l’avez rappelé –, à la fin du mois de septembre, les réserves de poches de globules rouges sont tombées à leur plus bas niveau depuis dix ans.

C’est la raison pour laquelle nous avons lancé un appel aux dons, qui a été fortement relayé. À ce titre, je vous communique le point de situation suivant.

L’appel aux dons a porté ses fruits. Au 3 novembre dernier, les stocks de concentrés de globules rouges, ou CGR, sont bons. Nous en dénombrons 113 000 unités, ce qui, d’après les données prévisionnelles, représente dix-huit jours de réserves. Par ailleurs, on ne répertorie pas de difficulté pour ce qui concerne le groupe O -, celui des donneurs universels.

Le prélèvement est à la baisse par rapport aux trois semaines précédentes, mais il reste conforme aux prévisions que nous avions élaborées. Le besoin est en net recul au cours de la semaine écoulée – cette baisse avoisine les 11 %. Enfin, les stocks de plaquettes sont bons : hier, en fin de matinée, on comptait plus de 1 500 concentrés de plaquettes.

Je tiens donc à vous rassurer et à rassurer la représentation nationale tout entière : à ce jour, ces stocks ne sont pas source d’inquiétude. Néanmoins, nous devons tous rester mobilisés.

Monsieur le président, si vous me le permettez, je conclurai cette séance de questions d’actualité au Gouvernement en lançant un appel à nos concitoyens : prendre une heure pour sauver son sang, c’est sauver trois vies. Il faut donc continuer à donner son sang pour les Français !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le secrétaire d’État, nous nous associons à cet appel !

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 12 novembre 2020, à quinze heures.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande que l’examen en nouvelle lecture du projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire se poursuive le jeudi 5 novembre au soir.

Acte est donné de cette demande.

Nous pourrions fixer le début de la discussion générale sur ce texte demain à dix-neuf heures. La commission se réunirait pour examiner les amendements de séance durant la suspension de séance, et nous entamerions l’examen des articles à la reprise du soir. Enfin, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance serait fixé à l’ouverture de la discussion générale.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, par courrier en date du mardi 3 novembre, M. Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants – République et territoires, demande l’inscription à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du jeudi 19 novembre de deux débats intitulés : « La forêt française face aux défis climatiques, économiques et sociétaux » et « Contenus haineux sur internet : en ligne ou hors ligne, la loi doit être la même ».

Acte est donné de cette demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur ont été affichées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Madame la présidente, lors du scrutin public n° 8 sur l’ensemble du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, ma collègue Annick Petrus a été enregistrée comme ayant voté pour, alors qu’elle souhaitait voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’ordre du jour appelle l’examen d’un projet de loi tendant à autoriser l’approbation de deux conventions internationales.

Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc le mettre aux voix.

Est autorisée l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar (ensemble quatre annexes), signé à Paris le 6 juillet 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Est autorisée l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine (ensemble quatre annexes), signé à Paris le 23 novembre 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar et de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine (projet n° 717 [2019-2020], texte de la commission n° 86, rapport n° 85).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes (projet n° 485 [2019-2020], texte de la commission n° 88, rapport n° 87).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Clément Beaune

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les crises sanitaire et sécuritaire que nous traversons ont démontré l’importance de répondre avec la plus grande détermination au problème mondial de la drogue.

En effet, la pandémie de covid-19 a mis en lumière l’extrême résilience des réseaux de trafiquants, qui ont diversifié et adapté leurs itinéraires et leurs modes de transport au gré des restrictions aux déplacements. Par ailleurs, cette pandémie a accru la vulnérabilité des usagers, qui ont connu des difficultés pour accéder au dispositif de soins ou, parfois, se sont tournés vers des substances ou des modes de consommation plus nocifs.

La fin de la crise sanitaire, quel que soit son horizon, ne résoudra pas ces difficultés, bien au contraire, avec la circulation des stocks de drogue surnuméraires n’ayant pu être écoulés et l’existence de publics encore plus fragilisés.

Alors que les trafics de stupéfiants ne cessent de s’étendre à l’échelle mondiale, notre réponse doit, aujourd’hui plus encore, passer par une action coordonnée à l’échelle internationale.

De fait, ces trafics constituent un phénomène véritablement mondial, qui se joue entre pays de production, de transit et de destination. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres pour agir à la fois en amont, afin d’éviter que nos populations, en particulier les personnes les plus vulnérables, ne tombent dans l’addiction, et en aval, pour offrir une voie de sortie de la dépendance à ceux qui le souhaitent, suivant une approche respectueuse des droits humains.

Pour faire face à ce défi, l’Inde est un partenaire incontournable.

Elle l’est, tout d’abord, en tant qu’alliée majeure de la France dans de multiples domaines. Notre pays et l’Inde sont liés depuis 1998 par un partenariat stratégique, dans le cadre duquel se sont développées des coopérations ambitieuses dans les domaines de la défense, de l’espace, de la sécurité ou encore du climat.

L’accord intergouvernemental relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes, signé à l’occasion de la visite du Président de la République à New Delhi, le 10 mars 2018, et soumis cette après-midi à l’approbation de votre assemblée, s’inscrit dans cette dynamique : il vise à structurer et renforcer la coopération franco-indienne dans un domaine qui représente, pour nos deux pays, l’enjeu essentiel de santé publique et de sécurité que j’ai décrit.

Elle l’est, ensuite, en tant qu’acteur constructif de la scène internationale en matière de lutte contre les produits stupéfiants et en tant que soutien de notre approche équilibrée faisant droit aussi bien aux impératifs de la lutte contre les trafics qu’à la nécessité de mener des politiques de prévention.

L’Inde doit être associée à cette lutte. Face à la double pression exercée par les pays les plus laxistes, désireux notamment de légaliser largement l’usage des drogues, et les plus fermés, promoteurs d’une réponse exclusivement répressive, donc incomplète, l’Inde est un soutien essentiel pour la préservation de ce cadre international.

Elle l’est, enfin, sur le plan sécuritaire, en tant que pays central du point de vue de la problématique de la circulation des drogues aux échelles régionale et mondiale. L’Inde doit être associée aussi à notre approche.

Un renforcement de notre coopération bilatérale est nécessaire, pour mieux appréhender les menaces que peut faire peser sur notre sécurité nationale la situation spécifique de ce pays de plus de 1, 3 milliard d’habitants, qui est à la fois une zone de transit, de production et de consommation de stupéfiants. Située à l’interface de plusieurs zones majeures de production, l’Inde est un pays de transit de ces produits vers le monde entier, qu’il s’agisse de l’Europe, de l’Afrique, de l’Amérique du Nord ou même de l’Asie du Sud-Est.

Ce renforcement de notre coopération est d’autant plus nécessaire que la question des drogues, je le rappelle, a partie liée avec le terrorisme. De fait, le trafic de stupéfiants constitue, toujours plus, l’une des premières sources de revenus des réseaux terroristes islamistes mondiaux opérant notamment dans le sous-continent indien, en particulier en Afghanistan.

Par ailleurs, l’Inde est devenue un lieu de production de différents stupéfiants et précurseurs chimiques, exportés vers des marchés étrangers où leur consommation provoque, vous le savez, des difficultés sanitaires majeures au sein des populations de nos pays.

Enfin, la croissance de la consommation de drogues en Inde doit nous alerter, compte tenu de ses conséquences sur la santé publique dans ce pays, comme sur le développement accru de réseaux criminels.

L’accord soumis à votre approbation, le premier engagement juridiquement contraignant conclu avec l’Inde en matière de coopération policière et judiciaire, constitue un jalon essentiel pour nous permettre d’atteindre l’ensemble de ces objectifs.

Il a été élaboré et négocié dans le respect de l’approche équilibrée prônée par la France, et sa mise en œuvre en attestera l’efficacité et la pertinence. En effet, les champs de coopération renforcée qu’il ouvre permettront à la fois une montée en puissance de notre action commune en matière de lutte contre la consommation et le trafic de stupéfiants et une meilleure prise en compte dans nos échanges de l’ensemble des enjeux sanitaires et sociaux.

Ainsi, cet accord permettra d’encourager le développement d’actions de coopération visant à réduire effectivement la production de stupéfiants, notamment de précurseurs chimiques, ainsi que leur éventuel trafic entre nos deux pays et au-delà.

Il nous donnera également les moyens d’agir sur la demande, en promouvant auprès de nos partenaires indiens notre approche en matière de prévention de la consommation de drogues. Là aussi, cela passera par la conduite nouvelle d’actions conjointes d’éducation et de sensibilisation des publics les plus vulnérables.

À cette fin, la coopération opérationnelle et technique entre les services spécialisés de nos deux pays sera renforcée, au travers d’échanges d’informations, d’expériences et de bonnes pratiques. Cet accord bilatéral prévoit également des formations, ainsi que la fourniture d’une assistance technique et scientifique, à destination des services indiens.

Ainsi qu’il ressort des articles 6 et 7 de l’accord, ces échanges ont fait l’objet, dès le début de la négociation en 2013, de la plus grande attention de la part des autorités françaises, afin que toutes les garanties nécessaires soient prévues en matière de protection des données à caractère personnel. Il s’agit d’un enjeu essentiel, sur lequel la France, de manière générale, est particulièrement engagée.

Ainsi, nous nous sommes assurés que ces échanges ne puissent avoir lieu que dans le strict respect de la législation nationale de chaque partie – en ce qui nous concerne, une législation européenne.

L’accord garantit donc à nos ressortissants et à nos services un niveau adéquat de protection de la vie privée, en fixant un socle d’obligations et de garanties fondamentales précises en matière de protection des données personnelles, en deçà duquel aucune opération de traitement ou de transfert de données ne pourra être effectuée.

Cette vigilance, nous en avons fait preuve à plus forte raison pour nous assurer que la mise en œuvre de l’accord ne puisse servir dans le cadre de procédures susceptibles d’aboutir à des condamnations à la peine de mort, à laquelle la France, au demeurant engagée par des accords internationaux, est évidemment opposée en tout lieu et en toutes circonstances.

Les restrictions imposées par la Cour suprême indienne au recours à la peine capitale la rendent en pratique tout à fait exceptionnelle – et même, dans les affaires de trafic de drogue, théorique. Néanmoins, son application reste en principe possible.

C’est la raison pour laquelle la France a insisté pour que des références explicites et précises au respect de nos engagements internationaux en matière de refus de la peine capitale soient inscrites dans l’accord. Figurant aux paragraphes 3 des articles 2 et 5, ces garanties permettront à nos services opérationnels, dans tous les domaines et dans tous les cas, de s’opposer à une demande de coopération susceptible de conduire à l’application de la peine de mort.

La mise en œuvre de cet accord, pour l’application duquel l’Inde a d’ores et déjà mené à bien les procédures internes nécessaires, revêtira pour notre pays une importance double, si bien sûr votre assemblée approuve définitivement ce texte.

Tout d’abord, elle servira utilement la conduite de notre stratégie internationale en matière de lutte contre les drogues et les produits stupéfiants. Ensuite, elle viendra, de manière plus générale, conforter la dynamique, voulue par le Président de la République, de renforcement de notre relation bilatérale avec l’Inde, notamment sur les questions stratégiques et de sécurité.

Dans le contexte actuel, il est nécessaire de renforcer encore la coopération internationale pour lutter contre les menaces, qui ne connaissent pas de frontières. Nous l’avons vu en ce qui concerne la pandémie de la covid-19 ; nous le voyons aussi dans la lutte sans merci que nous menons contre le terrorisme et la diffusion de l’idéologie extrémiste. Nous devons agir de même contre d’autres fléaux internationaux, qui d’ailleurs renforcent souvent ces dynamiques, en particulier contre les trafics de drogue et tous les mécanismes qui les alimentent ou les facilitent.

Aujourd’hui plus que jamais, le renforcement de notre action bilatérale comme de notre engagement multilatéral est indispensable !

Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle cet accord du 10 mars 2018 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde, relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes.

MM. André Gattolin et Richard Yung applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Bouchet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France entretient avec l’Inde une relation bilatérale ancienne, fondée sur la confiance et le partage de valeurs communes. Cette relation s’est enrichie ces dernières années, avec la multiplication de rencontres de haut niveau.

En 1998, l’Inde et la France ont conclu un partenariat stratégique global, qui a mis en place une coopération étroite dans les secteurs de la diplomatie de la défense. Il s’est traduit par la conclusion, en 2016, d’un contrat d’acquisition de trente-six avions de combat Rafale, dont le premier a été livré en octobre 2019.

Notre coopération est intense dans les domaines de la sécurité, du nucléaire civil et de l’énergie. Un dialogue stratégique réunit les deux parties au plus haut niveau deux fois par an. L’Inde occupe une place importante dans la stratégie de défense française en Indopacifique.

S’agissant de la lutte contre les trafics de drogue, l’Inde y prend une part active, notamment en participant aux travaux de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, ainsi qu’à l’initiative du Pacte de Paris, lancée en 2003 pour lutter contre le trafic d’opiacés en provenance d’Afghanistan.

Compte tenu de son poids démographique et de son positionnement géographique, l’Inde est un acteur régional majeur de la lutte contre les flux illicites de produits stupéfiants, dont elle est à la fois un pays de consommation, de transit et de production.

Comme en France, on y observe une augmentation de la consommation de drogues, qu’il s’agisse d’héroïne, d’opioïdes détournés de leur usage médical ou encore de cannabis.

De par sa situation à proximité du Triangle d’or et surtout du Croissant d’or, zone de production d’opium la plus importante au monde, l’Inde est l’une des principales routes pour le trafic international d’héroïne à destination de la Chine et de l’Asie du Sud-Est, mais aussi de l’Australie et de l’Amérique du Nord. L’Inde se situe aussi sur la route sud par laquelle transiteraient environ 10 % des opiacés à destination de l’Europe et de la France.

Enfin, l’Inde, deuxième leader mondial des médicaments génériques derrière la Chine, avec 20 milliards de dollars d’exportations annuelles cette année, connaît de nombreux détournements de médicaments par des organisations criminelles. Sont concernés notamment l’éphédrine et certains antalgiques, comme le Tramadol, qui sont consommés comme drogues, sans parler des médicaments contrefaits par des entreprises installées sur le territoire indien.

Cet accord bilatéral est le premier engagement juridiquement contraignant conclu avec l’Inde en matière de coopération policière. Il s’agit d’un accord sectoriel, portant exclusivement sur la prévention de la consommation illicite et la réduction du trafic illicite de stupéfiants.

Il sera mis en œuvre en parfaite cohérence avec les engagements bilatéraux liant nos deux États dans le domaine de l’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition : la convention bilatérale d’entraide judiciaire pénale du 25 janvier 1988 et la convention bilatérale d’extradition du 24 janvier 2003.

La commission s’est naturellement penchée avec la plus grande attention sur l’applicabilité de la peine de mort, proscrite par notre Constitution, mais encore en vigueur en Inde.

La convention d’extradition de 2003 permet déjà expressément à la France de refuser la remise d’un individu demandée par l’Inde en l’absence de garantie que la peine de mort ne sera pas prononcée, a forti ori exécutée.

Comme l’accord d’entraide judiciaire de 1988, l’accord que nous examinons aujourd’hui contient des dispositions supplémentaires permettant, comme M. le secrétaire d’État l’a expliqué, d’opposer un refus aux demandes de coopération si elles devaient aboutir à l’exécution de la peine capitale par l’Inde.

Au demeurant, en l’absence même de toute clause expresse, l’ordre public français et les engagements internationaux de la France s’opposent à ce que notre pays puisse apporter son aide en matière pénale aux États dans lesquels une personne mise en cause est exposée à la peine capitale ou à des traitements inhumains ou dégradants.

Quant aux stipulations relatives à la protection des données personnelles, elles apportent un haut niveau de garantie, dans la mesure où la communication de ces données aura lieu dans le strict respect de la législation nationale et des procédures définies par le droit interne.

En outre, les échanges d’informations prévus par le présent accord ne seront pas, par nature, liés à une enquête spécifique en cours ou à un dossier relatif à une personne en particulier, mais porteront davantage, s’agissant de la coopération opérationnelle, sur la structure d’une organisation criminelle, son mode opératoire ou les techniques de blanchiment d’argent.

Cet accord de coopération nous a semblé un instrument utile dans la lutte contre le trafic de drogue. Son approbation est attendue par les services des ministères des affaires étrangères, de l’intérieur et de la justice.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la seule consommation des drogues a causé la mort de 585 000 personnes en 2017, d’après un rapport des Nations unies réalisé en 2019.

Si les produits stupéfiants sont dangereux pour la santé de ceux qui les consomment, leurs trafics sont néfastes, plus généralement, pour l’ensemble de la société. En effet, ces produits font l’objet d’un commerce lucratif dont les fonds viennent alimenter d’autres activités criminelles, au premier rang desquelles le terrorisme.

Ainsi, les liens entre la culture afghane du pavot et le financement des talibans ne sont plus à démontrer – non plus que ceux qui unissent les productions du Triangle d’or aux mafias et guérillas de cette région.

Parce que le trafic de drogue ne connaît pas de frontières, parce qu’il participe au financement d’actions de déstabilisation contre les États, ces derniers ont intérêt à unir leurs moyens dans leur combat contre la drogue, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé.

Or l’Inde, en raison notamment de sa situation géographique, qui la place au carrefour de nombreux trafics, est d’ores et déjà un des acteurs incontournables de la lutte antidrogue. L’accord soumis à notre approbation cet après-midi vise à améliorer la coopération policière entre nos deux pays dans ce domaine.

Je fais partie des voix qui se sont élevées pour alerter sur le risque potentiel que comporterait cet accord. De fait, l’Inde applique la peine de mort à l’encontre des auteurs de certaines infractions relatives aux stupéfiants. La France n’enfreindrait-elle pas ses engagements abolitionnistes en coopérant avec un pays qui, sur la base de cette coopération, pourrait condamner des individus à mort ?

À cet égard, en plus de nos engagements internationaux, l’article 66-1 de notre Constitution dispose : « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ».

La question que nous nous posons en ce qui concerne les stupéfiants pourrait se poser aussi dans d’autres domaines, singulièrement celui du terrorisme : faut-il coopérer avec des pays qui continuent de condamner à mort ? Si nous y renoncions, nous fermerions la porte à cinquante-cinq pays qui nous aident à lutter contre le fléau du terrorisme, ce qui limiterait notre capacité à nous prémunir contre des attentats mettant en danger la vie de nos concitoyens.

Chaque État est souverain : il décide donc souverainement des règles qu’il souhaite établir. Il n’appartient à personne de dire à l’Inde, État souverain et démocratie de plus de 1, 353 milliard de personnes, ce qu’elle devrait ou ne devrait pas faire.

L’Inde et la France luttent toutes deux contre le trafic de drogue et peuvent envisager de coopérer dans ce domaine, dans le respect de la souveraineté de nos deux pays.

Toutefois, nous devons analyser cet accord en nous assurant qu’il ne contribue pas à faire concourir la France, par ce canal, à l’exécution de peines capitales. En effet, les engagements de notre pays l’obligent à abandonner une coopération lorsque la peine de mort est envisagée à l’encontre de personnes mises en cause. Ce principe est inscrit dans les accords relatifs à la coopération judiciaire et l’extradition.

À la lumière de ce constat et sous réserve du respect strict et contrôlé de la mise en œuvre de cette coopération, nous pouvons approuver l’accord qui nous est soumis.

En effet, comme le secrétaire d’État et le rapporteur l’ont souligné, il ne vise que la coopération technique et opérationnelle en matière policière ; il ne concerne ni la coopération judiciaire ni l’extradition. Il n’est donc pas question que la France participe directement à la condamnation à mort d’un individu.

Aussi, compte tenu des réponses qui nous ont été apportées et qui ont dissipé notre inquiétude et en raison de la nécessité d’optimiser nos actions de lutte contre tout trafic, le groupe Les Indépendants votera unanimement le présent projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet d’accord entre la France et l’Inde que nous examinons cette après-midi a pour objet de lutter contre la consommation et le trafic de stupéfiants.

En pratique, cet accord favorisera l’échange d’informations entre la France et l’Inde. Compte tenu de la croissance des trafics illicites de stupéfiants et de la position stratégique de l’Inde, l’objectif peut se comprendre, même si des accords multilatéraux existent en la matière.

Si le groupe écologiste a demandé le retour à la procédure normale pour l’examen de ce projet de loi, c’est parce que ce dispositif nous inquiète : de fait, nous trouvons pour le moins curieux qu’il ne fasse pas plus débat… L’absence de toute mention relative à la peine de mort dans un projet d’accord avec un pays qui applique encore la peine capitale en matière de trafic de stupéfiants est incompréhensible !

J’entends l’argument du rapporteur : cette mention n’est pas obligatoire dans un accord qui ne prévoit pas d’extraditions.

Je le conteste néanmoins, car l’arrêt Fidan rendu par le Conseil d’État le 27 février 1987 n’a pas cette portée : il n’énonce nullement qu’une mention ne serait exigée que pour les accords relatifs à la remise des personnes. Cette décision exclut l’extradition d’une personne vers un pays où la peine de mort est prononcée, dès lors qu’aucune convention ne vient l’exclure ; aucune autre question de droit ne lui était posée.

En l’occurrence, ne pas prévoir que la remise de renseignements puisse permettre de condamner une personne à la peine de mort entraîne la violation par la France de ses obligations positives à l’égard de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

De plus, il n’est pas compréhensible que, politiquement, il ne soit pas possible d’exiger une telle garantie de l’Inde, alors que la France l’a exigée des États-Unis pour ratifier le traité d’extradition du 23 avril 1996.

Les organisations de défense des droits humains, au premier rang desquelles la Ligue des droits de l’homme, ont réussi à alerter le Sénat.

À la suite de cette interpellation, monsieur le rapporteur, vous évoquez deux garde-fous, aux paragraphes 3 des articles 2 et 5. Ils reviennent à faire prévaloir l’ordre public français sur l’accord et à nous permettre de refuser d’appliquer la convention au regard des engagements internationaux de la France ou du droit de l’Union européenne.

Il est à ce titre curieux, monsieur le secrétaire d’État, que dans l’étude d’impact, ni la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne soient mentionnés parmi les engagements internationaux que la France doit respecter.

Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, on ne saisit pas, concrètement, selon quelles modalités le service chargé de l’enquête policière pourra apprécier, en répondant à une demande de renseignements émanant des autorités indiennes, si la personne concernée risque ou non la peine de mort, avant éventuellement de refuser de donner un renseignement.

Le dossier entier n’est bien sûr pas envoyé et se poserait alors un problème de traduction. Il est évident que cela ne se fera jamais.

L’examen au cas par cas, pour envisager si la peine de mort pourrait être prononcée pour chaque renseignement demandé, et le blocage en conséquence de la transmission d’informations sont totalement illusoires. S’en remettre aux exécutants pour faire respecter l’interdiction de la peine de mort revient à démissionner ou à se voiler la face.

L’argument du faible nombre de condamnations à mort pour trafic de stupéfiants en Inde, invoqué par la rapporteure à l’Assemblée nationale et par vous-même, monsieur le rapporteur, n’est pas recevable. L’abolition de la peine de mort est un principe qui ne saurait souffrir aucune exception.

Compte tenu des inquiétudes que suscite ce texte, monsieur le secrétaire d’État, je conclus mon propos en vous demandant de renégocier cet accord. La République de l’Inde doit s’engager à ne pas prononcer de condamnation à mort dès lors que la France a contribué de quelque manière que ce soit à la résolution d’une affaire. Cela doit figurer noir sur blanc.

En l’état, sans garantie de cette nature, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne pourra pas voter ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera ce projet de loi des deux mains.

En effet, ce texte vise à lutter contre le trafic de différents types de drogues. L’Inde se situe au carrefour des trafics de drogues dures telles que l’opium, la cocaïne ou l’héroïne. On parle là non pas de la consommation d’une petite cigarette de cannabis de temps en temps, mais de choses autrement plus sérieuses !

De plus, l’industrie pharmaceutique indienne, qui est championne du monde en matière de contrefaçon, fabrique toute une série de produits pharmaceutiques qui sont exportés vers l’Europe et vers les États-Unis, où ils sont consommés comme substituts à des drogues.

Le renforcement de la coopération technique avec l’Inde est donc nécessaire. La lutte contre ce fléau nécessite une coopération très étroite reposant sur l’échange d’expertises, l’échange d’informations et la formation d’agents spécialisés.

L’accord contribue aussi à la lutte contre le financement du terrorisme. Nous savons que, de manière générale, le trafic de drogue et de contrefaçons contribue au financement du terrorisme. L’étude d’impact annexée au projet de loi évoque le lien entre un médicament fréquemment détourné de son usage, le Tramadol, et le financement des groupes terroristes en Afrique et dans d’autres pays du monde.

Par ailleurs, cet accord est susceptible d’ouvrir la voie à un renforcement de la lutte contre la contrefaçon de médicaments. Il pourrait nous donner l’occasion d’encourager l’Inde à signer et à ratifier la convention dite Médicrime, premier instrument international relatif aux contrefaçons de produits médicaux juridiquement contraignant dans le domaine du droit pénal.

Comme notre collègue vient de le souligner, la loi indienne relative aux stupéfiants et aux psychotropes prévoit la possibilité de condamner à mort une personne pour trafic de stupéfiants. Il faut toutefois espérer que le moratoire instauré en 2012 continuera à être appliqué.

Si l’architecture des accords, qu’ont décrite le secrétaire d’État et le rapporteur, n’est pas de nature à entraîner l’extradition d’une personne menacée de la peine de mort, la France doit continuer à appeler l’Inde à observer ce moratoire en vue de l’abolition définitive de la peine de mort.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accord dont nous discutons la ratification est le fruit d’un travail et d’une négociation commencés en 2013, et nous nous réjouissons qu’ils touchent à leur terme. Il participe du dynamisme de la relation et de la coopération renforcée entre l’Inde et la France.

Le groupe du RDSE y est particulièrement sensible. Permettez-moi de saluer le travail de notre ancien collègue Yvon Collin, qui présida le groupe d’amitié France-Inde jusqu’au mois de septembre dernier.

L’accord que nous devons approuver aujourd’hui porte sur la prévention et la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques. Le sujet est grave et mérite notre attention.

Les chiffres sont inquiétants : la consommation mondiale de drogue augmente. Cette augmentation n’épargne ni la France ni l’Inde.

L’essor de la toxicomanie est notamment lié à l’accroissement des réseaux criminels qui s’adonnent au trafic de stupéfiants. Derrière chaque trafic local, derrière chaque consommateur isolé se trouve au départ un réseau international. Combattre le fléau de la drogue implique donc de s’attaquer à chacun de ses maillages.

Si l’Inde n’est pas l’un des pays les plus stratégiques dans la lutte contre le trafic de stupéfiants – elle n’est pas identifiée comme la source immédiate et directe de trafics en France –, il n’en demeure pas moins que, par sa taille et son important bassin de population, elle est fortement touchée par la consommation de stupéfiants. Plus encore, par son positionnement géographique, elle est un point de passage, dans la région, entre les réseaux du croissant d’or – Afghanistan, Iran et Pakistan – et du triangle d’or au confluent du Laos, de la Birmanie et de la Thaïlande.

De ce point de vue, l’Inde joue un rôle actif dans la lutte internationale contre les drogues, l’efficacité de son action étant l’une des conditions d’une meilleure répression du trafic. Cette action doit viser aussi bien les stupéfiants les plus traditionnels que le détournement des médicaments ou des molécules servant de matière première à la production de drogues.

Un tel combat sera d’autant plus bénéfique que le trafic de stupéfiants est le plus souvent associé à d’autres formes de criminalité dont nos sociétés souffrent. Nous savons ainsi que le financement du terrorisme provient en grande partie de tels trafics.

À ce titre, le Gouvernement présentait à Marseille le 17 septembre 2019 un Plan national de lutte contre les stupéfiants, qui fixait une liste de six objectifs, dont le développement de la coopération internationale.

L’accord discuté aujourd’hui y participe pleinement, en élargissant les modalités de coopération technique et opérationnelle entre l’Inde et la France.

Dans un premier temps, s’agissant de la coopération technique, cet accord contribuera indéniablement à permettre une meilleure compréhension des réseaux de trafiquants, laquelle constitue la première étape de la lutte contre ce phénomène. Si nous voulons réussir, rien ne doit être opaque.

Il faut impérativement favoriser la transmission, tant par l’Inde que par la France, des études, recherches et analyses. Il faut faciliter les échanges juridiques, les formations et les échanges d’expertise.

Toutefois, l’information ne suffit pas. Dans un second temps, il faut agir et se donner les moyens de l’action. C’est pourquoi il faut souligner les apports de cet accord en matière de coopération opérationnelle : l’encadrement des échanges d’informations, y compris – c’est un point essentiel – des données à caractère personnel et la mise à disposition d’équipements.

Dans ces conditions, le groupe du RDSE votera ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accord entre la France et l’Inde qui nous est soumis doit être examiné d’un double point de vue : d’une part, celui de la pertinence de mesures de coopération renforcée pour lutter contre le trafic de stupéfiants, d’autre part, celui des conditions concrètes de cette coopération avec le régime politique actuel de ce pays, un régime extrémiste hindouiste raciste, foulant aux pieds les droits fondamentaux, notamment ceux des citoyens indiens musulmans et chrétiens.

Au nom de sa stratégie indopacifique, la France intensifie ses relations avec l’Inde dans le domaine diplomatique et dans celui de la défense, en passant le plus souvent sous silence – comme c’est le cas aujourd’hui – la nature détestable de ce régime. C’est l’une des raisons de notre inquiétude sur les possibles conséquences en matière de droits humains de l’application de cette convention.

L’objet de ce texte est de se donner de nouveaux moyens de lutte contre le trafic de produits stupéfiants, fléau indéniable et de grande ampleur. Or l’Inde est bien l’une des plaques tournantes du trafic mondial d’opiacés. Elle est par ailleurs le premier producteur mondial de médicaments génériques – la France est d’ailleurs une très bonne cliente de l’Inde, notre pays ne produisant que 5 % de la consommation médicinale nationale. Or, comme le rappelle l’Organisation mondiale de la santé, on estime qu’un médicament générique sur dix est falsifié, cette proportion étant d’un sur deux pour les médicaments achetés sur internet.

L’Inde est aussi le théâtre d’un véritable trafic d’éphédrine et de Tramadol.

Enfin, il faut souligner les liens structurels – ils sont de plus en plus documentés – entre tous les types de trafics transnationaux, par exemple ceux de produits stupéfiants, les réseaux de blanchiment et les réseaux criminels de toute nature, notamment terroristes.

Les raisons d’agir sont donc multiples, d’autant que l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies estimait, dans son rapport de 2016, que les Européens dépensaient au moins 24 milliards d’euros par an en drogues et produits stupéfiants.

La convention pourrait donc renforcer un indispensable effort de coordination et de coopération dans la lutte contre ces trafics, dans l’esprit des travaux de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime et du pacte de Paris de 2003.

La coopération avec l’Inde appelle toutefois de lourdes remarques, au moment où le régime de Modi foule aux pieds l’État de droit au nom de théories ouvertement racistes, où les milices armées d’extrême droite hindouiste perpètrent des massacres dans ce pays et où la destination financière des trafics visés par la convention doit être interrogée, y compris dans les rangs du régime de New Delhi.

Pouvons-nous fermer les yeux sur l’état du système judiciaire et policier de ce pays et sur le possible recours par ce régime à la peine de mort, contraire aux conventions internationales dont la France est signataire ? Notre vote contre en commission tendait à alerter sur ces enjeux essentiels.

Nous avons entendu les réponses du Gouvernement : la convention devant servir à échanger des informations structurelles sur les réseaux, et non sur les personnes, les risques d’une condamnation à mort d’une personne poursuivie du fait de la transmission d’informations françaises seraient limités. Quand bien même cela arriverait, ces informations tomberaient sous le coup de la convention d’extradition de 2005, qui contient une clause obligeant l’Inde à renoncer à une exécution.

Si l’accord ne contient pas une clause de non-application de la peine de mort, ce qui est à nos yeux profondément regrettable, il instaure, nous dit-on, des garde-fous aux articles 2 et 5 permettant à la France de se soustraire à la coopération lorsqu’elle pressent une entorse possible à ses engagements internationaux.

Malheureusement, ces garanties restent largement conditionnelles et leur impact est très fragile selon nous. Monsieur le rapporteur, le débat de la semaine dernière en commission a permis de lever certains doutes sans toutefois nous rassurer totalement. C’est pourquoi, après réflexion, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste optera pour une abstention pleine de vigilance.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes. Cet accord s’inscrit dans une relation bilatérale avec l’Inde, relation qui s’est enrichie ces dernières années par la multiplication de rencontres de haut niveau. De partenaire naturel théorique, l’Inde est devenue l’un des axes déterminants de la stratégie française en Indopacifique.

Depuis 2005, la France soutient activement la candidature de l’Inde au titre de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.

En matière de défense, la France a conclu en 2016 un contrat d’acquisition de trente-six Rafale, dont le premier a été livré au mois d’octobre 2019. Dans le secteur énergétique, un accord de coopération a été signé entre EDF et Nuclear Power Corporation of India Limited, prévoyant notamment l’implantation de six réacteurs de type EPR.

L’Inde est aussi un pays allié et ami qui se tient aux côtés de la France. La chaleur du communiqué de condoléances et de soutien que nous a adressé l’ambassade d’Inde à la suite de l’attentat horrible contre le professeur Samuel Paty et des attaques personnelles inacceptables contre le Président de la République a tranché avec le silence pesant de l’ambassade de Chine.

Compte tenu de son poids démographique de 1, 3 milliard d’habitants et de son positionnement géographique, l’Inde est un acteur régional majeur de la lutte contre les flux illicites de produits stupéfiants et de faux médicaments.

Sa situation la place à proximité du triangle d’or – Laos, Birmanie, Thaïlande – et surtout du croissant d’or – Iran, Afghanistan, Pakistan –, zone de production d’opium la plus importante au monde.

L’Inde est l’une des principales routes pour le trafic international d’héroïne, la route dite Sud par laquelle transiteraient environ 10 % des opiacés à destination de l’Europe et de la France.

Les flux illicites de stupéfiants produits en Inde vers la France consistent essentiellement en drogues de synthèse. Avec 20 milliards de dollars d’exportations en 2020, l’Inde est également le deuxième leader mondial de médicaments génériques, derrière la Chine, et connaît de nombreux détournements de médicaments par des organisations criminelles – c’est le cas de l’éphédrine et de certains antalgiques, comme le Tramadol, qui sont consommés comme drogues, sans parler des médicaments contrefaits par des entreprises installées sur le territoire indien.

Comme l’a rappelé notre collègue Hugues Saury en commission lors de l’examen du rapport de ce texte, ce phénomène se traduit par des centaines de milliers de morts chaque année, principalement en Afrique. Ces victimes sont le plus souvent des enfants.

Non seulement les médicaments de qualité inférieure ou falsifiés ont un impact tragique pour les malades et leurs familles, mais ils représentent aussi une menace en termes de résistance aux antimicrobiens.

Cet accord est nécessaire, parce qu’il constitue une occasion de promouvoir les actions de prévention et de traitement auprès de notre partenaire indien et parce qu’il permettra de combattre de véritables fléaux, notamment sur notre territoire national – le trafic de drogue, les problèmes de santé publique ou même le terrorisme. Comme l’a souligné le secrétaire d’État, il ne faut pas oublier le lien qui existe entre le trafic de drogue dans ces régions et le financement du terrorisme.

Notre collègue du groupe écologiste a formulé le reproche selon lequel cet accord n’opposerait pas suffisamment de garde-fous à l’application éventuelle de la peine de mort, toujours en vigueur en Inde. Il est vrai qu’aucune clause expresse ne figure dans cet accord, mais ce type de clause est traditionnellement réservé aux accords d’extradition et aux accords d’entraide judiciaire en matière pénale. L’accord d’extradition qui nous lie avec l’Inde comporte une telle clause, le Conseil d’État y a veillé.

L’application de la peine de mort est donc exclue par ces autres accords internationaux déjà ratifiés et entrés en vigueur, M. le secrétaire d’État et le rapporteur Gilbert Bouchet l’ont rappelé.

En tant que fervent abolitionniste de la peine de mort, je souhaite rappeler que, à la différence de son voisin chinois qui exécute environ un millier de personnes chaque année, la Cour suprême de l’Inde a estimé que la peine capitale ne saurait plus être prononcée qu’à titre exceptionnel. On dénombre vingt-six exécutions depuis 1991, sachant qu’un moratoire a été mis en place depuis 2015. Ces exécutions étant d’ailleurs sans lien avec le trafic de drogue ou de substances psychotropes, il nous apparaît qu’elles ne sauraient être un argument pour ne pas voter ce texte susceptible de contribuer à sauver de nombreuses vies.

En conséquence, le groupe Union Centriste votera ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre relation avec l’Inde est devenue l’un des piliers majeurs de notre stratégie dans l’aire indopacifique. C’est parce que l’Inde est une grande puissance internationale qui s’inscrit dans le multilatéralisme que la France souhaite renforcer depuis plusieurs années un partenariat stratégique. De leur côté, les autorités indiennes sont de plus en plus favorables à un partenariat solide et durable avec la France.

Comme Ladislas Poniatowski, que je tiens à saluer, et moi-même le précisions dans le rapport d’information intitulé L ’ Inde, un partenaire stratégique, ce pays est une zone de rivalité entre la Chine et les États-Unis, mais aussi un détroit stratégique de passage, notamment de stupéfiants et de médicaments, dont l’impact se mesure partout dans le monde.

La France a souhaité maintenir un rôle de puissance d’équilibre dans cette zone indopacifique ; c’est une bonne chose. Nous avons également construit un partenariat stratégique avec l’Inde en matière militaire. Ces résultats positifs sont le fruit du travail engagé lors du précédent quinquennat.

En matière de politique environnementale, compte tenu de ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique, la création de l’Alliance internationale solaire, mais surtout la signature par l’Inde de l’accord de Paris méritent d’être rappelées.

C’est à l’aune de cette stratégie et de ce partenariat que nous devons étudier le texte qui nous est présenté aujourd’hui. Celui-ci prévoit le renforcement de la coopération entre la France et l’Inde en matière de lutte contre les stupéfiants et leur consommation illicite dans le cadre de la réduction de ces trafics.

Ce projet de loi prévoit à la fois la conduite d’actions de prévention et de lutte contre le trafic de drogue et de précurseurs chimiques, le contrôle et la surveillance de la production de ces précurseurs, la prévention de la consommation de drogue grâce à des campagnes de sensibilisation et la mise en place de politiques publiques, sanitaires et sociales auprès des personnes concernées.

C’est d’autant plus important que l’Inde est aujourd’hui une plaque tournante dans la production et le transit de drogue et de faux médicaments, avec de lourdes conséquences en termes de santé publique.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison de rappeler toute l’importance que nous avons accordée au traitement des données personnelles. Cet accord autorise des échanges de données personnelles dans le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD), l’Inde n’ayant pas à ce jour de législation en la matière.

J’en viens à la question sur laquelle le débat s’est focalisé en commission comme dans l’hémicycle : la peine de mort. Celle-ci est toujours théoriquement autorisée dans la législation indienne, même si, comme vous l’avez là encore rappelé, monsieur le secrétaire d’État, son application n’est de fait pas fréquente. Il reste que ce n’est pas sans nous interroger.

Si, ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, la partie française peut refuser d’accéder totalement ou partiellement à la demande d’informations des autorités indiennes, notamment au nom de nos engagements internationaux relatifs à la peine de mort, force est de constater que la partie indienne peut continuer à l’appliquer – rien ne l’en empêche. Concrètement, l’accord ne prévoit pas explicitement l’engagement de l’Inde à ne pas recourir à l’application de la peine de mort contre l’un de ses ressortissants, y compris dans le cas d’un renseignement délivré par la France.

Nous aurions souhaité que la partie française précise dans le texte son refus que ces échanges d’informations puissent entraîner une quelconque condamnation à la peine de mort. Il faudra y veiller au quotidien.

Cela est d’autant plus vrai que nous devons réaffirmer collectivement chaque jour davantage la volonté de la France de supprimer de toute législation la peine de mort, conformément à l’engagement pris par le candidat socialiste François Mitterrand, pour répondre à l’impérieuse nécessité de garantir le respect des droits fondamentaux de chaque individu et lui permettre de se prévaloir des droits énoncés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

C’est pourquoi, sur ce texte, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra. Permettez-moi de dire un mot sur le sens de cette prise de position afin d’éviter toute méprise : il ne s’agit en aucun cas d’une forme de fébrilité. Que ce soit clair, nous n’avons pas la main tremblante quand il s’agit de lutter contre toutes sortes de trafics – drogues ou médicaments frelatés –, et ce d’autant moins que nous connaissons les liens qui existent entre le trafic de drogue et le financement du terrorisme.

Par notre abstention, nous prenons une position politique : nous permettons l’adoption de cette convention tout en réaffirmant notre opposition formelle à la peine de mort et notre regret que le texte n’en fasse pas état.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quand on s’exprime en dernier, beaucoup a déjà été dit ; je m’efforcerai toutefois de ne pas être redondante.

Permettez-moi d’aborder l’examen de ce projet de loi en appelant votre attention sur l’importance du contexte dans lequel il s’inscrit, à savoir la poursuite d’un dialogue entre la France et l’Inde permettant un partenariat stratégique qui touche plusieurs domaines.

Cet accord de prévention de la consommation illicite en vue de la réduction du trafic illicite de stupéfiants s’inscrit en cohérence avec l’initiative du pacte de Paris de 2003, lancée par la France et la Russie pour lutter contre le trafic d’opiacés en provenance d’Afghanistan à l’époque du conflit.

Nous savons tous que les produits stupéfiants sont l’une des principales sources de financement des groupes terroristes armés islamistes. Ces derniers ont de gros besoins financiers pour leur entreprise de déstabilisation des États-nations.

Comme la France, l’Inde fait face aux attentats. Elle doit aussi combattre le séparatisme au nord-est et gérer la rébellion de l’armée naxalite au centre.

Par ailleurs, nous ne pouvons ignorer la progression de la radicalisation à l’échelle régionale. Les attentats de 2016 au Bangladesh et de 2019 au Sri Lanka ainsi que la situation aux Maldives en sont la tragique démonstration.

Il est donc primordial d’évaluer à leur juste mesure les articulations entre trafic de drogue, criminalité internationale et terrorisme. Cette porosité entre criminalité et terrorisme doit véritablement être prise en compte. Je rappelle d’ailleurs que la France et l’Inde ont signé en 2003 la convention de Palerme contre la criminalité transnationale.

L’accord que nous examinons répond également à une stratégie internationale de lutte contre la drogue et les criminalités qui y sont liées. Il dépasse donc le seul prisme bilatéral franco-indien.

L’Inde est une plateforme de transit pour le trafic de drogue de la région et une voisine directe du triangle d’or – Laos, Birmanie, Thaïlande – et du croissant d’or – Iran, Afghanistan, Pakistan –, qui est la zone de production d’opium la plus importante au monde.

Le sous-continent indien est donc l’une des principales routes pour le trafic international d’héroïne vers la Chine, l’Asie du Sud-Est, l’Australie et l’Amérique du Nord, route qui se termine en Europe et en France.

En Inde, l’usage récréatif du cannabis est interdit depuis 1985, mais certaines régions, comme le Madhya Pradesh, produisent des volumes atteignant 240 tonnes par an. L’autre problème tient au taux de tétrahydrocannabinol, ou THC, très élevé de ce type de chanvre : les effets sur les consommateurs sont très graves.

De plus, dans le contexte actuel où le risque pandémique est quotidien, notre collaboration avec l’Inde dans la lutte contre les produits illicites est primordiale, car ce pays est le second producteur mondial de médicaments génériques. Lutter contre le trafic de produits illicites qui servent de base aux médicaments est un défi pour la santé publique mondiale.

En effet, ces produits font l’objet non seulement de trafics, mais aussi de contrefaçons dont les ressorts sont tentaculaires. Selon l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (Iracm), le trafic de médicaments et de produits les composants est vingt fois plus lucratif que le trafic d’héroïne.

En 2013, en Chine, le trafic de médicaments représentait près de 73 milliards de dollars.

Pour 10 000 dollars investis, la contrefaçon de médicaments rapporte entre 200 000 dollars et 450 000 dollars. Ces sommes sont à terme blanchies et réinjectées dans l’économie légale. Ainsi, les trafiquants réussissent à pénétrer des circuits légaux via le reconditionnement de médicaments.

Alors que les États sont très en retard en termes de législation et que les trafiquants font preuve d’une adaptabilité hors norme, cet accord va dans le bon sens. Il représente une avancée significative pour essayer d’endiguer ces pratiques dont les conséquences sont dramatiques : en 2013, plus de 122 000 enfants africains sont décédés du fait des contrefaçons médicamenteuses.

Mes chers collègues, je tiens aussi à appeler votre attention sur les conséquences des trafics de produits servant à l’élaboration de drogues de synthèse. Ces nouveaux produits de synthèse (NPS) font des ravages chez les jeunes Français et, plus largement, chez les jeunes du monde entier. Des vies sont brisées à la suite de la prise de MDMA, de méthamphétamines, de kétamine… Cela représente un coût humain autant que financier pour le système français.

Par ailleurs, les concentrations de ces drogues sont d’autant plus problématiques que leur potentiel addictif est exponentiel.

J’en viens aux inquiétudes de mes collègues concernant les modalités de recours à la peine de mort en Inde. Il convient d’être rigoureux à l’égard de la législation indienne, notamment de l’article 31 A de la loi de 1985 relative aux stupéfiants et substances psychotropes. Cet article prévoit la possibilité de condamner à mort un individu pour trafic de stupéfiants dans certains cas particulièrement graves impliquant a minima une récidive. Néanmoins, depuis 2014, la législation indienne a évolué : le recours à cette mesure n’est pas automatique, contrairement à ce que l’on pourrait l’imaginer.

Les sollicitations de la Ligue des droits de l’homme sont des plus légitimes. Aussi, j’espère que ce débat et vos réponses, monsieur le secrétaire d’État, permettront d’apporter des explications bienvenues.

Pour ma part, je rappelle qu’il a fallu cinq ans pour parvenir à une rédaction qui satisfasse les deux parties. C’est la preuve que la France a été exigeante et qu’elle n’a pas bradé ses idéaux et valeurs.

En outre, la convention bilatérale franco-indienne en matière d’extradition du 24 janvier 2003 est explicite sur le risque d’application de la peine de mort : c’est une raison suffisante pour motiver un refus de remise d’un individu par la partie française. Voilà qui peut rassurer certains de nos collègues.

En effet, l’article 8 de cette convention précise : « Si le fait en raison duquel l’extradition est demandée est puni de la peine capitale par la loi de l’État requérant et que, dans ce cas, cette peine n’est pas prévue par la législation de l’État requis ou n’y est généralement pas exécutée, l’extradition peut n’être accordée qu’à la condition que l’État requérant donne des assurances jugées suffisantes par l’État requis que la peine capitale ne sera pas prononcée ou, si elle est prononcée, qu’elle ne sera pas exécutée. »

Je veux croire que cet accord représente un bon véhicule pour continuer les échanges constructifs entre nos deux pays et diffuser les valeurs que nous défendons.

Le groupe Les Républicains votera cet accord et restera mobilisé sur les sujets qui permettront de lutter contre le trafic de stupéfiants.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.

Debut de section - Permalien
Clément Beaune

Je souhaite apporter quelques précisions, notamment sur les points de vigilance ou d’inquiétude soulevés par M. Gontard.

D’abord, l’organisation au Sénat d’un débat sur une question aussi fondamentale afin de lever tout doute, s’il en demeure encore, me paraît une bonne chose, et j’en remercie le rapporteur et le président de la commission des affaires étrangères.

Je veux être très précis : l’accord ne facilite en aucune façon l’application de la peine de mort pour des raisons liées aux stupéfiants en Inde. Je ne redonnerai pas lecture des articles 2 paragraphe 3 et 5 paragraphe 3, qui ont été cités à plusieurs reprises : ils sont extrêmement clairs sur le plein respect de l’intégralité de nos engagements internationaux, en particulier du protocole n° 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – dont nous célébrons d’ailleurs aujourd’hui même le soixante-dixième anniversaire –, auxquels nous portons un attachement plein et entier.

Aurions-nous dû mentionner explicitement ces engagements internationaux dans les articles 2 paragraphe 3 et 5 paragraphe 3 ? Nous pouvons en débattre, mais, très honnêtement, il n’y a aucun doute sur le fond. Cela vaut aussi, puisque M. Temal a abordé le sujet, pour nos engagements dans un domaine certes moins sensible, mais également très important, à savoir la protection des données et le respect du règlement général sur la protection des données.

L’étude d’impact, qui a été évoquée, aurait-elle dû être plus spécifique et précise sur ce point ? Je l’ai sous les yeux : elle mentionne uniquement le cadre de coopération bilatérale entre l’Inde et la France, dont, par définition, ne font pas partie les engagements relatifs à la peine de mort. Je prends néanmoins note de cette remarque pour les prochains cas. Il est possible d’être encore plus spécifique, mais je crois qu’il n’y a aucun doute sur l’applicabilité et le respect de nos engagements internationaux.

J’insiste, car je tiens à ce qu’il n’y ait aucun malentendu sur ce sujet : cet accord est essentiel, mais il s’agit exclusivement d’un accord de coopération policière, opérationnelle et technique. Il ne permet pas le transfert de données liées à des enquêtes, par exemple sur des individus, ou dans le domaine judiciaire.

Si une coopération judiciaire faisait suite à des procédures en matière policière permises par cet accord, elle tomberait sous le coup d’une autre convention internationale liant la France et l’Inde : la convention d’entraide judiciaire – vous pouvez vous y référer, mesdames, messieurs les sénateurs – qui, elle, prévoit explicitement, car en l’espèce il s’agit d’un point important, le respect de nos engagements internationaux en matière de non-application de la peine de mort. Il n’y a aucune ambiguïté, et nous continuerons d’ailleurs notre combat contre la peine capitale auprès de l’Inde comme auprès des plus de cinquante pays qui ne l’ont pas abolie. L’engagement de la France ne souffre aucune ambiguïté.

L’accord fait-il naître la moindre ambiguïté sur ce point ? Non. Améliore-t-il notre coopération avec l’Inde dans le domaine essentiel de la coopération en matière de lutte contre les stupéfiants, lesquels – plusieurs orateurs l’ont rappelé – alimentent le financement du terrorisme ? Oui.

Il s’agit, je le crois, d’un accord utile, qui ne fragilise en rien les combats internationaux de la France sur d’autres sujets, notamment la question de la peine capitale. Je tenais à rappeler ce point important, particulièrement en ce jour de célébration du soixante-dixième anniversaire de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes, signé à New Delhi le 10 mars 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Au terme de ce débat qui peut paraître inhabituel, puisqu’une part importante des accords internationaux soumis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est généralement approuvée par le Sénat selon la procédure simplifiée, je tiens à souligner l’intérêt d’une telle discussion et remercier les différents orateurs, le rapporteur Gilbert Bouchet, ainsi que M. le secrétaire d’État.

Ce débat illustre bien l’une des procédures originales du Sénat, qui, en application de l’article 47 de son règlement, peut, lorsque les accords internationaux visent des sujets importants, en débattre dans l’hémicycle, devant un nombre significatif de collègues, sur l’initiative d’un groupe ou, puisqu’elle en a maintenant la possibilité, de la commission.

En l’occurrence, l’accord qui est examiné aujourd’hui nous paraît très important.

D’abord, il porte sur la lutte contre le trafic de stupéfiants, de psychotropes et de faux médicaments. Les différents orateurs ont souligné le drame que constitue ce genre de trafic pour la santé des populations très souvent en difficulté.

Ensuite, il porte sur un grand pays, l’Inde. Cet accord conclu par la France avec ce pays est assez original, d’autant que l’Inde est elle-même directement concernée et menacée.

Enfin, dans la mesure où l’idée même du recours à la peine de mort par un pays tiers fait évidemment l’objet chez nous d’une hostilité totale et d’une opposition absolue, réitérer cette affirmation a permis d’apporter des garanties aux groupes qui ont soulevé ce problème.

En tant que président de la commission des affaires étrangères et dans le cadre du travail que nous y menons, je me réjouis de la ratification de cet accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Il est heureux que nous ayons eu ce débat. Monsieur le secrétaire d’État, nous avons pu, avec plusieurs de nos collègues, vous faire part de nos inquiétudes, que vous avez eu l’occasion d’apaiser sans toutefois parvenir à les lever complètement.

J’ai manqué de temps lors de mon intervention en discussion générale, mais le sujet mérite que l’on s’y attarde. Sur l’initiative de Jacques Chirac, la France a inscrit son opposition à la peine capitale dans la loi fondamentale. Depuis plusieurs décennies, notre pays s’engage pour l’abolition de la peine de mort partout dans le monde. À ce sujet, je me permets de rappeler à notre assemblée que la France a adhéré au deuxième protocole facultatif se rapportant du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Ce protocole prévoit notamment la compétence du Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies pour examiner la situation de chaque État concernant le respect de ses obligations. La question de la non-inclusion d’un engagement de l’Inde à ne pas respecter l’interdiction de la peine de mort dans le présent accord signé par la France sera examinée par ce comité. Il y va du rayonnement et de la crédibilité internationale de notre pays.

S’agissant de l’Inde, le problème est encore plus grave. En droit indien, la présomption d’innocence en matière de détention de stupéfiants est écartée au profit d’une présomption de culpabilité. C’est au suspect de démontrer qu’il n’a pas commis l’infraction dont on l’accuse. Or la présomption d’innocence fait partie des principes directeurs de la procédure pénale à valeur constitutionnelle, aux termes de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et conventionnelle, avec l’article 6 alinéa 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Est également inclus le droit à un procès équitable.

Rappelons-le, il n’est pas loisible aux États contractants de conclure avec d’autres États des accords dont les dispositions sont en conflit avec leurs obligations au titre de la Convention.

Monsieur le secrétaire d’État, considérant le faible intérêt stratégique de cet accord pour la France – même si je ne nie pas vos propos –, la grave entorse aux droits humains qu’il implique pour notre République et vos réponses embarrassées, nous maintiendrons notre choix de voter contre cet accord en l’état.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Personne ne demande plus la parole ?…

Mes chers collègues, je rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.

Le projet de loi est définitivement adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières (texte de la commission n° 94, rapport n° 93).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureuse de présenter aujourd’hui au vote de notre assemblée le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 29 octobre dernier.

Après des débats animés sur ce texte difficile, les députés et sénateurs membres de la commission mixte paritaire sont, à une très large majorité, parvenus à s’accorder sur un texte consensuel. Cet accord est clairement imputable au travail de compromis rapidement engagé avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Grégory Besson-Moreau, et ses équipes et, bien entendu, à la volonté du ministre de faire aboutir ce texte, « quoiqu’il en coûte » en matière médiatique, si vous me permettez l’expression. §Cet état d’esprit qui a permis la coconstruction d’un texte était nécessaire, car la situation était urgente.

Il en résulte un texte très clair.

D’une part, les néonicotinoïdes demeurent interdits en France ; leur interdiction a d’ailleurs été consolidée juridiquement par le projet de loi. Seule la filière betterave sucrière pourra bénéficier, par arrêté des ministres de la transition écologique et de l’agriculture, de dérogations pour l’usage de semences jusqu’au 1er juillet 2023, soit pour trois campagnes.

D’autre part, des garanties essentielles pour l’équilibre du projet de loi ont été annoncées lors de la navette parlementaire. Je pense au plan national de recherche et d’innovation pour accélérer la recherche d’alternatives aux néonicotinoïdes, au plan de prévention proposé par la filière et au conseil de surveillance.

La commission mixte paritaire a également consolidé le rôle du conseil de surveillance, modifiant en cela le texte adopté par le Sénat sur quelques points.

Il s’agit, d’abord, de changer légèrement la composition du conseil de surveillance pour le rendre plus efficace. Ne seront ainsi mentionnés dans la loi que les acteurs concernés par la problématique de la culture, et le ministre de la santé y sera associé. Le Gouvernement pourra, s’il le souhaite, ajouter d’autres acteurs.

Dans le même esprit, les parlementaires siégeant au sein de cette instance seront nommés non plus par les commissions compétentes, mais par les présidents des assemblées, afin de garantir la présence de membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et de membres de l’opposition.

Ensuite, la procédure de rédaction de l’arrêté de dérogation a été simplifiée pour répondre aux impératifs d’urgence.

Par ailleurs, considérant que la rédaction retenue posait des difficultés opérationnelles, notamment au regard du droit européen, la commission mixte paritaire a proposé de supprimer l’article 3, ajouté par le Sénat, qui prévoyait une étude d’impact sur l’ensemble des alternatives avant la décision de toute interdiction.

Enfin, le Sénat a adopté un amendement ayant un lien avec l’interdiction des néonicotinoïdes réaffirmée dans ce texte. Le principe d’une interdiction d’un produit phytopharmaceutique en raison de ses dangers pour l’environnement ou pour la santé ne doit pas pénaliser uniquement les agriculteurs français. Nous avons donc adopté à l’unanimité un amendement essentiel rappelant explicitement au ministre de l’agriculture, si besoin en était, qu’il dispose du pouvoir, en cas de danger sanitaire ou environnemental et en l’absence de mesure européenne, de suspendre les importations de denrées alimentaires ne respectant pas les normes européennes, notamment en raison de l’usage de produits phytopharmaceutiques interdits.

C’est une avancée en matière de lutte contre les importations déloyales et un signal fort envoyé par la France à l’Union européenne, notamment à l’heure où la politique agricole commune est en cours de renégociation. L’article 44 de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim, est donc renforcé, consolidé. La commission mixte paritaire a souhaité conserver cet article ; j’en remercie l’ensemble des groupes du Sénat et nos collègues députés.

Telles sont les grandes lignes du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. Si elles sont adoptées aujourd’hui, le travail ne s’arrête pas là pour autant, monsieur le ministre. Sur le sujet spécifique de la betterave et du sucre, outre la publication des textes réglementaires qui devront respecter des délais imposés par l’urgence, les betteraviers et – j’y insiste – les industriels attendent l’annonce d’un plan d’indemnisation pour les dissuader de ne pas planter l’année prochaine.

D’autres filières sont dans l’impasse technique. Le Sénat vous a signifié à plusieurs reprises son inquiétude sur les autres filières orphelines, monsieur le ministre. Le texte de la commission mixte paritaire permet de faire du conseil de surveillance une instance de suivi de toutes les filières ayant utilisé dans le passé des néonicotinoïdes. Sur invitation de son président, cette instance pourra ainsi étudier les avancées de la recherche sur les autres filières, comme la filière de la noisette, sans pour autant leur octroyer de dérogations. Ainsi les plus petites filières, moins puissantes mais tout aussi importantes pour la diversité de l’agriculture et la régionalisation de celle-ci, pourront-elles être entendues et suivies.

Enfin, vous le savez, monsieur le ministre, nous avons longuement insisté sur une véritable stratégie de recherche pour toutes les filières qui sont dans une impasse technique. Nous attendons des actes très concrets.

Toutes ces questions restent ouvertes et elles nourriront sans doute les débats à venir. Pour aujourd’hui, il me semble que le texte issu de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi est équilibré. Il apporte une réponse pragmatique et adaptée à la crise connue par la filière betteravière, tout en posant la question directement liée de la stratégie plus globale suivie par la France, notamment à l’égard des produits importés.

C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Pierre Louault et Frédéric Marchand applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis de nouveau devant vous cet après-midi pour évoquer le sujet de la pérennisation et de l’accompagnement dans la transition de la filière betterave sucrière.

Nous l’avons tous indiqué dans cet hémicycle : nous faisons preuve d’un engagement résolu en faveur de la transition agroécologique et d’une agriculture moins dépendante de l’ensemble des intrants.

Toutefois, s’agissant de la filière de la betterave sucrière, nous sommes aujourd’hui face à une situation exceptionnelle, dont nous avons largement débattu. Nous devons apporter une réponse rapide afin de permettre à cette filière d’excellence, qui représente près de 46 000 emplois dans notre pays, de sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouve aujourd’hui.

Je le dis une nouvelle fois clairement, il ne s’agit en aucune manière d’opposer économie et écologie. Ce dont il est question ici, c’est de notre souveraineté. Souhaitons-nous faire la transition agroécologique avec une filière betterave sucrière française ou acceptons-nous la disparition de cette dernière ? Préférons-nous n’avoir demain que du sucre importé sur les étals de nos magasins ?

Oui, la filière de la betterave sucrière est aujourd’hui en danger, par la faute de ce puceron vert dont nous avons tant parlé. Depuis nos précédents débats, les premières récoltes ont d’ailleurs montré à quel point notre crainte était fondée, parfois même dans des proportions encore plus fortes que nous ne l’avions estimé, puisque des parcelles ont été très lourdement touchées.

Cette conviction est, je crois, partagée sur l’ensemble de ces travées : nous sommes tous ici favorables à l’arrêt des néonicotinoïdes et à la transition agroécologique. Les premiers à le souhaiter sont d’ailleurs les agriculteurs eux-mêmes. Cependant, cette transition est confrontée à ce qu’il y a de plus difficile dans la nature, comme d’ailleurs dans la sphère politique, à savoir le temps.

Je pose clairement la question : comment s’assurer que la transition agroécologique pourra se faire avec une filière française ? En aucun cas, cette transition ne peut consister à tuer une filière d’excellence française pour importer du sucre de pays qui sont parfois en retard de dix ans sur nous en matière environnementale. Il ne peut en être ainsi ! Ce projet de loi n’est en aucun cas un texte de renoncement. Bien au contraire, il s’agit d’un texte volontaire pour engager la transition avec la filière française.

Pour être plus précis, ce projet de loi réintroduit, comme c’est déjà le cas pour de nombreux États membres, et jusqu’en 2023 au maximum, la possibilité de recourir au fameux article 53 du règlement européen et de solliciter des dérogations si la situation le nécessite.

Je ne reviens pas sur le contenu exact du projet de loi, que vous connaissez parfaitement, mesdames, messieurs les sénateurs, mais j’appelle votre attention sur le fait qu’il s’insère dans un plan global, qui comprend notamment 7 millions d’euros supplémentaires mobilisés au travers d’un programme de recherche publique et privée visant à accélérer l’identification d’alternatives véritablement efficaces et leur déploiement en conditions réelles.

Ce plan comprend également des engagements pris par la filière au travers d’un plan d’action et de prévention. Le suivi de ces engagements, que ce soit sur le volet de la recherche ou sur celui du plan de prévention prévu par la filière, sera l’une des missions dévolues au conseil de surveillance, qui comptera des parlementaires et qui devra veiller avec une grande exigence à la mise en œuvre du plan global.

Nous avons eu également de larges échanges en séance publique sur l’intégration des termes « betterave sucrière » dans le projet de loi, non seulement dans son intitulé, mais également dans le corps même du texte. Le choix de limiter les dérogations à la betterave sucrière peut en effet poser question au regard du principe d’égalité.

Je le répète : des arguments solides peuvent aujourd’hui être avancés pour expliquer la différence de traitement instituée au profit de la filière betterave sucrière. Cette filière est en effet dans une situation particulière par rapport aux autres cultures au regard de l’objet de ce texte.

D’abord, l’impact sur les pollinisateurs de l’utilisation de semences enrobées est plus limité pour la culture de la betterave sucrière que pour d’autres cultures si celles-ci disposaient des mêmes dérogations. Cela signifie non pas que cet impact n’existe pas, mais qu’il est – j’y insiste – plus limité.

Ensuite et surtout, l’impact économique de l’interdiction des substances que nous évoquons aujourd’hui, à savoir les néonicotinoïdes, est particulièrement grave pour la filière de la betterave à sucre, car cette dernière est dépendante de l’outil de production que sont les sucreries. Aujourd’hui, faute d’alternative raisonnable, les pertes de rendement, qui sont très importantes et qui conduisent nos agriculteurs à faire le choix de ne plus planter des betteraves, auront comme conséquence de réduire les volumes à disposition des sucreries. Il suffira d’une à deux saisons pour que celles-ci soient mises à l’arrêt ou qu’elles voient leur rendement tellement chuter qu’elles finiront par cesser leur activité.

M. Fabien Gay s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

À partir du moment où les sucreries fermeront, c’est toute la filière qui s’arrêtera. Nous aurons ainsi mis à bas en l’espace de quelques mois ou de quelques années une filière d’excellence, laquelle ne pourra pas s’engager dans la transition agroécologique, faute d’exister ! Cette écologie nous conduirait à importer du sucre de l’étranger.

Le projet de loi a fait l’objet de nombreux échanges tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez adopté la semaine dernière trois évolutions améliorant grandement le caractère opérationnel du futur texte. Je pense à l’élargissement du conseil de surveillance, à l’encadrement du délai dans lequel il doit rendre son avis et à l’avancée de l’entrée en vigueur de la loi au 15 décembre prochain.

La commission mixte paritaire, qui s’est tenue jeudi dernier, a battu tous les records en termes de durée pour parvenir in fine à un accord. Je remercie très sincèrement le rapporteur ainsi que les équipes qui l’entourent du travail accompli.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

C’est l’intelligence collective entre les deux chambres qui a permis de faire aboutir la commission mixte paritaire. Celle-ci a su concilier les positions des deux assemblées pour proposer des évolutions visant à clarifier encore davantage la mise en œuvre de la future loi.

Je souscris aux précisions apportées à la composition du conseil de surveillance : elles permettront notamment une nomination de ses membres explicitée et sécurisée. Je prends également acte de l’ajout d’un article rappelant la faculté pour le ministre de l’agriculture, mais aussi pour son collègue de la consommation, de prendre des mesures conservatoires afin de suspendre l’introduction, l’importation et la mise en marché en France de denrées alimentaires ou produits agricoles ou de fixer des conditions particulières avant de les autoriser. Je connais l’attachement de la Haute Assemblée à ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui est soumis à votre vote cet après-midi est un texte difficile, mais extrêmement important. Il ne tend aucunement à opposer économie et écologie, il vise à la souveraineté agroalimentaire et agricole de notre pays. Vous m’avez souvent entendu l’affirmer : à mon sens, s’il est un seul objectif qui doit être ardemment défendu au sein du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, c’est celui de la souveraineté.

Notre pays perd en souveraineté agroalimentaire, alors même que la période que nous vivons montre à quel point celle-ci est impérieuse ! Toute notre action doit être tournée vers cet objectif, car il n’y a jamais eu dans l’histoire – et il n’y aura probablement jamais dans le futur – de pays fort et de civilisation forte sans une agriculture forte.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

M. Julien Denormandie, ministre. Pour que notre pays soit fort, nous avons besoin d’une agriculture forte, permise par ces femmes et ces hommes qui, en cette période si particulière et à l’heure d’un nouveau confinement, continuent à travailler ardemment.

Marques d ’ approbation sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

Toute la chaîne alimentaire de notre pays a tenu pendant le premier confinement. Elle tiendra pendant ce nouveau confinement, grâce à celles et ceux qui se lèvent très tôt le matin et se couchent très tard le soir pour la faire vivre. Je me permets de vous associer, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’hommage que je tiens une nouvelle fois à leur rendre.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la grandeur de la démocratie réside dans le débat contradictoire. Sans surprise, nous allons une fois de plus réaffirmer notre opposition à ce texte. À l’issue des débats, nous restons plus que jamais convaincus que la solution aux difficultés économiques rencontrées par la filière de la betterave sucrière ne peut, en aucun cas, consister à réautoriser l’usage préventif de poisons, sur plus de 400 000 hectares.

Alors que la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a été votée voilà déjà quatre ans, ni l’État ni les filières n’ont pris leurs responsabilités pour amorcer la transition nécessaire à son application.

Même dans une situation d’urgence, des alternatives restaient possibles. En effet, le Gouvernement aurait pu davantage étudier la piste des mécanismes de compensation ou de mutualisation, auxquels par exemple l’Italie a eu recours.

De même, la France aurait pu combattre avec force, à l’échelle européenne, le principe de dérogations pour autoriser l’utilisation de certains produits phytopharmaceutiques, puisque, je le rappelle, la Commission européenne a estimé que ces dérogations restaient problématiques.

Par ailleurs, nous regrettons que le débat ait été tronqué à la suite d’une erreur de vote, ce qui nous a empêchés de présenter nos amendements. Nous considérons notamment qu’il aurait été nécessaire de préserver a minima les zones Natura 2000 ainsi que les parcs et réserves naturels de l’usage de ces dérogations. Nous aurions souhaité que la Haute Assemblée puisse se prononcer sur la protection minimale et essentielle de ces zones par un vote.

Encore une fois, nous restons convaincus que, face à des difficultés économiques réelles, il était possible de faire autrement. Ce texte ne fait qu’étendre la trop longue liste des renoncements aux ambitions fortes que nous devrions nourrir pour être à la hauteur de l’urgence écologique qui menace.

En effet, nos débats interviennent deux ans après la promulgation de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim, dont le bilan est tellement amer qu’hier, mardi 3 novembre, pour l’anniversaire de cette loi, trente syndicats et associations rendaient publique une analyse consacrant l’échec du texte à atteindre ses objectifs. Qu’il s’agisse du revenu des agriculteurs, de la relocalisation de l’alimentation, de la sortie des pesticides, nos réponses ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Nos débats interviennent également alors qu’au fil des négociations la réforme de la politique agricole commune (PAC) s’annonce décevante : son chapitre environnemental reste d’autant plus flou que rien ne garantit, à ce stade, que la réforme soit compatible avec le pacte vert européen.

Enfin, l’examen du projet de loi de finances pour 2021 laisse envisager, encore une fois, un manque criant de moyens pour le développement de l’agriculture biologique et de l’agroécologie, en particulier dans le domaine de la recherche.

Face à l’urgence du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, le temps presse. Des solutions existent, qui devraient être étudiées.

Ainsi, dans son rapport de 2018, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a montré qu’une Europe entièrement agroécologique, qui serait affranchie des intrants de synthèse et qui reposerait sur la polyculture, l’élevage et le déploiement de prairies naturelles, pourrait nourrir durablement 530 millions d’Européens en 2050.

Par conséquent, le débat sur les néonicotinoïdes est étroitement lié au choix de notre modèle agricole. Certains défendent le modèle actuel d’industrialisation de l’agriculture, ce qui reste parfaitement légitime. D’autres, de plus en plus nombreux, n’y croient plus et prônent, contre les excès du modèle actuel, un modèle agroécologique basé sur l’agriculture paysanne, pourvoyeuse d’emplois et capable de redynamiser les territoires ruraux.

En guise de conclusion, je précise que la fin de mon intervention précédente, la semaine dernière, dans cet hémicycle, était inspirée de Georges Brassens.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire s’est réunie, jeudi dernier, pour débattre du texte relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques, en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières. Nous nous félicitons qu’elle soit parvenue à un accord.

Les parlementaires ont su faire preuve de consensus face à l’importance des enjeux liés à la dérogation accordée à la filière betteravière sucrière. Ils ont également mesuré l’importance qu’il y avait à agir sans tarder non seulement pour sauver la filière, mais aussi pour sauvegarder notre souveraineté alimentaire nationale.

En effet, le choix que nous avons fait, dans cet hémicycle, le 27 octobre dernier, d’autoriser la possibilité de dérogations répond aux deux impératifs de la préservation de notre souveraineté alimentaire et de la transition agroécologique.

Encore une fois, puisque la pédagogie est l’art de la répétition, il ne s’agit en aucun cas de réintroduire les néonicotinoïdes, dont 92 % des usages préalables resteront interdits.

Il ne s’agit pas non plus d’une porte ouverte vers davantage de dérogations, puisque le texte les circonscrit aux seules betteraves sucrières. Il précise, en outre, clairement que les dérogations d’utilisation de produits phytopharmaceutiques ne seront possibles que sur décision commune des ministères de l’agriculture et de la transition écologique. Le comité d’évaluation des avancées de la filière aura un rôle essentiel : la dérogation sera circonscrite à la seule betterave sucrière et limitée dans le temps, jusqu’en 2023. Seul l’enrobage des semences sera possible, à l’exclusion de toute pulvérisation. Les semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs seront temporairement interdits après l’emploi de ces semences.

Ces derniers jours, nous avons entendu des propos qui minimisaient l’impact de la jaunisse sur les cultures betteravières et traitaient avec légèreté la perte des exploitants. Pourtant, au moment où le pays se reconfine, la préservation de nos richesses et champions nationaux est d’autant plus essentielle.

Au 20 octobre dernier, par exemple, selon les chiffres issus des délégués interministériels de la filière betterave-sucre-alcool, certaines pertes pouvaient atteindre de 70 % à 80 % de la production. J’entends déjà s’élever les contestations sur ces chiffres. S’il est vrai que la situation n’est pas homogène dans l’ensemble du territoire, devons-nous pour autant envisager le problème du côté du moins grave ?

Afin de préserver nos producteurs de la concurrence des pays extérieurs à l’Union européenne et des normes qui y sont applicables, la commission mixte paritaire a conservé l’article proposé par Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques, habilitant le pouvoir exécutif à suspendre ou à fixer les conditions particulières à l’introduction, l’importation et la mise sur le marché, en France, de denrées alimentaires ou de produits agricoles qui contiennent des substances interdites sur notre sol. Dans la droite ligne de l’article 44 de la loi Égalim, il interdit l’importation, la circulation et la vente des produits qui ne respectent pas les normes de production françaises.

En effet, nos concitoyens ont des exigences nouvelles au sujet des produits qu’ils consomment. Cependant, les agriculteurs utilisent les produits phytosanitaires, non par plaisir, mais pour protéger leur production, dont le coût doit leur permettre de faire face à la concurrence. Il n’est donc pas possible, à moins de renoncer à toute forme de concurrence libre et non faussée, de leur imposer de nouvelles normes sans interdire la commercialisation des produits qui ne respectent pas scrupuleusement ces normes.

Par conséquent, l’article 44 de la loi Égalim doit s’appliquer à l’échelon européen et doit devenir la règle incontournable de l’ensemble des négociations commerciales internationales, grâce aux contrôles très stricts qui seront mis en place.

Cette garantie est essentielle pour les agriculteurs : il faut harmoniser les normes de production à l’échelle européenne. Le récent accord que vous avez obtenu dans la négociation de la politique agricole commune, s’inscrit tout à fait dans cette exigence, monsieur le ministre.

C’est donc pour assurer la nécessaire préservation de notre souveraineté agricole et alimentaire et pour accompagner les agriculteurs dans la transition écologique, sans en rester au stade de l’incantation, que le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, dans sa majorité, votera ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’ai indiqué la semaine dernière, je regrette d’abord la méthode employée par le Gouvernement, car il est incompréhensible pour nos concitoyens que l’on revienne sur une loi. Cela n’arriverait pas si des études d’impact solides étaient menées.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Quel message adresse-t-on à nos concitoyens ? À l’heure où la défiance envers les gouvernants n’a jamais été aussi profonde, où l’Europe s’engage dans une PAC plus verte, où les débats sur le réchauffement climatique sont forts, où l’opinion publique souhaite que nous favorisions une agriculture plus vertueuse, ce texte ne peut apparaître que comme un mauvais signe, en complet décalage avec les attentes de la société.

Je regrette ensuite que le débat n’ait pas davantage porté sur l’enjeu fondamental que représente la place de la filière sucrière française dans un contexte mondial très concurrentiel.

Je regrette enfin que les acteurs de cette filière, qui savaient pourtant que la situation deviendrait de plus en plus difficile, n’aient pas montré, depuis 2016, leur volonté de changer de paradigme, pour développer une stratégie plus ambitieuse et différente de leurs concurrents. À terme, personne ne l’ignore, les betteraviers ne pourront pas tenir face à une compétitivité agressive et à une production de plus en plus intensive et à bas coût.

Si nous avions eu ce débat de fond, nous aurions pu coconstruire des propositions pour pérenniser la filière. Au contraire, le texte prévoit une dérogation qui ne servira qu’à poursuivre la stratégie actuelle. Alors que l’enjeu était de préserver nos usines sucrières et leurs emplois, nous risquons de voir la filière finir dans le mur, si nous poursuivons dans cette voie.

Monsieur le ministre, vous semblez craindre qu’en 2021 les agriculteurs ne sèment pas de betteraves et cassent la chaîne de la production. Or ils ne font que demander une garantie pour obtenir les rendements nécessaires à une certaine rentabilité. Pensez-vous vraiment que cette dérogation leur permettra d’être plus compétitifs à moyen et long termes ?

En France, les agriculteurs cèdent au choix de la facilité, qui consiste à traiter tous les hectares de manière préventive. De fait, face à une attaque sanitaire, il faut agir comme face à un incendie : on ne le maîtrise que si on l’attaque aux premières fumées ; si on le laisse prendre de l’ampleur, il se transforme en catastrophe écologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

L’Allemagne a, elle, dès le départ, privilégié la lutte ciblée par pulvérisation.

Je vous entends, monsieur le ministre, et je ne doute pas de votre volonté de faire au mieux, mais je crois que vous vous trompez. Vous vous laissez entraîner par des considérations économiques à court terme, au détriment d’enjeux écologiques et de santé publique de plus long terme. En outre, votre décision est inévitablement injuste pour les filières qui se trouvent dans la même impasse, même si leur importance économique est moindre, qu’il s’agisse des cerises ou des noisettes, attaquées par des parasites, ou bien encore des vignes ou d’autres filières qui n’ont pas véritablement d’alternatives.

La seule solution, c’est de produire autrement, de s’inscrire dans l’agroécologie, vous l’avez dit, monsieur le ministre, de viser un marché de qualité et de changer de mode de production. Pour autant, nous risquons d’être les grands perdants de l’économie mondiale, car nos modes de production intensive seront toujours moindres que d’autres qui vendront toujours à prix plus bas. Voilà pourquoi il faut prendre en compte ce critère si l’on veut aider la filière à passer le cap de la transition écologique et à construire un avenir pérenne.

Je reste convaincu que cette dérogation n’est pas la bonne solution, mais la commission mixte paritaire est parvenue à un accord, de sorte qu’il faut désormais envisager l’avenir.

Monsieur le ministre, il est essentiel que la filière s’attache à élaborer un plan stratégique solide, pour qu’à la fin de cette autorisation ponctuelle les producteurs n’aient plus besoin d’avoir recours aux néonicotinoïdes, ni à aucune autre dérogation.

Nous sommes prêts à travailler à vos côtés afin de construire ensemble la stratégie de demain et de poursuivre une réflexion positive dans l’intérêt général.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une majorité du Parlement vient de réautoriser, en commission mixte paritaire, l’usage des néonicotinoïdes dans la filière betteravière, pour une durée de trois ans. Nous nous y étions opposés en première lecture, aucun parmi vous ne s’étonnera donc que nous votions contre les conclusions de cette commission mixte paritaire.

Personne n’a remis en cause la toxicité des néonicotinoïdes. Pas même vous, monsieur le ministre ! Nous allons pourtant réautoriser, après l’avoir interdit, un produit toxique non seulement pour la santé, notamment celle des agriculteurs, mais aussi pour la biodiversité, en particulier pour les abeilles – je vous ai alerté sur ce sujet en première lecture : il vous faudrait rassurer les 54 000 apiculteurs que la mesure inquiète fortement –, et pour nos sols, en vérité, pour l’ensemble de la planète !

Pour la première fois, nous allons réautoriser un produit toxique. Tout d’abord, cela contrevient à la Charte de l’environnement et au principe de non-régression, que l’on peut considérer comme un « conquis » du droit environnemental.

Ensuite – et l’argument est sans doute très dur à entendre pour nous, pour vous et, à dire le vrai, pour l’ensemble du personnel politique –, cette mesure revient sur une parole publique et politique qui a été donnée dans un autre texte. Comment comprendre, en effet, que Mme Barbara Pompili, qui a été l’une des chevilles ouvrières de la loi de 2016, lorsqu’elle était députée, cautionne désormais, en tant que ministre, ce texte ? Monsieur le ministre, laissez-moi vous redire qu’elle aurait dû être à vos côtés, au banc des ministres, lors de la première lecture, pour assumer avec vous cette réautorisation.

M arques d’ approbation sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Quelle transition écologique voulons-nous ? De ce point de vue, cette réautorisation est un échec. Trois ans suffiront-ils pour proposer aux agriculteurs une alternative viable, alors que rien n’a été fait depuis quatre ans ? Tout dépendra des moyens qui seront investis pour réussir la transition écologique. Or les 50 millions d’euros que le Gouvernement prévoit de consacrer aux haies – alternative sur laquelle je ne reviens pas, pour en avoir beaucoup parlé en première lecture – dans le prochain plan de relance risquent de ne pas être suffisants. Quelles garanties pour permettre la transition écologique ?

En outre, monsieur le ministre, cela pose un problème constitutionnel sur lequel vous n’êtes pas parvenu à lever le doute. Éliane Assassi a déposé en première lecture une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, s’appuyant notamment sur le principe d’équité. Que répondrez-vous aux acteurs des autres filières – noix, noisettes, lentilles…

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

… ou maïs – qui vous demanderont les mêmes autorisations ?

Pour conclure, monsieur le ministre, je regrette que le débat n’ait fait qu’effleurer ce qui constitue l’enjeu central pour la filière betterave, à savoir la libéralisation du marché. Certes, il n’y a là rien de votre fait, hormis que, depuis 2017, la fin des quotas sucriers a entraîné la suppression du prix plancher et que la baisse des prix s’est répercutée sur le revenu des agriculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Voilà bien un échec de la libéralisation.

Le groupe CRCE continuera de proposer des solutions pour garantir un revenu décent aux agriculteurs tout en favorisant une agriculture qui respecte l’environnement et les êtres humains. Par conséquent, il votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord de sagesse sur un texte qui a pour enjeu la survie de la filière betterave. Doit-on conserver, en France, une production de sucre, alors que la concurrence mondiale est exacerbée et que des virus menacent les cultures ?

Le débat nous a permis d’aboutir à une solution de sagesse et d’introduire un certain nombre de précautions qui devraient satisfaire nos collègues, notamment M. Labbé. Nous avons ainsi veillé à ce que tous les acteurs soient représentés au sein du conseil de surveillance, élus ou membres de la profession, afin que cette instance puisse apporter des garanties efficaces quant à la durée de la dérogation et à son périmètre, strictement limité aux besoins d’une culture en péril.

La France ne peut pas se passer d’une agriculture suffisamment solide pour tenir son rang dans la concurrence internationale. Certains rêveraient d’une production complètement protégée, à l’abri du reste du monde. Or la France fait partie de l’Union européenne, qui a signé des accords commerciaux avec des pays tiers, de sorte que son agriculture est forcément soumise à la concurrence.

La difficulté dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui vient de ce que la suppression des néonicotinoïdes a été introduite par voie d’amendement dans un texte précédent, sans véritable étude d’impact pour justifier la mesure et pour envisager les possibilités de produits ou de méthodes de substitution.

Par conséquent, à défaut d’avoir pu trouver des moyens alternatifs, nous n’avons pas réussi à maintenir la suppression des néonicotinoïdes. Il s’agit là d’un échec, mais la législation ne peut pas ne pas tenir compte des réalités techniques.

En revanche, ce texte est un succès en ce qu’il conforte l’article 44 de la loi Égalim et interdit l’importation de produits alimentaires utilisant des composants interdits en Europe. Le scandale de la graine de sésame importée en Europe avec une teneur en pesticide mille fois supérieure à ce que les normes sanitaires européennes admettent est à ce titre un exemple flagrant.

Il n’est pas tolérable que des produits puissent ainsi entrer en France et en Europe, au mépris des normes et des interdictions. De telles méthodes signeraient la mort de l’agriculture française. Les exemples ne manquent pas : on importe ainsi 40 % du poulet qui est consommé en France, alors même que les conditions dans lesquelles il est produit ne correspondent pas aux normes sanitaires qui prévalent dans notre pays.

M. le ministre acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Par-delà les interdictions, ne pas fixer de règles du jeu à même de protéger l’agriculture française reviendrait à condamner cette dernière.

Il faut aller de l’avant ! Toute l’agriculture est concernée, qu’elle soit conventionnelle, de conservation, voire biologique, car même les agriculteurs bio sont parfois contraints d’utiliser des insecticides.

Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Bien sûr que si ! En France, la réglementation de l’agriculture bio autorise deux insecticides et l’un d’entre eux détruit tout, même s’il n’a pas de rémanence.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Relisez vos classiques !

Les agriculteurs bio utilisent le cuivre et le soufre, notamment pour les fruits et la vigne.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Ils consomment du plastique en quantité industrielle : plus aucun maraîcher bio ne peut se passer des serres en plastique ou des filets de protection contre les insectes.

Plutôt que de nous opposer sur des doctrines dépassées, il est temps de travailler ensemble, en bonne intelligence, pour développer une agriculture qui préservera l’environnement et confortera la qualité des produits. À défaut, la France n’aura plus d’agriculture.

Dans mon territoire, nous avons déployé un site Natura 2000, sur 20 000 hectares, grâce à l’action conjointe de tous les acteurs qui se sont réunis autour d’une table, que ce soit la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), les écologistes ou les agriculteurs. Cette zone est aujourd’hui une réussite exemplaire pour la protection des oiseaux, qui n’aurait pas vu le jour sans cette réflexion commune sur la préservation de l’environnement, la place de l’agriculture et les besoins des Français.

Nous ne ferons pas avancer le schmilblick en racontant des choses fausses !

Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Il est urgent de développer la recherche pour que des gens compétents accompagnent davantage les agriculteurs.

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Monsieur Louault, le fait que nous ne soyons pas d’accord ne signifie pas forcément que je dis des choses fausses !

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord. Même si le Parlement doit faire face à une actualité chargée, entre l’urgence sanitaire et les exigences du calendrier budgétaire, ce texte ne doit pas pour autant être traité avec légèreté. Avant de l’adopter, nous devons mesurer l’étendue de la brèche qu’il ouvre dans notre législation.

De très nombreux acteurs agricoles et économiques ont, malgré leurs réticences, appliqué l’interdiction des néonicotinoïdes. Ils se sont saisis des quatre années de transition pour revoir leurs pratiques et rechercher des alternatives. Quel message leur envoyons-nous : qu’en s’abstenant de tels efforts, ils auraient pu obtenir de pouvoir déroger à la loi ?

Plus largement, un tel retour en arrière est un précédent redoutable pour toutes nos prochaines législations environnementales.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement ne tourne pas seulement le dos au long processus qui a conduit à la loi de 2016 sur la biodiversité, il enterre aussi un principe fort, inscrit depuis 2005 dans notre loi fondamentale, au sein de la Charte de l’environnement : « Les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins. »

Je ne reviens pas sur les éléments scientifiques qui montrent à quel point les néonicotinoïdes compromettent la biodiversité. Depuis leur introduction dans notre pays, 300 000 ruches sont anéanties chaque année, 85 % des populations d’insectes et un tiers des oiseaux des champs ont disparu.

Certes, on ne saurait nier les « besoins du présent » auxquels ce texte prétend répondre. Il convient d’aider, sans délai, une filière qui craint une baisse de 15 % de son volume de production en 2020, en raison de la crise de la jaunisse de la betterave. Pour autant, la réponse à ce besoin immédiat ne peut évidemment pas être l’utilisation de produits qui n’auront d’effet que sur la prochaine récolte.

Comme pour d’autres filières confrontées à des catastrophes, la création d’un fonds de solidarité destiné à compenser les pertes serait bien plus adaptée. Nous le chiffrons à environ 100 millions d’euros.

Il faudra également soutenir cette filière à moyen et long termes, car elle connaît de lourdes difficultés depuis quatre ans, qui sont les conséquences de la suppression des quotas sucriers et du prix minimum garanti.

Les premières fermetures d’usine et suppressions d’emploi ont eu lieu alors que les néonicotinoïdes étaient encore utilisés par les betteraviers. Comment croire alors que leur réintroduction sera une réponse à des difficultés d’ordre structurel ?

Selon nous, une réponse à la hauteur des enjeux consisterait plutôt à accompagner la filière vers une montée en gamme de la production sucrière, une véritable structuration et la mise en œuvre de pratiques agriculturales adaptées pour faire face aux ravageurs.

Ainsi, même au prix d’une régression environnementale qui fera précédent, ce projet de loi ne répond ni aux besoins immédiats ni aux besoins profonds de la filière betterave-sucre.

La Constitution prévoit que « la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ». Or ce texte ne fait que consacrer l’environnement comme une simple variable d’ajustement de problématiques économiques.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, à une exception, votera contre ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

M. Pierre-Jean Verzelen . Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis élu du département de l’Aisne, premier département producteur de betteraves sucrières en France. Pour aggraver mon cas, je précise que mon père est agriculteur… et betteravier !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Je peux donc témoigner de ce qu’il s’est passé cette année, en comparaison avec les années précédentes. Il y a deux ans, le tracteur sortait une seule fois pour semer ; cette année, il est sorti quatre fois, une fois pour semer et trois fois pour traiter avec des pesticides et des insecticides. Je ne suis donc pas du tout convaincu que la biodiversité ait été mieux préservée qu’auparavant. En revanche, je suis certain que le bilan carbone est pire que les années précédentes !

La profession agricole a conscience de la nocivité des résidus : elle connaît bien cette difficulté. Néanmoins, il n’y a pas d’autre solution sur la table aujourd’hui et la réalité, c’est celle que je viens de vous décrire.

Il faut également prendre en compte la dimension économique. Imaginons que l’on continue sans les néonicotinoïdes : comme on n’a pas d’autre solution, la production, loin de seulement baisser, s’effondrera dans certains territoires ! §Par conséquent, les agriculteurs, les sucreries et la filière économique en général ne seront plus en mesure de produire pour que les Français consomment et, comme ceux-ci n’arrêteront pas de consommer du sucre, nous importerons, très tranquillement, la production de nos pays voisins et de nos concurrents, qui utiliseront les néonicotinoïdes. Cela n’a pas de sens !

Nous trouvons donc cette décision responsable. C’est une solution transitoire et équilibrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Je souhaite maintenant dire un mot sur la recherche, monsieur le ministre. Il est important de mettre, à l’échelle tant nationale qu’européenne, la pression sur les industriels et les semenciers et sur leurs services de recherche, afin qu’ils n’aient pas en tête que nous allons aller de dérogation en dérogation : qu’ils sachent qu’un jour viendra où tout cela s’arrêtera. Il faut leur demander de travailler, de s’investir sur le sujet, c’est extrêmement important.

L’article 4 du projet de loi permet de fixer les conditions permettant de suspendre l’importation et la commercialisation de produits lorsque les critères sanitaires appliqués en Europe et en France ne sont pas respectés. La réalité juridique est beaucoup plus compliquée, je le sais. Néanmoins, on a mis un pied dans la porte et il ne faut pas la laisser se refermer, parce que cette mesure est pleine de bon sens. C’est un sujet majeur, certains l’ont indiqué, pour que l’agriculture réussisse dans notre pays.

Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme la président e . La parole est à M. Laurent Duplomb.

M. Jean-Raymond Hugonet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien entendu, le groupe Les Républicains votera les conclusions de la commission mixte paritaire, comme il a voté le projet de loi la semaine dernière.

Je commence mon intervention par « bien entendu », parce que cette expression contient « entendu », qui est, selon moi, le mot le plus important de ce projet de loi. En effet, pendant trop d’années, l’agriculture n’a pas été entendue, en proie à des oppositions que les agriculteurs ne pouvaient pas comprendre.

Vous l’avez souligné, monsieur le ministre : comment expliquer à un agriculteur qui, quatre-vingts heures par semaine, travaille dur que tout ce qu’il fait depuis des années ne correspond finalement pas à ce que l’on voudrait qu’il fasse ? Le forcer à faire ce qui lui semble contraire au bon sens, lui qui sait pertinemment qu’en s’engageant dans cette voie il disparaîtra, suscite chez lui de l’incompréhension, un sentiment d’injustice et l’impression de subir des mauvais traitements, qui vont au-delà de tout ce que l’on peut dire sur le bien-être animal !

Exclamations sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Je le ressens tous les jours ! Et vous ne pouvez pas dire le contraire, monsieur Tissot ! L’agribashing n’a pas de corps, parce qu’il n’a rien d’opposable, rien. J’en veux pour preuve cette problématique des néonicotinoïdes : elle est partie d’un amendement qui s’est glissé dans une loi, on a poussé une idée, mais, au bout du compte, on est obligé de revenir dessus.

Du reste, ne l’oublions pas : nous revenons dessus non pas parce que nous avons envie d’utiliser des néonicotinoïdes, mais parce que nous constatons la réalité sur le terrain, tout simplement. Je vous remercie d’ailleurs de vous être déplacé, monsieur le ministre, ainsi que la présidente de la commission des affaires économiques, pour pouvoir montrer à ceux qui ne le vivent pas, qui ne sont pas dans ce métier, qui n’ont pas l’habitude d’être chaque jour dans les champs, combien cela est insupportable.

Nous sommes des entrepreneurs. Notre profession fait ce que peu d’autres professions font. Chaque année, nous semons sans jamais être sûrs de récolter, à cause de phénomènes indépendants de notre volonté – le climat ou d’autres événements qui s’imposent à nous.

Comment dire à un agriculteur, qui connaît les produits à utiliser et qui, depuis des années, fait tout pour en diminuer l’usage afin de répondre aux attentes sociétales parfois légitimes, qu’il ne pourra plus les utiliser et qu’il devra les regarder sans y toucher, tout en voyant ses voisins, dans les autres pays, y recourir et le concurrencer sur ses marchés ? Qui accepterait cela ? Quelle profession ? Personne !

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Et la seule solution de rechange qu’on lui propose pour remplacer certains produits – je ne citerai pas de nom pour ne pas relancer le débat –, c’est de revenir à la pioche… C’est insupportable !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

M. Laurent Duplomb. Si vous voulez rentrer dans le débat, prenons l’exemple du glyphosate. Pour certaines cultures, on le sait – ce n’est pas moi qui le dis, c’est un rapport de l’Assemblée nationale rédigé par des députés issus de plusieurs bords politiques –, quand on veut traiter certaines adventices sans glyphosate, on est dans l’impasse totale ; la seule option qui reste, c’est le retour à la pioche !

M. François Bonhomme s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Monsieur Tissot, vous le savez, pour le chardon, par exemple, la réalité, c’est le binage à la main !

M. Jean-Claude Tissot s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Pourquoi n’arrivons-nous pas, dans cet hémicycle, nous qui sommes pourtant des gens de bon sens, nous qui ne sommes pas des diplômés de grandes écoles parisiennes n’ayant pas vécu la réalité du terrain, à poser sereinement le débat, comme Pierre Louault l’a dit, non pas en laissant les idéologies s’affronter, mais en considérant les choses de façon pragmatique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

(Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.) Non, elle ne subsistera pas, le ministre et tous ceux qui connaissent cette filière l’ont indiqué : si nous poursuivons dans la logique imposée depuis deux ans, la filière betteravière française disparaîtra !

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

La question n’est pas d’être d’accord ou non ! La réalité s’impose à tout le monde ! Qui peut prétendre que la filière betteravière peut subsister si l’on continue dans la même logique ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

C’est la réalité ! On peut s’enfermer dans les incantations tant qu’on veut, mais c’est la réalité !

Par conséquent, ne pourrait-on pas se dire que, à partir de ce projet de loi, on revient à un débat posé, raisonné et raisonnable ? Ne peut-on enfin avoir une vision plus juste des agriculteurs, plus proche de la réalité ? Voilà ce que je défends sans cesse… Qu’on arrête les procès d’intention ! Un agriculteur n’utilise pas ces produits pour le plaisir : à la fin du mois, il gagne à peine sa vie !

M. Joël Labbé s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

J’entendais Henri Cabanel nous dire que la France n’était plus compétitive, mais c’est totalement faux ! §Sinon vous n’exporteriez pas votre vin, mon cher collègue, et l’on n’exporterait pas de lait ! Si l’on peut exporter du lait, c’est grâce à notre compétitivité par rapport aux pays moins capables de produire, grâce à notre savoir-faire.

À force de critiquer notre propre agriculture, quelle image envoie-t-on à l’étranger, à tous les pays qui rêveraient d’avoir notre agriculture, à tous les consommateurs qui rêveraient de manger les mêmes produits que nous ? C’est que nous sommes des enfants tellement gâtés que nous estimons que ce que nous mangeons, ce que notre agriculture produit, est plus dégueulasse que dans n’importe quel autre pays du monde !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Qui taperait sur son porte-monnaie, qui taperait sur sa fierté, qui taperait sur une profession qui ne compte pas ses heures, comme nous sommes en train de le faire ? Voilà l’enjeu de ce projet de loi, au-delà des néonicotinoïdes et de la betterave !

D’ailleurs, c’est pareil pour toutes les cultures : l’arboriculture, la pomme ou la cerise !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

On ne mange plus aujourd’hui de cerises françaises : il n’y en a plus ! On a supprimé tous les moyens de lutte, on n’a plus rien pour combattre les araignées et autres nuisibles qui s’attaquent aux cerisiers. Celui qui veut manger des cerises mange des cerises turques, qui sont bourrées de tout ce que l’on a interdit chez nous…

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Exactement ! Et c’est pareil pour les noisettes turques !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Si nous étions intelligents et si nous cessions ce débat, que ferions-nous ? Nous instaurerions ce principe : il faut utiliser les produits de la façon la plus raisonnée possible. C’est d’ailleurs ce que l’on fait déjà sur une partie de nos produits. Mon beau-père versait sur son maïs quatre litres d’atrazine à l’hectare.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

On n’en met plus, en effet. C’est bien qu’on a su évoluer !

Donner du temps aux agriculteurs, faire en sorte qu’ils soient entendus et un peu plus respectés, c’est aussi leur donner les moyens d’évoluer.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Oui, mais il faut tenir compte de la nature et de notre travail. Si quatre ans ne suffisent pas, faut-il maintenir dogmatiquement cette durée ? Sachons évoluer, c’est le principe d’une dérogation.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

permettant d’utiliser certains produits dans des quantités infimes.

Ce qui nous oppose, c’est que beaucoup d’entre vous voudraient la suppression totale et l’interdiction de ces produits. Nous ne voulons pas en mettre des quantités importantes, nous voulons laisser la possibilité de les utiliser quand il y en a besoin, dans des situations définies le plus précisément possible, de façon la plus fine possible et dans des quantités les plus faibles possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

M. Jean-Claude Tissot. Nous sommes en désaccord !

MM. Guillaume Gontard et Joël Labbé applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Voilà comment nous devons évoluer et c’est dans cette direction que nous devons aller, avec les nouvelles technologies et l’intelligence embarquée.

Au-delà des dispositions qu’il contient, ce projet de loi montre que l’on a enfin entendu le cri d’alarme de tout le secteur agricole. On ne peut plus taper, comme nous l’avons fait pendant des années, sur des gens qui ont continué de faire vivre la France – vous l’avez dit, monsieur le ministre – pendant le premier confinement et qui le font encore pendant le deuxième, sur des gens qui sont sans cesse dans le labeur. Non seulement ils sont fiers de leur métier, mais ils en sont passionnés. À force de les critiquer sans arrêt, nous trouverons plus difficilement encore que ça ne l’est aujourd’hui les générations nécessaires pour les remplacer.

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier une fois encore : ce texte permet de revenir sur des débats fondamentaux, que nous devons avoir dans la plus grande objectivité. Rien n’est pire qu’un politique qui cède à la tentation du populisme.

Si l’on veut élever le débat, nous devons au contraire relever le niveau de tous ceux qui ne connaissent pas la question mais qui sont de plus en plus nombreux à s’y intéresser dans les villes, leur fournir des explications et des éléments d’éclairage, afin d’arrêter de prendre des décisions à l’emporte-pièce.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « c’est une triste chose de penser que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas », écrivait Victor Hugo.

Ce projet de loi est une défaite magistrale ; c’est une défaite sanitaire et environnementale. Ainsi, nous n’honorerons pas la promesse faite en 2016 de commencer à réparer le monde, à changer les pratiques agricoles en abandonnant les insecticides systémiques et en explorant d’autres voies, l’agroécologie par exemple, celles qui parient sur la diversité du vivant, en laissant opérer les petits artisans minuscules que la nature nous offre dans les écosystèmes, où tout est en interaction et en interdépendance et dont nous n’avons pas fini de découvrir la complexité et la richesse.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

C’est avec regret, monsieur le ministre, que je repense à votre souhait de voir se concrétiser une « écologie de l’action et du réel ». Une « écologie de l’action et du réel » ne consiste pas à revenir sur des avancées réelles, indispensables, en matière de droit de l’environnement. Une « écologie de l’action et du réel », c’est un changement ambitieux des pratiques, qui ne s’affranchit pas des recommandations sanitaires et qui sait écouter : écouter la nature, écouter les véritables besoins des agriculteurs, mais aussi écouter la communauté scientifique, qui est, sur ce point, unanime.

Le danger des semences enrobées de néonicotinoïdes est établi, avéré. Une étude récente de chercheurs du CNRS montre que l’imidaclopride est un produit toxique qui se diffuse largement hors des parcelles traitées. C’est un constat grave. Ces néonicotinoïdes se retrouvent à des taux très élevés, notamment dans les vers de terre, pourtant artisans essentiels de nos écosystèmes. On imagine facilement les effets délétères non seulement pour ces organismes, mais encore pour leurs prédateurs occasionnels que sont les oiseaux.

Vous vous apprêtez ainsi à acter la contamination généralisée des sols, censés être exempts de substances de synthèse. Sous les assauts répétés et corrosifs des néonicotinoïdes, les sols ne sont tout simplement plus vivants. Autoriser de nouveau ces produits revient à acter une baisse inévitable de la biodiversité.

Nous nous interrogeons aussi sur la portée politique de vos actes. Nos concitoyens sont de plus en plus préoccupés par la santé, la leur comme celle de l’environnement puisqu’elles sont liées. Quant aux scientifiques, ils s’inquiètent du peu de cas que nous, les politiques, faisons de ce qu’ils nous disent, notamment sur les impacts que peuvent avoir nos décisions sur la santé humaine.

Si nous n’avons pas le monopole de l’écologie, vous n’avez pas le don de la clairvoyance. Voter ce texte, c’est participer au déclin écologique et à une certaine forme de résignation économique. Vous faites le choix d’une solution court-termiste et de facilité. Nous n’entérinerons pas la réintroduction d’un poison dans le sol, pour la simple et bonne raison qu’il est une menace pour la chaîne du vivant.

Je finirai en citant Jean-Marie Pelt et Gilles-Éric Séralini qui disent, à propos de l’édifice compliqué du vivant : « nous sommes en train d’[…] ôter les briques les unes après les autres en ignorant les conséquences de ce démontage à l’aveuglette, qui brise un à un les liens unissant la chaîne des êtres vivants. »

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

I. – L’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le II est ainsi rédigé :

« II. – L’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances, précisées par décret, et des semences traitées avec ces produits est interdite.

« Jusqu’au 1er juillet 2023, des arrêtés conjoints des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement, pris après avis du conseil de surveillance mentionné au II bis, peuvent autoriser l’emploi de semences traitées avec des produits contenant les substances mentionnées au premier alinéa du présent II dont l’utilisation est interdite en application du droit de l’Union européenne ou du présent code. Ces dérogations sont accordées dans les conditions prévues à l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

« Dans des conditions définies par les arrêtés mentionnés au deuxième alinéa du présent II, le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs sont temporairement interdits après l’emploi de semences traitées avec des produits contenant les substances mentionnées au premier alinéa du présent II. » ;

2° Après le même II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis. – Il est créé un conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances. Ce conseil comprend quatre députés, dont au moins un député membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et un député membre d’un groupe d’opposition, et quatre sénateurs, dont au moins un sénateur membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et un sénateur membre d’un groupe d’opposition, nommés respectivement par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi que, notamment, des représentants des ministères chargés de l’environnement, de la santé et de l’agriculture, du Conseil économique, social et environnemental, d’associations de protection de l’environnement, des organisations syndicales à vocation générale d’exploitants agricoles, de l’interprofession apicole, de l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation, de l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologiques, des établissements publics de recherche et, sur désignation du président du conseil, en fonction de l’ordre du jour, des représentants de la production et de la transformation et de l’Institut technique de la filière concernée et, le cas échéant, le délégué interministériel pour la filière. Les membres de ce conseil exercent leurs fonctions à titre gratuit. Sa composition, son organisation et son fonctionnement sont fixés par décret.

« Le conseil mentionné au premier alinéa du présent II bis se réunit trimestriellement pour assurer le contrôle des avancées et de l’efficacité des tests en matière de recherche et de mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances, ainsi que la conformité de ces avancées au plan de recherche sur les alternatives aux néonicotinoïdes de la filière concernée par un arrêté de dérogation mentionné au deuxième alinéa du II. Dans le cadre de la procédure de dérogation prévue au même deuxième alinéa, il émet un avis sur les dérogations, dans le respect d’un délai déterminé par décret, et assure le suivi et l’évaluation de leurs conséquences, notamment sur l’environnement, et de leur incidence économique sur la situation de la filière. Le conseil émet un avis et suit l’état d’avancement du plan de prévention proposé par la filière concernée, en veillant à ce que soient prévues les modalités de déploiement des solutions alternatives existantes en conditions réelles d’exploitation.

« Ce conseil publie un rapport annuel, remis chaque année avant le 15 octobre au Gouvernement et au Parlement. »

II. – Le 1° du I entre en vigueur à une date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du II de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, et au plus tard le 15 décembre 2020.

La section 6 du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 253-8-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 253 -8 -3. – Les arrêtés mentionnés au deuxième alinéa du II de l’article L. 253-8 ne peuvent autoriser que l’emploi de semences de betteraves sucrières. »

(Supprimé)

L’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les ministres chargés de l’agriculture et de la consommation peuvent, dans le respect des articles 53 et 54 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, prendre des mesures conservatoires afin de suspendre ou de fixer des conditions particulières à l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France de denrées alimentaires ou produits agricoles mentionnés au premier alinéa du présent article. »

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Je ne reviens pas sur les risques constitutionnels de ce texte. Je m’attarderai en revanche sur la régression environnementale que cela représente et qui aura des conséquences lourdes et attestées pour les abeilles et pour l’ensemble de la biodiversité.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué que la récolte de miel de cette année avait été bonne. Reste qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. La récolte a été bonne, mais à quel prix ? Les abeilles meurent, on doit sans cesse trouver de nouvelles reines – je suis apiculteur amateur, je sais de quoi je parle – et, peu à peu, elles disparaissent.

Décidément, la défense de la biodiversité et la santé des agriculteurs et des consommateurs ne font pas le poids face à quelques tonnes de betteraves à l’hectare. C’est une reculade lourde de sens et de conséquences… Mes chers collègues, nous vous aurons alertés. La boîte à dérogations est ouverte.

Demain, grâce à l’agriculture hyperconnectée, vous enverrez vos drones polliniser les cerisiers, monsieur le ministre. Il s’agit d’une nouvelle illustration de vos choix politiques : vous êtes parfaitement conscient de la nocivité du produit, mais vous le réintroduisez malgré tout. Pourquoi ? Pour conforter la filière française dans une course sans fin à la compétitivité ? Pour privilégier le rendement maximal et le court terme ? Votre responsabilité devrait consister à vous attaquer aux racines du problème avant d’en gérer les conséquences.

Deux ans après l’adoption de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim, et les états généraux de l’alimentation, je note que les principales ambitions de votre mandat pour la transition sociale et écologique du système agroalimentaire sont à la dérive, monsieur le ministre. Là où nous attendions des amorces de transition, nous constatons, au mieux, des statu quo, au pire, de nouveaux reculs, comme aujourd’hui avec les néonicotinoïdes.

Vous affirmez qu’il n’y a pas d’alternative. Bien sûr que si ! Des solutions existent, monsieur le ministre, mais c’est l’ensemble du paradigme qu’il faut changer. Votre monde est, au mieux, un monde désenchanté, au pire, un monde sans le vivant.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Je ne suis pas là pour faire des procès ni distribuer des satisfecit définitifs. Je rappellerai simplement à M. le ministre et aux collègues qui l’ignoreraient que la filière de la noisette est une filière d’avenir, notamment du point de vue nutritionnel.

Nos collègues Verts mettent en cause le sucre. Tout le monde connaît bien le débat sanitaire qui existe sur ce sujet, mais là n’est pas la question. Il s’agit d’une filière de 45 000 salariés qui était fragilisée. On ne se plaçait donc pas sur ce plan.

Une question se pose pour ce qui concerne la noisette. Nous importons chaque année près de 25 000 tonnes de noisettes, notamment des noisettes turques et des noisettes italiennes, lesquelles bénéficient d’une homologation européenne relative à l’usage de l’acétamipride, interdit pour les producteurs français depuis le 1er juillet dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Nous allons donc nous réveiller, dans quelques mois, au mois de février prochain ou un peu plus tard, avec une fragilisation de cette filière équivalente à celle qui a touché la filière betteravière.

Par conséquent, si l’on n’introduit pas un peu de cohérence, 3 500 producteurs seront frappés de plein fouet. Je prends donc date avec ceux qui ont des certitudes absolues en matière de biodiversité. J’espère que l’on n’en arrivera pas là ; en tout cas, on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Au terme de ce débat, je souhaite remercier l’ensemble des collègues, très nombreux, qui sont mobilisés sur ce texte, lequel a – Laurent Duplomb l’a excellemment souligné – une portée évidemment bien supérieure aux seuls articles sur lesquels nous allons maintenant nous prononcer. Je salue cette mobilisation et l’expression de ces convictions, même si nous ne sommes pas toujours d’accord. Cela fait partie du débat démocratique et c’est bien dans ce cadre qu’il faut rester.

Je remercie également les services du Sénat de leur implication et nos collègues de l’Assemblée nationale, avec lesquels nous avons bien travaillé.

Monsieur le ministre, je tiens à saluer votre écoute, comme celle de votre cabinet, qui a été constante dans la coconstruction de ce texte. Si tout en allait tout le temps ainsi entre le Parlement et le Gouvernement, avec cette écoute mutuelle, ce serait un bonheur.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

En guise de conclusion, au moment où le débat sur ce texte se termine, je tiens à m’associer aux remerciements de Mme la rapporteure.

Nous avons eu des débats de qualité sur des sujets compliqués. Ils ont permis de confronter des visions : c’est le propre d’une démocratie, nous n’étions pas tous d’accord sur tout, mais je crois que nous avons réussi à le faire en gardant un respect mutuel et en débattant sur le fond, ce qui correspond bien à l’image de la Haute Assemblée.

De tout cela, je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je profite également de ce moment pour m’adresser à tous les agriculteurs de France. Au moment où la République est parfois mise en cause, où les défis de notre société sont énormes, les agriculteurs font partie du ciment de la République : ils constituent le lien permettant à l’ensemble des Français et à la République de tenir, en dépit de toutes les difficultés.

Songez-y, il n’y a pas un agriculteur – pas un ! – qui s’est posé la question, au début de ce nouveau confinement, de savoir s’il devait ou non, le lendemain, retourner aux champs, travailler et récolter. Toutes ces femmes, tous ces hommes forment le ciment de la République ; il ne faut surtout pas l’oublier, il faut leur rendre hommage.

Ensuite, et je fais miens les propos qui ont été tenus : les agriculteurs ont un métier ô combien compliqué, ils travaillent ardemment et ce sont des entrepreneurs du vivant, qui nourrissent le peuple français.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

Or être un entrepreneur du vivant, c’est ce qu’il y a de plus difficile.

En effet, le sénateur Duplomb l’a rappelé, en tant qu’entrepreneur, on prend beaucoup de risques, mais on les accepte et on essaie de les minimiser. Il y a des risques auxquels on est inévitablement confronté – le temps qu’il fait – et des risques que l’on tâche de minimiser – le travail du sol, car le sol est un trésor, un actif. En même temps, un entrepreneur du vivant a, face à lui, le vivant. Or le vivant, c’est la temporalité, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus compliqué.

Ces entrepreneurs du vivant, qui ont la plus belle des missions, celle de nourrir le peuple français, ont chevillé au corps le fait d’être pétris de convictions sans jamais être pétris de certitudes. Être pétri de convictions, c’est désirer cette transition agroécologique et vouloir avancer ; ne jamais être pétri de certitudes, c’est considérer que l’on peut parfois être confronté à des impasses, que le temps dont on dispose n’est pas celui de l’émotion et des réseaux sociaux. La certitude empêche de se remettre en question, quand la conviction fait avancer, au travers de questionnements permanents.

Que ces entrepreneurs du vivant, pétris de convictions et qui nourrissent le peuple français, soient honorés cet après-midi devant la Haute Assemblée.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Personne ne demande plus la parole ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 15 :

Nombre de votants341Nombre de suffrages exprimés313Pour l’adoption183Contre 130Le Sénat a adopté définitivement.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » (texte de la commission n° 90, rapport n° 89).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 28 octobre dernier, la commission mixte paritaire est parvenue à un texte commun sur la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

Cet accord, qui est le fruit d’échanges nourris avec notre collègue députée Marie-Christine Verdier-Jouclas, auteure et rapporteure du texte pour l’Assemblée nationale, et avec le Gouvernement, devrait nous conduire à adopter, une dernière fois en ce qui nous concerne, cette proposition de loi.

Malgré l’effet de loupe médiatique qui a fait porter l’essentiel des débats sur son titre II, relatif à la prolongation et à l’extension de l’expérimentation « zéro chômeur de longue durée », le titre Ier, qui vise à appliquer certaines mesures du pacte d’ambition pour l’insertion pour l’activité économique, et le titre III, qui contient diverses mesures d’ordre social, ne sont pas moins importants à mes yeux.

Les apports du Sénat tendant à préciser le cadre de l’expérimentation de l’expérimentation « zéro chômeur de longue durée » et à renforcer les exigences liées à son évaluation ont été conservés.

Le Sénat s’était opposé à ce que la participation des départements au financement de l’expérimentation soit obligatoire et fixée par décret. Ce point s’est révélé la divergence la plus difficile à surmonter, l’Assemblée nationale souhaitant laisser au Gouvernement la possibilité d’imposer par décret le montant de la participation exigée des départements.

De notre côté, il ne nous avait pas paru acceptable que les départements puissent être tenus de participer financièrement, à hauteur d’un montant encore inconnu, à une expérimentation créée par l’État et résultant de la volonté de territoires. Le compromis auquel nous sommes parvenus consiste à accepter que la participation financière des départements soit déterminée par décret, mais à faire de l’accord du président du conseil départemental un prérequis pour qu’un territoire soit candidat à l’expérimentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Sur proposition de l’Assemblée nationale, nous avons plafonné le montant maximal que le décret pourra imposer. Ce plafond est particulièrement élevé, puisqu’il s’établit au niveau du revenu de solidarité active (RSA) pour chaque personne embauchée, qu’elle ait précédemment été allocataire du RSA ou non. Il n’apparaît donc pas à mes yeux comme une garantie et il reviendra à chaque département d’apprécier si la participation à cette expérimentation est cohérente avec sa politique en matière d’insertion.

Par ailleurs, le texte de la commission mixte paritaire permet au Gouvernement de déroger par décret au nombre maximal de territoires pouvant être habilités.

J’ai eu l’occasion de dire que le nombre de soixante territoires était bien plus élevé que le nombre maximal de territoires devant être envisagés par la proposition de loi que préconisait le comité scientifique. Je rappelle que, pour celui-ci, l’entrée dans le dispositif de trente nouveaux territoires constituait un maximum.

J’espère que, si le nombre de soixante territoires expérimentateurs est un jour atteint, les demandes de dérogation qui pourront être adressées au Gouvernement seront examinées avec rigueur s’agissant du respect du principe de non-concurrence entre les entreprises à but d’emploi (EBE) et les entreprises locales, notamment celles de l’économie sociale et solidaire, et que le travail d’évaluation continuera à se poursuivre avec attention et objectivité.

J’en viens au volet relatif à l’insertion par l’activité économique (IAE). Le Sénat, tout en approuvant globalement les mesures pragmatiques proposées par le texte, a apporté des améliorations visant à répondre aux interrogations des acteurs de terrain. Le texte de la commission mixte paritaire reprend l’ensemble de ces apports.

Ainsi, le texte prévoit la possibilité, rétablie par le Sénat, de déroger, à titre exceptionnel, pour les salariés seniors rencontrant des difficultés particulières, à la durée maximale de vingt-quatre mois de renouvellement des CDD au-delà de l’âge de 57 ans, en complément de la faculté de conclure un « CDI inclusion senior », dans les entreprises d’insertion, les ateliers et chantiers d’insertion et les associations intermédiaires. Sur ce point de divergence, nos discussions avec l’Assemblée nationale nous ont permis de rapprocher nos points de vue.

Les précisions apportées à la procédure du « Pass IAE », à l’article 1er, figurent à l’identique dans le texte de la commission mixte paritaire, comme l’équilibre trouvé par le Sénat à l’article 2 ter concernant la possibilité pour le préfet d’accorder des dérogations au plafond de 480 heures de mise à disposition applicable aux associations intermédiaires. À l’article 3 bis, le texte reprend les garde-fous apportés par le Sénat au cadre de l’expérimentation du « contrat passerelle », qui n’était pas accueillie favorablement par les réseaux de l’IAE. Nous avons introduit une condition d’ancienneté de quatre mois dans un parcours d’IAE pour les bénéficiaires, limité la durée de la mise à disposition à trois mois renouvelables et prévu de dispenser de période d’essai le salarié en cas d’embauche par l’entreprise utilisatrice, ce qui semble avoir rassuré les acteurs.

En complément de ce « contrat passerelle » et dans le même objectif de créer des ponts entre la structure d’insertion par l’activité économique (SIAE) et l’entreprise de droit commun, la commission des affaires sociales avait introduit, à l’article 3 ter A, un dispositif de « temps cumulé » visant à permettre une transition progressive entre un contrat d’insertion et un CDI ou un CDD à temps partiel. Ce dispositif a également été retenu par la commission mixte paritaire.

L’ensemble de ces mesures doit être envisagé en lien avec l’effort financier important consenti en faveur de l’IAE dans le cadre du plan de relance et de la « stratégie pauvreté » et devrait contribuer à soutenir les initiatives de terrain et à ouvrir le champ des possibles dans ce secteur. Nous saluons ces avancées, notamment sur le plan budgétaire.

J’en viens au titre III et à l’article 7, relatif à l’articulation avec les allégements généraux de cotisations sociales du « bonus-malus » de contributions d’assurance chômage portant sur les contrats courts. Je rappelle que la commission des affaires sociales avait supprimé cet article afin de réaffirmer son opposition au bonus-malus et de tenir compte de la concertation en cours sur la réforme de l’assurance chômage.

Ce dispositif étant déjà inscrit dans le droit et étant prêt pour une entrée en vigueur au début de l’année 2021, il a cependant paru préférable de rétablir l’ajustement proposé, faute de quoi l’application du bonus-malus serait préjudiciable aux entreprises, notamment les plus vertueuses. Cet article prévoit également d’exonérer les contrats d’insertion du bonus-malus, ce qui semble raisonnable.

Il est entendu que cela ne vaut pas approbation du principe du bonus-malus et je demeure convaincue, sur le fond, que ce n’est pas la solution appropriée pour lutter contre les abus du recours aux contrats courts.

À l’article 9 quater, l’expérimentation d’un contrat de professionnalisation « sur mesure », créée par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, sera bien prolongée de deux ans, comme l’a proposé le Sénat, pour permettre son appropriation par les SIAE.

Enfin, à l’article 9 quinquies, le Sénat avait introduit, sur l’initiative du Gouvernement, une expérience visant, en complément des initiatives existant déjà dans certaines branches, à encourager le dialogue social au sein des SIAE et à permettre une meilleure représentation des salariés en parcours d’insertion. La commission mixte paritaire a retenu une nouvelle rédaction de cet article, qui tend à prévoir, au lieu d’une instance de dialogue social ad hoc, la création d’une commission « insertion » au sein du comité social et économique (CSE), ce qui répond davantage aux attentes des partenaires sociaux. Ce dispositif aura l’avantage d’être moins lourd pour l’employeur, tout en remplissant les mêmes objectifs.

Enfin, je souligne qu’il appartient désormais au Gouvernement de mettre en œuvre rapidement les mesures que nous adoptons aujourd’hui.

Permettez-moi, madame la ministre, de terminer par un petit clin d’œil : en première lecture, j’avais débuté mon intervention, en demandant où en était la rédaction du décret d’application de la loi permettant d’offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l’épidémie de covid-19, que le Gouvernement nous avait demandé d’adopter en urgence l’été dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Force est de constater que cette loi n’a pas été mise en œuvre dans les délais utiles et que nous avons travaillé en vain.

Je suis persuadée qu’il n’en sera pas de même sur ce texte ! Dans cette attente, mes chers collègues, je vous invite aujourd’hui, au nom de la commission mixte paritaire, à adopter cette proposition de loi.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Colette Mélot applaudit également.

Debut de section - Permalien
Brigitte Klinkert

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en préambule, permettez-moi d’exprimer à la représentation nationale la solidarité du Gouvernement dans cette nouvelle phase de confinement.

Comme l’a dit le Premier ministre, nous devons redoubler d’attention pour les publics les plus fragiles et les plus éloignés de l’emploi. Pour eux, la solidarité nationale doit continuer à se déployer pleinement. Je pense tout d’abord aux jeunes, mais aussi aux demandeurs d’emploi de longue durée et aux personnes fragiles.

Dans ce nouveau contexte, les deux dispositifs renforcés par cette proposition de loi trouvent plus que jamais leur utilité.

Tout au long du processus parlementaire, un travail constructif a été mené par les députés et les sénateurs de tous les groupes : chacun a pu apporter sa pierre à l’édifice d’ensemble.

Je salue le travail remarquable de Mme le rapporteur de cette proposition de loi au Sénat, Frédérique Puissat, qui a permis un enrichissement très net du texte.

Je sais, madame le rapporteur, combien cette journée est, pour vous, importante à plus d’un titre, et je profite de l’occasion pour vous souhaiter un très bel anniversaire.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Brigitte Klinkert

Je note que le texte de la commission mixte paritaire reprend l’ensemble des apports du Sénat.

À son tour, la commission mixte paritaire a travaillé à l’équilibre définitif du texte, pour aboutir à une version qui respecte à la fois le « pacte d’ambition pour l’IAE » et l’esprit des fondateurs de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Les deux chambres ont su aboutir à un texte pragmatique, nécessaire, utile, émanant des acteurs de terrain. Je remercie donc la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 28 octobre dernier d’être parvenue à cet accord.

Nous avons abouti à un texte adapté aux circonstances. Aujourd’hui, son adoption finale est dans l’intérêt de tous et de tous les territoires.

Ce texte est, en effet, un bel objet en faveur de l’emploi pour tous et de l’égalité des chances. Vous le savez, il renforce deux très beaux outils, qui appliquent des méthodes complémentaires pour insérer dans l’emploi les personnes qui en sont les plus éloignées.

Le titre Ier est consacré au renforcement du secteur de l’insertion par l’activité économique. Les structures d’insertion par l’activité économique vont ainsi voir leurs règles de recrutement simplifiées, grâce à la suppression de l’agrément préalable délivré par Pôle emploi, ce qui leur permettra d’embaucher plus rapidement.

Le titre II a pour objet de prolonger et d’étendre l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Cette expérimentation se déploiera désormais dans soixante territoires, cinquante nouveaux venant s’ajouter aux dix premiers, qui sont reconduits.

Je salue le travail et la persévérance de Laurent Grandguillaume, président de l’association Territoires zéro chômeur de longue durée, de Michel de Virville et Patrick Valentin, qui en sont les vice-présidents, ainsi que le travail de Louis Gallois, président du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée.

Le titre III est quant à lui un titre de coordination et de mise à jour.

Pour chacun des trois titres de cette proposition de loi, la commission mixte paritaire a su apporter des avancées majeures.

Au titre Ier, consacré à l’insertion par l’activité économique, le texte issu de la commission mixte paritaire maintient le « CDI inclusion » destiné aux seniors, lequel apporte une sécurisation du travail de ces personnes jusqu’à leur retraite. Tout salarié d’une structure d’insertion par l’activité économique âgé de plus de 57 ans au moment du renouvellement de son parcours pourra se voir proposer un CDI, si sa situation ne lui permet pas de retrouver un emploi dans le secteur de droit commun.

Conformément à la volonté du Sénat, ce nouveau contrat coexistera avec les contrats à durée déterminée insertion, qu’il est possible de renouveler par dérogation à partir de 50 ans.

Au titre Ier encore, députés et sénateurs ont également su s’accorder pour doser l’encadrement de l’expérimentation du « contrat passerelle ». L’objectif est de permettre une transition progressive entre un contrat d’insertion et un CDI ou un CDD à temps partiel.

Sur ce sujet, nous saluons le travail d’écoute de Mme le rapporteur, qui a su aménager le « contrat passerelle » et introduire un dispositif complémentaire de « temps cumulé », afin de laisser aux acteurs le libre choix des outils.

Concernant le titre II et l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », la commission mixte paritaire a permis plusieurs apports décisifs.

Premièrement, la commission mixte paritaire a rétabli le caractère obligatoire du financement des départements, en revenant au texte de l’Assemblée nationale, mais en ajoutant deux points : la fixation par décret du niveau de cette participation et le plafonnement de celle-ci.

Nous entendons, bien sûr, les inquiétudes sur le niveau de dépenses que devront supporter les départements, raison pour laquelle nous travaillerons avec l’Assemblée des départements de France à la meilleure rédaction possible du décret.

Deuxièmement, la commission mixte paritaire précise que l’accord du président du conseil départemental est requis pour qu’un territoire se porte candidat à l’expérimentation.

Nous saluons l’accord et l’équilibre trouvés. Ils ont d’ailleurs été salués par l’association Territoires zéro chômeur de longue durée elle-même.

Cette solution préserve à la fois l’esprit même du texte et la compétence des départements en tant que chefs de file de la politique d’insertion dans les territoires. D’une part, nul ne pourra imposer aux départements de participer financièrement à une expérimentation qui serait incohérente avec la politique qu’ils définissent librement en matière d’insertion. D’autre part, conformément à leur compétence en matière d’insertion, il est cohérent que les départements participent au financement des expérimentations qui ont lieu sur leur territoire.

Respect de la compétence des départements et engagement de tous les acteurs de l’insertion dans les projets territoriaux : c’est tout l’équilibre qui a été trouvé en commission mixte paritaire, et que je salue.

Troisièmement, une augmentation dérogatoire du nombre de territoires, au-delà des soixante territoires prévus pour la prolongation et l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », est désormais possible par décret en Conseil d’État.

Conjointement avec le Gouvernement, la commission mixte paritaire est finalement parvenue à trouver une solution juridiquement satisfaisante, en permettant d’élargir le nombre de territoires au-delà de soixante si cela était nécessaire, comme Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, Élisabeth Borne, s’y était fermement engagée à l’Assemblée nationale.

Au titre III a été introduite une avancée majeure pour l’insertion par l’activité économique, à travers la mise en place d’un dialogue social pour les salariés en insertion, sous la forme d’une expérimentation de trois ans.

Les structures d’insertion par l’activité économique pourront mettre en place, au sein du CSE, une commission « insertion », qui débattra des conditions de travail des salariés en insertion et de la qualité des parcours proposés par les structures.

Les salariés en insertion pourront, enfin, prendre part à un véritable dialogue social, avec tous les intérêts que comporte un engagement syndical en termes de reconnaissance et d’émancipation pour la suite de leur parcours professionnel.

Je salue ici l’engagement de Mme le rapporteur Frédérique Puissat, qui a soutenu cette expérimentation lors des discussions en séance publique au Sénat, puis en a amélioré le contenu lors de la commission mixte paritaire.

Ce texte prouve la volonté du Gouvernement d’agir en faveur de l’emploi pour tous. Il s’inscrit dans une ambition plus large, visant à développer des solutions d’insertion dans l’emploi pour les personnes plus fragiles.

Dans le cadre de « France Relance » est prévue la priorisation de 35 000 places dans l’insertion par l’activité économique au bénéfice des jeunes.

En outre, conformément aux annonces récentes du Premier ministre sur les mesures de prévention et de lutte contre la bascule dans la pauvreté, en date du 24 octobre dernier, est également prévue l’ouverture de 30 000 places supplémentaires dans l’IAE.

Cette volonté politique sans précédent en faveur de l’insertion par l’activité économique est parfaitement complémentaire de cette proposition de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez l’opportunité de voter des outils concrets et adaptés aux circonstances de la crise que traverse la France. Nous nous attacherons à prendre les textes d’application nécessaires.

Au nom du Gouvernement, je renouvelle nos remerciements à l’ensemble des parlementaires et à Mme le rapporteur pour leur travail d’enrichissement du texte.

Mesdames, messieurs les sénateurs, afin d’œuvrer à ce que la relance de notre économie soit la plus inclusive possible, je vous demande une adoption définitive de cette proposition de loi la plus large possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’inclusion n’est « pas l’affaire des exclus : elle est l’affaire de tous, pour redonner à ceux qui sont devenus des “invisibles” une place à part entière dans la société. » Je reprends ces mots du président du Conseil de l’inclusion dans l’emploi pour introduire mon propos, car j’ai le sentiment qu’ils reflètent parfaitement l’esprit de cette proposition de loi et de l’accord que nous avons trouvé en commission mixte paritaire.

Alors que 4, 2 millions de personnes se trouvent éloignées de l’emploi, dont 2, 7 millions depuis plus d’un an, la proposition de loi vient apporter une réponse concrète, ambitieuse et innovante dans la lutte contre le chômage de longue durée, véritable fléau de notre société. Elle s’inscrit dans la logique du plan de relance et dans la volonté du Président de la République d’intégrer 140 000 personnes supplémentaires dans les parcours d’insertion et les entreprises adaptées. Elle vient aussi compléter le dispositif de 300 millions d’euros en faveur des structures d’insertion que vous avez annoncé, madame la ministre.

L’insertion par l’activité économique constitue, en effet, une riposte efficace, qui concilie à la fois l’économie, le social et le territorial.

Nous saluons le compromis trouvé, qui préserve l’esprit même du texte en réintégrant notamment l’obligation de financement des départements concernés par l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » et l’absence du préfet dans son copilotage, démontrant ainsi la confiance que nous souhaitons donner aux territoires et aux acteurs locaux.

La lutte contre le chômage de longue durée nécessite de faire preuve de créativité et d’innovation, en s’appuyant sur les territoires et en associant l’ensemble des acteurs : je pense aux entreprises, aux associations et aux collectivités territoriales.

Grâce à ce compromis, nous concrétisons des avancées notables pour lutter contre l’isolement des personnes privées d’emploi en instaurant le « CDI inclusion senior » à destination des personnes de plus de 57 ans.

Au moment où le marché de l’emploi est durement frappé par la crise sanitaire, il est nécessaire de renforcer les dispositifs existants pour favoriser le retour à l’emploi des personnes qui en sont le plus éloignées. Je pense, bien sûr, aux chômeurs de longue durée, mais aussi aux bénéficiaires des minima sociaux, aux personnes en situation de handicap et aux parents isolés.

Les dispositions de cette proposition de loi, telles que l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » à cinquante nouveaux territoires, le développement des structures d’insertion par l’activité économique, grâce à la suppression de l’agrément préalable délivré par Pôle emploi, et l’expérimentation du « contrat passerelle », constituent des réponses fortes dans la lutte contre le chômage de longue durée.

Par ailleurs, en permettant à de nouveaux territoires qui souhaitent bénéficier de l’expérimentation d’être habilités par décret, la clause de revoyure constitue, à nos yeux, une avancée notable.

Le groupe RDPI sera attentif aux conclusions du rapport demandé en commission mixte paritaire sur le financement des comités locaux. Ces derniers constituent, en effet, la pierre angulaire du projet sur le territoire et requièrent, à cet égard, des moyens nécessaires à la bonne conduite de leurs missions.

Enfin, nous nous réjouissons de voir aboutir cette proposition de loi et saluons le travail des rapporteurs en vue de la recherche d’un compromis ambitieux.

Nous formons le vœu que cette expérimentation puisse être généralisée sur le long terme, afin de permettre une meilleure insertion à ceux qui demeurent éloignés de l’emploi, grâce au travail des associations, des collectivités et de tous les acteurs de terrain mobilisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire que nous connaissons depuis le printemps dernier s’accompagne d’une crise économique et sociale chaque jour plus prégnante.

Selon les associations caritatives, cette crise a fait basculer dans la pauvreté 1 million de Français, qui rejoignent ainsi les 9, 3 millions de personnes vivant déjà au-dessous du seuil de pauvreté. Le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire augmente dramatiquement : au mois de septembre dernier, ils étaient 8 millions, contre seulement – si j’ose dire – 5, 5 millions en 2019.

Dans ce contexte, s’il est un sujet qui doit faire consensus, c’est bien la lutte contre le chômage ! Notre groupe est convaincu que ce texte apportera les outils nécessaires pour aider les personnes les plus éloignées du monde du travail à retrouver un emploi.

C’est pourquoi nous nous félicitons de ce que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord et nous saluons le compromis ainsi trouvé.

Nous approuvons notamment le maintien du dispositif de « temps cumulé », qui facilitera la transition de l’insertion par l’activité économique vers le secteur marchand. Nous accueillons également très favorablement la mise en place d’une expérimentation visant à encourager le dialogue social au sein des structures d’insertion par l’activité économique.

Nous nous félicitons surtout de ce que la commission mixte paritaire ait ouvert la voie à une augmentation dérogatoire par décret du nombre de territoires concernés par l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Nous étions très nombreux, dans cet hémicycle, à le réclamer. Nous pensons, en effet, qu’aucun territoire remplissant les conditions pour en bénéficier ne doit être laissé sur le bord du chemin.

Certes, plusieurs études ont pointé du doigt le coût de ce dispositif, mais, comme je l’ai rappelé en première lecture, celui-ci ne doit pas seulement se résumer à son aspect financier.

En permettant à des personnes particulièrement éloignées du monde du travail de retrouver un emploi, cette expérimentation leur permet aussi et surtout de retrouver leur dignité, de reprendre confiance en elles. N’oublions pas que ces personnes sont très souvent « cassées » par des années de chômage, des carrières brisées, des fractures de vie.

En adoptant cette proposition de loi, nous réunissons les conditions nécessaires à la réussite de cette expérimentation, qui repose sur l’implication de chacun et les compétences de tous.

Cette seconde phase va pouvoir s’appuyer sur les dix territoires déjà engagés, qui ont eu un véritable rôle de laboratoires, mettant en lumière les améliorations à apporter : locaux adaptés aux besoins, nécessité de mettre l’accent sur la formation ou encore renforcement des conditions d’habilitation des territoires pour ne laisser partir que les territoires prêts qui se sont donné les moyens de réussir. Les territoires qui postulent pour la seconde phase de l’expérimentation auront été préparés grâce à l’expérience qu’ils auront tirée de la première phase.

Cette proposition de loi intervient dans une période où nous avons plus que jamais besoin d’ouvrir la porte à des méthodes novatrices.

Certains qualifient toujours d’utopique l’expérimentation « zéro chômeur de longue durée ». Je leur rappelle simplement ces quelques mots du président radical Édouard Herriot, « Une utopie est une réalité en puissance », et j’en profite pour saluer mon collègue lyonnais Bernard Fialaire.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

C’est dans cet esprit que le groupe du RDSE apportera naturellement son soutien au texte élaboré par la commission mixte paritaire.

M. Bernard Fialaire applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par remercier ma collègue Laurence Cohen de m’avoir remplacée au pied levé lors de la première lecture de cette proposition de loi, alors que les symptômes de la covid-19 m’ont bloquée pendant plusieurs semaines chez moi. Ce texte me tient à cœur et je suis heureuse de pouvoir prendre part à nos débats aujourd’hui.

Dans mon territoire, particulièrement touché par la désindustrialisation, les acteurs de l’activité économique sont demandeurs de ce type d’expérimentation pour essayer d’agir sur les freins du retour à l’emploi. Je pense ainsi au projet récent d’expérimentation mené sur la commune de Frévent, dans le Pas-de-Calais.

À ce titre, je me félicite de ce que la commission mixte paritaire ait abouti à un accord pour étendre à cinquante nouveaux bassins le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », lancé en 2017 dans dix territoires.

Cependant, ces propositions consensuelles ne doivent pas masquer les nombreux reculs qui ont conduit le groupe CRCE à s’abstenir en première lecture. Je pense notamment aux mesures d’insertion par l’activité économique dénaturées par le Gouvernement et par la droite sénatoriale.

Le Gouvernement a ajouté le renforcement du contrôle des chômeurs par les agents de Pôle emploi avec l’instrument des carnets de bord. Il a également transféré la responsabilité de la formation professionnelle aux salariés eux-mêmes, en leur demandant d’utiliser leurs crédits du compte personnel de formation avant toute demande de prise en charge financière par les régions ou Pôle emploi.

La droite sénatoriale a obtenu le maintien de la possibilité de déroger, à titre exceptionnel, à la durée maximale de vingt-quatre mois pour le renouvellement des CDD des salariés seniors. Votre « contrat passerelle » est un cache-misère des politiques qui ont supprimé les départs en retraite anticipée et des décotes imposées aux départs sans carrière complète.

En réalité, vous allez affaiblir les plus fragiles, et particulièrement les femmes seniors, comme si nous ne connaissions pas une grave crise économique avec la covid-19 et comme si les 800 000 personnes supplémentaires au chômage n’allaient pas renforcer les rangs des 2 millions de femmes et d’hommes déjà éloignés de l’emploi avant la crise sanitaire !

Ces 2 millions de personnes éloignées de l’emploi, ce sont des chômeuses et des chômeurs de longue durée, mais également des gens en situation de handicap, des bénéficiaires des minimas sociaux ou encore des parents isolés. Nous ne sommes pas dupes : l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » ne résoudra pas la crise sociale rencontrée dans nos territoires.

Ces initiatives locales servent à redonner de l’espérance à celles et ceux qui ont le sentiment que les services publics ont abandonné, mais ne peuvent remplacer une politique publique de l’emploi à l’échelon national qui garantisse à chacun de pouvoir évoluer dans sa vie professionnelle selon ses aspirations, sans perte de revenu et sans jamais passer par la case « chômage ».

La sécurité d’emploi et de formation permettrait de changer radicalement de logique. Dans le cadre d’un nouveau service public de l’emploi et de la formation, chaque personne ayant terminé sa scolarité pourrait alterner périodes de travail salarié et périodes de formation rémunérées, à la faveur d’une réduction générale du temps de travail permise par les gains de productivité qu’apportent les nouvelles technologies.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous réitérons notre soutien aux projets d’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Nous refusons les nouveaux reculs et nous maintenons notre abstention sur ce texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE – M. Patrice Joly applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, par les temps qui courent, nous avons peu d’opportunités de nous réjouir, profitons donc de l’occasion qui nous est offerte aujourd’hui. Dans la période que nous traversons, chaque avancée, chaque victoire, est appréciée encore plus intensément.

J’ai eu la chance de participer à la commission mixte paritaire qui a permis d’aboutir à ce texte commun. Dans la continuité de l’esprit de dialogue entre le terrain et la représentation nationale qui émane de cette proposition de loi, je me félicite que le Parlement se soit entendu sur une version partagée. Je tiens à saluer tout particulièrement Frédérique Puissat, notre rapporteur, pour son travail actif, mené de concert avec son homologue de l’Assemblée nationale.

C’est un grand pas dans la lutte contre l’éloignement de l’emploi. L’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » ouvre ainsi la possibilité de réaliser un travail sur mesure, au plus près du terrain, tout en posant des jalons nécessaires dans la refondation de la politique de l’emploi.

Parmi les modifications notables apportées par la commission mixte paritaire figure la possibilité d’augmenter de manière dérogatoire, par décret, le nombre de territoires concernés par l’expérimentation. Dans l’attente du rapport final du comité scientifique, il s’agit de la solution la plus opportune et sans doute la plus sécurisante. La jauge de soixante territoires en expérimentation était vue comme injuste vis-à-vis des cent vingt candidats déjà déclarés. L’augmentation dérogatoire permettra de continuer de répondre aux besoins identifiés localement et partagés collectivement.

Le texte prévoit que le montant de la participation financière des départements au financement des emplois créés dans le cadre de l’expérimentation puisse être fixé par un décret et fait de l’accord du président du conseil départemental une condition requise pour qu’un territoire se porte candidat. C’est un compromis qui peut nous satisfaire – je m’en contenterai donc §–, le département conservant ainsi sa liberté d’apprécier si l’expérimentation est cohérente ou non avec sa politique d’insertion.

Je veux rappeler que la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d’insertion affirmait déjà le rôle de chef de file du conseil départemental en matière de politiques d’insertion. À ce titre, il peut signer – ce qu’il fait la plupart du temps – avec des partenaires institutionnels un pacte territorial d’insertion pour définir, animer et coordonner les politiques d’insertion du département. C’est un véritable outil d’insertion coconstruit avec une pluralité d’acteurs autour d’un projet commun qui a fait ses preuves. Selon moi, ce pacte territorial d’insertion peut inclure une démarche « territoires zéro chômeur de longue durée ».

Ainsi n’était-il pas opportun d’apporter par la loi des obligations supplémentaires aux collectivités territoriales. En tant que représentants des territoires, c’est à nous de leur faire confiance. Aussi, je me réjouis que le Parlement ait su respecter cet équilibre.

En ce qui concerne le détail des articles, il me semble que le Sénat, par la voix de son rapporteur, a apporté des améliorations visant à répondre aux interrogations des acteurs de terrain.

Au sein du titre Ier, les mesures du Sénat visant à assouplir les dispositifs d’insertion par l’activité économique pour les salariés âgés de plus de 57 ans ou à permettre de cumuler contrat de travail de droit commun et contrat d’insertion ont été conservées.

À l’article 3 bis, le cadre de l’expérimentation du « contrat passerelle » a notamment été précisé pour répondre aux nombreuses oppositions émanant des réseaux de l’IAE. En complément de ce contrat, la Haute Assemblée a introduit un dispositif de « temps cumulé » afin de permettre une transition progressive entre contrat d’insertion et CDI ou CDD à temps partiel. Ce dispositif facilitera le rapprochement entre l’IAE et le secteur marchand.

Enfin, le Sénat a introduit, à l’article 9 quinquies, une expérimentation visant à encourager le dialogue social au sein des structures de l’IAE et à permettre la représentation des salariés en parcours d’insertion. Ainsi est créée une commission « insertion » au sein du comité social et économique (CSE), plutôt qu’une instance de dialogue social ad hoc.

Opposé au bonus-malus, le Sénat a supprimé l’article 7 relatif à l’articulation avec les allégements généraux de cotisations sociales du bonus-malus de contributions d’assurance chômage portant sur des contrats courts. Pour aboutir à ce texte de compromis, la commission mixte paritaire a réintroduit l’article. L’ajustement proposé vise à ne pas pénaliser les entreprises, notamment les plus vertueuses.

Pour conclure, face aux conséquences sociales et économiques de la crise sanitaire, cette proposition de loi est une bouffée d’espoir. En mettant en œuvre certaines mesures du pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique et le deuxième volet de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », elle participe à améliorer notre politique de l’emploi, notamment vers les personnes les plus fragiles.

Aussi, le groupe Union Centriste votera favorablement les conclusions de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis du débat très intéressant que nous avons eu au sein de cet hémicycle et en commission mixte paritaire à l’occasion de l’examen de la proposition de loi sur le renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Ce débat a en effet permis de mettre en lumière des dispositifs encore relativement méconnus, qui permettent à certains de nos concitoyens, marginalisés et éloignés du marché du travail depuis très longtemps, de ne pas sombrer complètement.

L’adoption de ce texte nous paraît opportune et nécessaire. Nous nous sommes abstenus en première lecture, car nous étions en désaccord avec certaines des propositions de Mme la rapporteure. Cependant, des avancées notables sont intervenues dans le cadre de la commission mixte paritaire et les verrous qui nous avaient conduits à nous abstenir ont sauté sous l’effort des négociations menées entre le Gouvernement et Mme la rapporteure, dont je salue le travail.

Ces avancées concernent notamment la confiance renouvelée aux acteurs de l’insertion par l’activité économique au sein du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », la mise en place d’une clause de revoyure et l’instauration d’un financement par les départements sous certaines conditions, une fois acquise pour le territoire la possibilité de se lancer dans l’expérimentation. Nous avons donc décidé de voter ce texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

En ce qui concerne l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », les points de blocage les plus importants ont pu être levés. Ainsi, pour ce qui est du nombre de territoires participant à cette expérimentation, la clause de revoyure permettra de ne pas laisser au bord du chemin les territoires investis dans la démarche d’intégration au sein de l’expérimentation.

Nous sommes également satisfaits que la question du concours financier des départements – encore une fois, sous certaines conditions – ait été tranchée positivement.

Nous avons cependant quelques regrets, notamment l’absence de financement des comités locaux pour l’emploi par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. La question des moyens alloués à ces comités locaux pour l’emploi était pourtant essentielle : ils sont la véritable pierre angulaire de la dynamique territoriale que génère le projet. Il aurait fallu prévoir les moyens nécessaires à la bonne conduite de leurs missions et permettre au fonds d’expérimentation de financer une partie, et seulement une partie, de leurs charges de personnel. Nous pensons qu’il faudra combler cette lacune.

Nous avons un autre regret : l’évaluation du dispositif ne va pas peut-être pas jusqu’au bout de la démarche. Si nous saluons la prise en compte des externalités positives du projet, nous regrettons que le comité scientifique ait tendance à se focaliser sur la question des seuls coûts et qu’il ne les compare pas à ceux qu’entraîne le chômage de longue durée.

Ces réserves ne nous empêchent pas de saluer l’adoption à venir de ce texte dont les enjeux sont plus que jamais d’actualité. Avec les difficultés qui se profilent pour des millions de Français dans le sillage de la crise sanitaire, nous avons plus que jamais besoin que se déploient les solutions innovantes de l’économie sociale et solidaire, ainsi que les initiatives comme « territoires zéro chômeur de longue durée ».

Toutefois, madame la ministre, nous craignons que le Gouvernement n’avance d’un pas aujourd’hui pour reculer de deux demain.

L’année dernière, dans cette même enceinte, emmené par Joël Bigot, notre groupe a bataillé, avec d’autres, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, pour la création d’un fonds spécifique pour le réemploi solidaire. Il s’agissait de répondre à une demande forte du secteur associatif et de l’économie sociale et solidaire (ESS). Ce fonds a été créé dans un élan unanime au Sénat, preuve s’il en est qu’il répondait à une nécessité.

Les objectifs du texte que nous examinions alors rejoignent indiscutablement ceux de la présente proposition de loi. De la création de ce fonds au texte d’aujourd’hui, il y a une forte cohérence. Nous comprenons assez peu que le Gouvernement mette en péril l’efficacité de ce fonds en projetant de ne plus réserver l’intégralité de ses financements à l’économie sociale et solidaire, mais d’en sanctuariser 50 % pour la sphère marchande, hors ESS. L’effort qui devait se concentrer sur cette dernière en serait très largement amoindri. Or l’ESS, prometteuse et nécessaire, intensive en emplois, mais sujette à des difficultés que ne rencontre pas la sphère marchande, a besoin de leviers importants.

Par ailleurs, je ne peux m’empêcher de remarquer, avec un peu de malice, que les contrats aidés sont rentrés dans les bonnes grâces du Gouvernement, alors qu’on ne leur trouvait plus aucune vertu en 2017. Cependant, le temps est à l’efficacité et non plus à la malice ; je ferai donc part de notre satisfaction de voir aboutir toute mesure susceptible d’aider les plus précaires. Si nous saluons les avancées de la présente proposition de loi, nous nous devons aussi d’en appeler au Gouvernement pour qu’il garde à l’esprit la nécessité de maintenir un souci de cohérence dans le cadre des politiques qu’il choisit de mettre en œuvre.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la crise sanitaire fait basculer nombre de Français dans la précarité, il est plus que jamais urgent de trouver des solutions qui permettent de favoriser l’inclusion dans l’emploi et ainsi aider les populations fragilisées à retrouver leur autonomie et leur dignité par le travail.

La proposition de loi déposée par notre collègue députée Marie-Christine Verdier-Jouclas constitue une réponse intéressante, qui contribuera à enrichir les dispositifs en direction des personnes les plus éloignées de l’emploi à travers deux leviers : d’une part, l’insertion par l’activité économique, d’autre part, l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », dont la prolongation est sans nul doute une décision dont nous devons nous féliciter.

En effet, cette initiative issue de la société civile permet de fournir un emploi durable à tous les demandeurs d’emploi qui en feraient la demande. La contribution financière des départements à ce dispositif constituait un sujet de désaccord entre les deux assemblées. La solution retenue, solution de compromis, est une obligation de participation financière associée à un accord préalable du département pour qu’un territoire puisse se porter candidat.

Il sera également possible d’augmenter le nombre de territoires concernés par l’expérimentation, ce qui est aussi une bonne chose. En effet, seuls dix territoires étaient concernés par le premier volet de l’expérimentation. Le texte adopté prévoit d’accroître à soixante le nombre de territoires bénéficiaires, mais nous savons qu’une centaine de volontaires seraient prêts pour le deuxième volet. Aussi, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, cette nouvelle rédaction offre le plus de souplesse possible pour ne laisser aucun territoire de côté.

En ce qui concerne le titre Ier consacré aux dispositifs d’insertion par l’activité économique, nous nous félicitons que les contributions du Sénat aient été reprises. Le dispositif de temps cumulé permettra de sécuriser la transition entre un contrat d’insertion et un emploi classique. Comme je l’ai indiqué lors de l’examen du texte en séance, ce dispositif se rapproche de celui qu’a proposé Claude Malhuret dans la proposition de loi qu’il a déposée le 13 octobre dernier et que je vous invite à cosigner, mes chers collègues. Il s’agit d’une demande d’expérimentation exprimée par les départements qui permettrait aux allocataires du RSA d’effectuer quinze heures de travail hebdomadaires pendant un an dans une entreprise, sans perdre le bénéfice du RSA, afin de sécuriser les démarches de retour à l’emploi et de les favoriser.

Dans le contexte difficile que nous connaissons, toutes les initiatives comptent pour permettre aux personnes placées en situation de vulnérabilité économique de retrouver un revenu d’activité. Le 24 octobre dernier, le Premier ministre a annoncé les mesures de l’acte II du plan contre la pauvreté dans un contexte social particulièrement préoccupant. La crise sanitaire a fait basculer un million de Français dans la pauvreté, alors que la situation était déjà préoccupante, avec près de 15 % de nos concitoyens sous le seuil de pauvreté en 2018, selon l’Insee. La Banque de France confirme un taux de chômage supérieur à 10 % en 2020. Nous devons donc prendre la mesure de la situation et permettre à l’ensemble des acteurs de bonne volonté de se mobiliser sur le terrain, au plus près des besoins, pour lutter contre la précarité.

Cette loi sera un très bon outil. Je salue tous les efforts mis en œuvre pour parvenir à un compromis satisfaisant pour tous. Je vous remercie de votre travail, madame le rapporteur.

Bien évidemment, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous réjouissons à l’unisson que la commission mixte paritaire ait pu trouver un accord sur la proposition de loi permettant le prolongement de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

Ce texte était attendu depuis bien longtemps. Permettre à ce dispositif d’entrer dans cette nouvelle étape, surtout à un moment où la crise économique et sociale s’aggrave et où les mesures pour lutter contre la crise sanitaire se durcissent, est une bonne chose. L’extension de cette expérimentation est plus que jamais nécessaire. Il était temps !

Parce qu’il est novateur, ambitieux, dynamique, ce dispositif mérite tout notre soutien. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires l’avait d’ailleurs défendu en première lecture. Il nous semble particulièrement important d’inclure dans l’emploi des chômeurs de longue durée non par des contrats précaires ou aidés, mais bien par des contrats à durée indéterminée, ce qui génère une dynamique très positive pour eux et, au-delà, pour leur territoire, pour tout l’écosystème local.

Nous avions très fortement regretté que le Sénat ait sensiblement modifié le dispositif. Pour autant, le travail réalisé par la commission mixte paritaire nous satisfait.

Il faut saluer la réintroduction du caractère obligatoire de la participation financière des départements à l’expérimentation. Nous avions fait des propositions pour qu’il soit préservé.

Il en est de même de la suppression du copilotage des préfets avec les comités locaux, de la suppression de la tutelle de Pôle emploi sur le choix des personnes qui pourront être recrutées dans une entreprise à but d’emploi (EBE) et de la suppression de la tutelle des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) sur le choix des activités développées par ces mêmes entreprises. Ces tutelles étaient trop lourdes par rapport à ce qui fait tout l’intérêt de ce dispositif, à savoir sa capacité à rassembler des dynamiques locales. Il est très important que les territoires puissent rester à la manœuvre sur ces projets. La confiance dans l’intelligence territoriale est une dimension importante de ce projet, c’est même l’une de ses caractéristiques.

Le maintien des dispositions concernant la prise en compte des spécificités de la Corse dans l’élaboration du cahier des charges de l’expérimentation nous semble également positif.

Enfin, la possibilité d’habiliter des territoires supplémentaires par décret en Conseil d’État est pour nous une très belle victoire. Cette clause de revoyure permettra d’éviter le blocage auquel nous avions assisté : beaucoup de territoires prêts, dans les starting-blocks, mais dans l’incapacité de passer le cap, parce que la nouvelle loi d’expérimentation n’était pas encore arrivée. Avec ce texte, nous permettrons au dispositif de continuer à se déployer au fur et à mesure de la mobilisation des territoires.

Toutefois, il faudra rester vigilant sur les moyens accordés au fonctionnement du fonds d’expérimentation. Dans le projet de loi de finances pour 2021, les crédits nous semblent un peu légers au regard de l’importance de la mise en route de ces nouveaux territoires.

Nous nous interrogeons également sur la possibilité de recourir aux contrats passerelles qui permettent de mettre à disposition un salarié en insertion auprès d’entreprises de droit commun en vue de leur éventuelle embauche. Nous avions défendu la suppression de cette disposition, en accord avec les professionnels du secteur de l’insertion. Le dispositif proposé ne nous convient pas en ce qu’il ne remplit pas l’objectif de sécurisation des parcours et qu’il ne permettra pas de sortir les personnes concernées de la précarité.

Toutefois, je crois que nous pouvons toutes et tous, in fine, nous féliciter de l’accord trouvé en commission mixte paritaire et de cette mobilisation parlementaire qui était attendue après celle, très large et très forte, de nombreux territoires autour de cette expérimentation.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l’examen de cette proposition de loi, à la suite d’un accord en commission mixte paritaire.

Je tiens tout d’abord à saluer le travail de notre rapporteur, Frédérique Puissat, qui s’est fortement engagée dans l’examen de ce texte. Elle a su trouver une position équilibrée qui a retenu l’approbation du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Lors de nos débats, j’ai pu témoigner de la réussite du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », cette expérimentation étant menée dans un département dont je suis l’élu, les Deux-Sèvres. La commune de Mauléon fait partie des trois projets – sur dix – qui ont atteint l’objectif fixé, c’est-à-dire l’exhaustivité : un emploi a pu être proposé à tous les volontaires du territoire qui avaient été durablement privés d’emploi.

Au-delà de ce cas particulier, il nous appartenait, en tant que parlementaires, de tirer les enseignements de presque cinq années de mise en œuvre du dispositif, l’objectif étant d’organiser, si les retours étaient positifs, sa prolongation et son extension.

Le Sénat s’est attaché à une étude objective des premiers éléments communiqués, sans s’arrêter à l’engouement suscité par le côté novateur de l’expérience. Il a ainsi analysé son efficacité sous deux aspects : le nombre d’emplois créés et le coût pour les pouvoirs publics.

Cependant, l’essentiel n’est peut-être pas là. L’expérimentation, sans être le seul remède miracle au chômage de longue durée, a suscité une mobilisation collective dans des territoires parfois sinistrés économiquement et a permis de proposer un travail à des personnes en situation d’exclusion durable, avec toutes les conséquences financières et psychologiques que cela implique. Ces personnes ont retrouvé une place dans la société. Je peux en témoigner, notamment après l’expérience conduite à Mauléon.

À la suite de ce constat, le Sénat a décidé la prolongation de l’expérimentation en lui apportant plusieurs aménagements.

Nous avons confié un rôle de suivi au fonds d’expérimentation qui remettra un rapport annuel retraçant le profil des personnes embauchées et les économies réalisées en termes de prestations sociales. Nous avons également précisé les objectifs de l’évaluation à charge du comité scientifique.

La commission mixte paritaire a par ailleurs décidé que des territoires supplémentaires pourront être habilités, à titre dérogatoire et par décret en Conseil d’État, une fois atteint le seuil des soixante territoires d’expérimentation. Nous répondons ainsi à une demande forte qui a donné lieu à de longs débats avec le Gouvernement. De nombreux territoires sont en attente : il ne faut pas briser cette dynamique.

En ce qui concerne le financement du dispositif, le Gouvernement souhaitait rendre obligatoire la participation des départements. En tant que représentant des territoires, le Sénat ne pouvait valider une telle proposition en l’état.

Lors de l’examen du texte adopté en 2016, j’avais fait préciser que le dispositif serait principalement financé par l’État et que les collectivités territoriales pourraient participer, mais de manière volontaire. En effet, il ne peut être question d’imposer de nouvelles charges financières aux collectivités territoriales engagées dans le processus. La baisse des dotations de l’État et le surcroît de dépenses occasionné par la montée en charge des dépenses sociales ne laissent aucune marge de manœuvre financière aux départements.

Aussi la commission mixte paritaire a-t-elle proposé une solution de compromis : le département conserve son libre choix, mais, s’il accepte la candidature, il s’engage à participer au financement de l’expérimentation. En effet, comme l’a souligné notre rapporteur, on ne peut imposer au département de participer financièrement à une expérimentation qui ne serait pas cohérente avec la politique qu’il définit librement en matière d’insertion.

Je tiens, à cet égard, à saluer les travaux et l’écoute de notre rapporteur qui lui ont permis de nous proposer des dispositions réellement adaptées aux réalités du terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

C’est le cas non seulement de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », mais aussi de la partie du texte consacrée aux mesures issues du pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique.

Le contexte est aujourd’hui particulier. Le secteur de l’insertion par l’activité économique est en effet lourdement affecté par la crise sanitaire qui a provoqué la fermeture de nombreuses structures et la baisse de leurs résultats. Les mesures de simplification, les assouplissements et les nouveaux contrats prévus par la proposition de loi sont donc particulièrement bienvenus.

Ici encore, le Sénat a apporté sa valeur ajoutée au texte en répondant aux préoccupations des acteurs. Il a non seulement encadré les dispositifs prévus – je pense au « contrat passerelle » ou aux seniors –, mais aussi introduit des mesures nouvelles, par exemple le dispositif de « temps cumulé » entre un contrat d’insertion et un CDI ou CDD à temps partiel que notre rapporteur a présenté et qui facilitera le rapprochement entre l’IAE et le secteur marchand. L’objectif est un retour durable à l’emploi, il me semble important de toujours le préciser.

Le groupe Les Républicains va donc soutenir cette proposition de loi ainsi amendée.

En matière de chômage de longue durée, beaucoup de choses restent à faire, ce que confirment les chiffres relatifs à la situation antérieure à la crise sanitaire, avec 2, 6 millions de chômeurs inscrits à Pôle emploi depuis plus d’un an.

Il est avant tout urgent de relancer l’économie, de soutenir nos PME, nos TPE, nos artisans, nos commerçants, qui sont les véritables créateurs d’emplois, et ce dans le contexte de la crise sanitaire, qui perturbe profondément notre système économique.

Ainsi précisée, la présente proposition de loi aura le soutien de notre groupe. En effet, si nous regrettons l’absence d’une réforme d’ampleur de la part du Gouvernement, nous approuvons toute initiative rassemblant les énergies au niveau local et destinée à permettre aux chômeurs connaissant le plus de difficultés de renouer avec une vie normale, c’est-à-dire une vie avec un emploi.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

TITRE IER

RENFORCEMENT DE L’INSERTION PAR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

I. – Le chapitre II du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° A Au dernier alinéa de l’article L. 5132-2, le mot : « général » est remplacé par le mot : « départemental » ;

1° L’article L. 5132-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5132 -3. – Seules les embauches de personnes éligibles à un parcours d’insertion par l’activité économique ouvrent droit aux aides financières aux entreprises d’insertion, aux entreprises de travail temporaire d’insertion, aux associations intermédiaires ainsi qu’aux ateliers et chantiers d’insertion mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5132-2.

« L’éligibilité des personnes à un parcours d’insertion par l’activité économique est appréciée soit par un prescripteur dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l’emploi, soit par une structure d’insertion par l’activité économique mentionnée à l’article L. 5132-4.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment :

« 1° Les modalités de bénéfice des aides de l’État mentionnées au premier alinéa du présent article ;

« 2° Les modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement ;

« 3° Les modalités de collecte, de traitement et d’échange des informations et des données à caractère personnel, parmi lesquelles le numéro d’inscription au répertoire des personnes physiques, nécessaires à la détermination de l’éligibilité d’une personne à un parcours d’insertion par l’activité économique, ainsi qu’au suivi de ces parcours et des aides financières afférentes ;

« 4° Les modalités d’appréciation de l’éligibilité d’une personne à un parcours d’insertion par l’activité économique et de contrôle par l’administration ;

« 4° bis Les conditions dans lesquelles peut être limitée, suspendue ou retirée à une structure d’insertion par l’activité économique la capacité de prescrire un parcours d’insertion en cas de non-respect des règles prévues au présent article ;

« 5°

Supprimé

bis Au troisième alinéa de l’article L. 5132-3-1, le mot : « général » est remplacé par le mot : « départemental » ;

2° À la seconde phrase du sixième alinéa de l’article L. 5132-5, les mots : « l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 » sont remplacés par les mots : « un prescripteur mentionné à l’article L. 5132-3 ou, en cas de recrutement direct, par une entreprise d’insertion, » ;

bis Au premier alinéa de l’article L. 5132-8, les mots : « l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 » sont remplacés par les mots : « l’un des prescripteurs mentionnés à l’article L. 5132-3 » ;

ter L’article L. 5132-9 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, au début, le mot : « Seules » est supprimé et les mots : « qui ont conclu une convention de coopération avec l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 » sont supprimés ;

b) Après le mot : « disposition », la fin du 1° est ainsi rédigée : « n’est autorisée que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire ; »

quater Le sixième alinéa de l’article L. 5132-11-1 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« À titre exceptionnel, ce contrat de travail peut être prolongé par un prescripteur tel que mentionné à l’article L. 5132-3, au-delà de la durée maximale prévue, après examen de la situation du salarié au regard de l’emploi, de la capacité contributive de l’employeur et des actions d’accompagnement et de formation conduites dans le cadre de la durée initialement prévue du contrat :

« a) Lorsque des salariés âgés de cinquante ans et plus ou des personnes reconnues travailleurs handicapés rencontrent des difficultés particulières qui font obstacle à leur insertion durable dans l’emploi, quel que soit leur statut juridique ;

« b) Lorsque des salariés rencontrent des difficultés particulièrement importantes dont l’absence de prise en charge ferait obstacle à leur insertion professionnelle, par décisions successives d’un an au plus, dans la limite de soixante mois. » ;

2° quinquies

Supprimé

3° Au sixième alinéa de l’article L. 5132-15-1, les mots : « Pôle emploi, » sont remplacés par les mots : « un prescripteur mentionné à l’article L. 5132-3 ou, en cas de recrutement direct, par un atelier et chantier d’insertion » ;

bis À l’avant-dernier alinéa du même article L. 5132-15-1, la référence : « septième alinéa » est remplacée par la référence : « neuvième alinéa du présent article » ;

4° L’article L. 5132-16 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5132 -16. – Sous réserve des dispositions de l’article L. 5132-17, un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent chapitre, notamment les conditions d’exécution, de suivi, de renouvellement et de contrôle des conventions conclues avec l’État ainsi que les modalités de leur suspension ou de leur dénonciation. »

II. – Au IV de l’article 83 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les mots : « agréées par Pôle emploi » sont remplacés par les mots : « éligibles à un parcours d’insertion par le travail indépendant dans les conditions fixées par l’article L. 5132-3 du code du travail ».

III. – Les I et II entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard six mois après la publication de la présente loi.

La section 3 du chapitre II du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° A

Supprimé

1° La sous-section 2 est complétée par un article L. 5132-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5132 -5 -1. – Les entreprises d’insertion peuvent conclure des contrats à durée indéterminée avec des personnes âgées d’au moins cinquante-sept ans rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, selon des modalités définies par décret. » ;

bis La première phrase du dernier alinéa de l’article L. 5132-6 est complétée par les mots : «, à l’exclusion de la section 4 bis » ;

2° La sous-section 3 est complétée par un article L. 5132-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5132 -6 -1. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 5132-6, les entreprises de travail temporaire d’insertion peuvent conclure des contrats à durée indéterminée, tels que mentionnés à l’article L. 1251-58-1, avec des personnes âgées d’au moins cinquante-sept ans rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, selon des modalités définies par décret. Dans ce cadre, la durée totale d’une mission ne peut excéder trente-six mois. » ;

3° La sous-section 4 est complétée par un article L. 5132-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5132 -14 -1. – Les associations intermédiaires peuvent conclure des contrats à durée indéterminée avec des personnes âgées d’au moins cinquante-sept ans rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, selon des modalités définies par décret. » ;

4° La sous-section 5 est complétée par un article L. 5132-15-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5132 -15 -1 -1. – Les ateliers et chantiers d’insertion peuvent conclure des contrats à durée indéterminée avec des personnes âgées d’au moins cinquante-sept ans rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, selon des modalités définies par décret. »

Le premier alinéa de l’article L. 5132-6 du code du travail est ainsi modifié :

1° Après le mot : « temporaire », sont insérés les mots : « d’insertion » ;

2° Les mots : « sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières » sont remplacés par les mots : « éligibles à un parcours d’insertion tel que défini à l’article L. 5132-3 et qui consacrent l’intégralité de leurs moyens humains et matériels à cette fin » ;

Supprimé

La seconde phrase du 2° de l’article L. 5132-9 du code du travail est ainsi rédigée : « Dans des conditions définies par décret, le représentant de l’État dans le département peut autoriser une association intermédiaire à déroger à ce plafond, pour une durée maximale de trois ans renouvelable, en tenant compte des activités exercées par les entreprises de travail temporaire d’insertion installées dans le département et à condition que la qualité des parcours d’insertion soit garantie. »

Pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, est mise en place une expérimentation visant à faciliter le recrutement par les entreprises de droit commun de personnes en fin de parcours d’insertion. Cette expérimentation permet à un ou plusieurs salariés engagés dans un parcours d’insertion par l’activité économique depuis au moins quatre mois dans une entreprise d’insertion ou un atelier et chantier d’insertion d’être mis à disposition d’une entreprise utilisatrice, autre que celles mentionnées aux articles L. 5132-4 et L. 5213-13 du code du travail, pour une durée de trois mois renouvelable une fois, dans les conditions prévues à l’article L. 8241-2 du même code. Lorsque le salarié est embauché à l’issue de la période de mise à disposition par l’entreprise utilisatrice, dans un emploi en correspondance avec les activités qui lui avaient été confiées, il est dispensé de toute période d’essai. L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation au plus tard six mois avant son terme afin de déterminer notamment les conditions appropriées pour son éventuelle généralisation.

Un décret précise les modalités de mise en œuvre et d’évaluation de cette expérimentation.

I. – Après le 3° de l’article L. 3123-7 du code du travail, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Aux contrats de travail à durée indéterminée conclus dans le cadre d’un cumul avec l’un des contrats prévus aux articles L. 5132-5, L. 5132-11-1 ou L. 5132-15-1, afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée à l’article L. 3123-27. »

II. – La section 3 du chapitre II du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° La première phrase du septième alinéa des articles L. 5132-5 et L. 5132-11-1 est complétée par les mots : «, sauf en cas de cumul avec un autre contrat de travail à temps partiel, afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée à l’article L. 3123-27 » ;

bis L’article L. 5132-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret définit les conditions dans lesquelles la dérogation à la durée hebdomadaire de travail minimale prévue au septième alinéa du présent article peut être accordée. » ;

ter L’article L. 5132-11-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret définit les conditions dans lesquelles la dérogation à la durée hebdomadaire de travail minimale prévue au neuvième alinéa du présent article peut être accordée. » ;

2° La première phrase du neuvième alinéa de l’article L. 5132-15-1 est complétée par les mots : « ou en cas de cumul avec un autre contrat de travail à temps partiel, afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée à l’article L. 3123-27 ».

L’article L. 5135-2 du code du travail est ainsi modifié :

1° Après le 4°, sont insérés des 4° bis et 4° ter ainsi rédigés :

« 4° bis Le conseil départemental, par l’intermédiaire de son président ;

« 4° ter Les organismes mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 6313-6 ; »

2° Au dernier alinéa, après la référence : « 3° », sont insérés les mots : « et au 4° bis ».

TITRE II

EXPÉRIMENTATION TERRITORIALE VISANT À SUPPRIMER LE CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE

I. – La loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée est abrogée.

II. – Pour une durée de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du présent titre, est mise en place, dans soixante territoires, dont les dix territoires habilités dans le cadre de la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée dans sa rédaction antérieure à la présente loi, désignés dans les conditions définies à l’article 5 de la présente loi, couvrant chacun tout ou partie de la superficie d’une ou de plusieurs collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale ou groupes de collectivités territoriales volontaires, une expérimentation visant à mettre un terme à la privation durable d’emploi.

Lorsque le nombre maximal de territoires mentionné au premier alinéa du présent II a été atteint, des territoires supplémentaires peuvent être habilités, à titre dérogatoire, par décret en Conseil d’État.

Cette expérimentation permet aux personnes concernées d’être embauchées en contrat à durée indéterminée par des entreprises qui remplissent les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, pour exercer des activités économiques non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire.

L’expérimentation est mise en place avec le concours financier de l’État et des départements concernés ainsi que des autres collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale volontaires mentionnés au premier alinéa du présent II et d’organismes publics et privés volontaires susceptibles de tirer un bénéfice financier de ces embauches.

III. – Au plus tard dix-huit mois avant le terme de l’expérimentation, le fonds mentionné à l’article 5 dresse le bilan de l’expérimentation dans un rapport.

IV. – Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation, un comité scientifique réalise l’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les suites qu’il convient de lui donner. Cette évaluation s’attache notamment à identifier le coût du dispositif pour les finances publiques, les externalités positives constatées et ses résultats comparés à ceux des structures d’insertion par l’activité économique. Elle détermine le cas échéant les conditions dans lesquelles l’expérimentation peut être prolongée, élargie ou pérennisée, en identifiant les caractéristiques des territoires et des publics pour lesquels elle est susceptible de constituer une solution adaptée à la privation durable d’emploi.

V. – Les rapports mentionnés aux III et IV sont adressés au Parlement et au ministre chargé de l’emploi et rendus publics.

VI. – Dans le cadre de l’expérimentation, peuvent être embauchées par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II les personnes volontaires privées durablement d’emploi depuis au moins un an malgré l’accomplissement d’actes positifs de recherche d’emploi et domiciliées depuis au moins six mois dans l’un des territoires participant à l’expérimentation.

VII. – Les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales participant à l’expérimentation mettent en place un comité local, au sein duquel sont représentés les acteurs du service public de l’emploi, chargé du pilotage de l’expérimentation. Ce comité local définit un programme d’actions, approuvé par le fonds mentionné à l’article 5, qui :

1° A Identifie les activités économiques susceptibles d’être exercées par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II du présent article ;

1° Apprécie l’éligibilité, au regard des conditions fixées au VI, des personnes dont l’embauche est envisagée par les entreprises conventionnées ;

2° Détermine les modalités d’information, de mobilisation et d’accompagnement des personnes mentionnées au même VI en lien avec les acteurs du service public de l’emploi ;

3° Promeut le conventionnement d’entreprises existantes ou, le cas échéant, la création d’entreprises conventionnées pour l’embauche des personnes mentionnées audit VI en veillant au caractère supplémentaire des emplois ainsi créés par rapport à ceux existant sur le territoire.

Les modalités de fonctionnement du comité local sont approuvées par le fonds mentionné à l’article 5.

(Supprimé)

I. – Il est institué un fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, chargé de financer une fraction du montant de la rémunération des emplois supplémentaires créés par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II de l’article 4 ainsi qu’une fraction du montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement lorsque celui-ci intervient dans les conditions prévues au V de l’article 6. Ce fonds peut financer le démarrage et le développement des entreprises conventionnées mentionnées au même article 6.

Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée veille au respect par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II de l’article 4 des orientations de l’expérimentation prévue au même article 4. Il apporte à ces entreprises ainsi qu’aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale ou aux groupes de collectivités territoriales volontaires l’appui et l’accompagnement nécessaires.

II. – Sous réserve de satisfaire aux conditions d’habilitation définies dans un cahier des charges fixé par arrêté du ministre chargé de l’emploi et d’avoir recueilli l’accord du président du conseil départemental, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales volontaires peuvent se porter candidat à l’expérimentation prévue à l’article 4 pendant une durée de trois ans à compter de la date de l’entrée en vigueur du présent titre. Ce cahier des charges prend en compte les spécificités des outre-mer et de la Corse. Sur proposition du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, un arrêté du ministre chargé de l’emploi habilite les territoires retenus pour mener l’expérimentation.

Par dérogation au premier alinéa du présent II, les dix territoires mentionnés au II de l’article 4 sont habilités de droit à mener l’expérimentation. Ils veillent à prendre les mesures éventuellement nécessaires à leur conformité au cahier des charges mentionné au premier alinéa du présent II.

III. –

Supprimé

IV. – La gestion du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée est confiée à une association relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Elle est administrée par un conseil d’administration dont la composition est définie par décret en Conseil d’État.

Les membres du conseil d’administration siègent à titre bénévole.

Le conseil d’administration peut déléguer certaines de ses compétences à son président et à un bureau constitué en son sein.

Le ministre chargé de l’emploi désigne un commissaire du Gouvernement auprès de cette association. Le commissaire du Gouvernement assiste de droit aux séances de toutes les instances de délibération et d’administration de l’association. Il est destinataire de toutes les délibérations du conseil d’administration et a communication de tous les documents relatifs à la gestion du fonds, de même que les présidents des organes exécutifs des collectivités territoriales et de leurs groupements engagés dans le dispositif.

Lorsque le commissaire du Gouvernement estime qu’une délibération du conseil d’administration ou qu’une décision prise par une autre instance de l’association gestionnaire du fonds est contraire aux dispositions régissant les missions et la gestion du fonds, il peut s’opposer, par décision motivée, à sa mise en œuvre.

Le fonds publie annuellement un rapport moral et financier retraçant notamment l’ensemble des financements perçus par les entreprises mentionnées au II de l’article 4 de la présente loi ainsi que les sommes ayant concouru à son financement ainsi qu’à celui des comités locaux. Ce rapport présente le nombre de personnes embauchées par ces entreprises ainsi que le montant des prestations diverses dont elles ont bénéficié l’année précédant leur embauche.

I. – Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée signe, pour la durée de l’expérimentation mentionnée à l’article 4, des conventions avec les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au II du même article 4 afin qu’elles concluent avec des personnes remplissant les conditions mentionnées au VI dudit article 4 des contrats de travail à durée indéterminée au moins rémunérés au moment du recrutement, au niveau du salaire minimum de croissance mentionné à l’article L. 3231-2 du code du travail.

Chaque convention fixe les conditions à respecter pour bénéficier du financement du fonds, notamment les engagements de l’entreprise sur sa trajectoire d’embauche prévue et son plan d’affaires, le contenu des postes proposés, les conditions d’accompagnement et les actions de formation envisagées pour les salariés, conformément aux objectifs du projet. La convention précise également la part de la rémunération prise en charge par le fonds, compte tenu de la durée de travail prévue dans le contrat et en fonction du prévisionnel et de la situation économique de l’entreprise. Elle prévoit en outre la fraction de l’indemnité de licenciement prise en charge par le fonds et due lorsque le licenciement intervient dans les conditions prévues au V du présent article.

Le président du conseil départemental est cosignataire de la convention.

II. – Le contrat de travail conclu dans le cadre de l’expérimentation mentionnée à l’article 4 peut être suspendu à la demande du salarié afin de lui permettre d’accomplir une période d’essai afférente à une offre d’emploi en contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée au moins égale à six mois, ou bien en contrat à durée déterminée de moins de six mois.

En cas d’embauche à l’issue de cette période d’essai, le contrat est rompu sans préavis. L’aide attribuée pour cet emploi par le fonds dans le cadre de l’expérimentation n’est pas versée pendant la période de suspension du contrat de travail.

III. – Les conventions antérieurement conclues avec les entreprises à but d’emploi conventionnées dans le cadre de la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée sont automatiquement reconduites à l’entrée en vigueur du présent titre.

À compter de la date définie par le décret mentionné au premier alinéa du VII du présent article, et au plus tard à compter du 1er juillet 2021, le fonds mentionné au I de l’article 5 et l’association gestionnaire mentionnée au IV du même article 5 sont substitués au fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée et à l’association gestionnaire prévus par la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée dans leurs droits et obligations de toute nature.

Le cas échéant, les transferts de biens, droits et obligations réalisés dans le cadre des dévolutions, à titre gratuit ou moyennant la seule prise en charge du passif ayant grevé l’acquisition des biens transférés au profit du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée mentionné au I de l’article 5 de la présente loi et de l’association gestionnaire mentionnée au IV du même article 5, ne donnent lieu au paiement d’aucun droit, taxe ou impôt de quelque nature que ce soit. Ils ne donnent pas non plus lieu au paiement de la contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts.

Les contrats de travail conclus par les entreprises dans les territoires mentionnés au I de l’article 1er de la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée se poursuivent dans les conditions prévues par la présente loi.

IV. – Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée est financé par l’État et les départements concernés ainsi que, de manière volontaire, par les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale, les groupes de collectivités territoriales, les organismes publics et privés mentionnés au II de l’article 4 de la présente loi et les fondations d’entreprise mentionnées à l’article 19 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat pour assurer son fonctionnement et permettre le versement des aides financières associées aux conventions mentionnées au I du présent article.

Le fonds signe avec chaque collectivité territoriale, établissement public de coopération intercommunale ou groupe de collectivités territoriales volontaire participant à l’expérimentation mentionnée à l’article 4 de la présente loi, une convention qui précise leur engagement à respecter le cahier des charges mentionné au II de l’article 5, fixe les conditions de leur participation volontaire au financement de l’expérimentation et définit l’affectation de cette participation. L’État, Pôle emploi ainsi que le président du conseil départemental sont également cosignataires de ces conventions.

Le fonds signe une convention avec l’État, les conseils départementaux et chacun des organismes publics et privés participant à l’expérimentation mentionnée à l’article 4 afin de fixer le montant de leur contribution à son financement et de définir l’affectation de cette contribution.

V. – Si l’expérimentation n’est pas reconduite au terme du délai mentionné à l’article 4 ou si elle est interrompue avant ce terme par une décision du fonds mentionné au I de l’article 5, les entreprises mentionnées au II de l’article 4 reçoivent une notification du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée signifiant la fin de la prise en charge d’une fraction des rémunérations dans le cadre de l’expérimentation. Dans ce cas, ces entreprises peuvent rompre tout ou partie des contrats de travail mentionnés au I du présent article. Ce licenciement, qui repose sur un motif économique et sur une cause réelle et sérieuse, est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique. Le fonds verse à l’employeur la fraction du montant de l’indemnité de licenciement fixée par la convention mentionnée au I de l’article 5. Dans tous les autres cas, le licenciement intervient dans les conditions du droit commun.

VI. – Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application des articles 4 et 5 ainsi que du présent article, notamment la méthodologie de l’évaluation de l’expérimentation, les modalités de transmission au comité scientifique mentionné au IV de l’article 4 ainsi qu’au fonds mentionné au I de l’article 5 des données à caractère personnel, y compris le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques, relatives aux personnes mentionnées au VI de l’article 4 et nécessaires à l’évaluation de l’expérimentation, les modalités de fonctionnement et de gestion des comités locaux et du fonds respectivement mentionnés au VII du même article 4 et à l’article 5, les modalités de financement du fonds par les départements, les modalités de passation des conventions conclues entre le fonds et les entreprises mentionnées à l’article 4 et celles conclues entre le fonds et les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales participant à l’expérimentation mentionnée au même article 4 ainsi que les critères retenus pour fixer le montant de la fraction de la rémunération prise en charge par le fonds mentionné à l’article 5.

Le décret mentionné au premier alinéa du présent VI ne peut prévoir que le montant du concours financier obligatoire des départements excède, pour chaque salarié embauché à temps plein dans le cadre de l’expérimentation mentionnée à l’article 4, celui du montant forfaitaire mentionné à l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles.

Le concours obligatoire des départements fixé par le décret peut être complété par une contribution volontaire.

VII. – Les dispositions du présent titre entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er juillet 2021.

VIII à X. –

Supprimés

TITRE III

DIVERSES MESURES D’ORDRE SOCIAL

I. – La section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :

1° Le cinquième alinéa du III de l’article L. 241-10 est complété par les mots : «, à hauteur d’un taux ne tenant pas compte de l’application des dispositions prévues aux deuxième à dernier alinéas de l’article L. 5422-12 du même code » ;

2° L’article L. 241-13 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

– après le mot : « professionnelles », sont insérés les mots : «, à hauteur du taux fixé par l’arrêté mentionné à la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 241-5 » ;

– après la seconde occurrence du mot : « travail », sont insérés les mots : «, à hauteur d’un taux ne tenant pas compte de l’application des dispositions prévues aux deuxième à dernier alinéas de l’article L. 5422-12 du même code » ;

b) À la fin de la première phrase du troisième alinéa du III, les mots : « dans la limite de la somme des taux des cotisations et des contributions mentionnées au I du présent article, sous réserve de la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 241-5 » sont remplacés par les mots : «, à hauteur des taux des cotisations et contributions incluses dans le périmètre de la réduction, tels qu’ils sont définis au I du présent article ».

II. – Après le premier alinéa de l’article L. 5553-11 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’exonération de la contribution d’assurance contre le risque de privation d’emploi prévue au premier alinéa du présent article s’applique sur la base du taux de cette contribution ne tenant pas compte des dispositions prévues aux deuxième à dernier alinéas de l’article L. 5422-12 du code du travail. »

III. – Au 1° de l’article L. 5422-12 du code du travail, après le mot : « démissions », sont insérés les mots : «, des contrats de travail et des contrats de mise à disposition conclus avec une structure d’insertion par l’activité économique mentionnée à l’article L. 5132-4 » et les mots : « du même » sont remplacés par les mots : « de l’ ».

IV. – Le présent article est applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon.

V. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2021.

L’article 115 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est ainsi modifié :

1° Au I et à la fin du V, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2023 » ;

2° Le VI est ainsi rédigé :

« VI. – Au plus tard le 30 juin 2021, le Gouvernement remet au Parlement un rapport intermédiaire sur les conditions d’application de ce dispositif à la date de sa présentation.

« Au plus tard le 30 juin 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport final sur les conditions d’application de ce dispositif et sur son éventuelle pérennisation.

« Les rapports mentionnés aux deux alinéas précédents sont établis après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs et après avis de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle. »

Au premier alinéa du VI de l’article 28 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».

À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, les comités sociaux et économiques des structures mentionnées à l’article L. 5132-4 du code du travail dont les effectifs représentent au moins onze salariés selon les modalités de calcul des effectifs prévues aux articles L. 1111-2 et L. 2301-1 du même code peuvent mettre en place une commission « insertion ».

Cette commission comprend :

1° Un représentant de l’employeur ;

2° Au moins un membre de la délégation du personnel et une délégation de salariés en parcours d’insertion désignés par le comité social et économique à la majorité des membres présents parmi les salariés volontaires, âgés de seize ans révolus, inscrits dans un parcours d’accompagnement dans la structure et ayant travaillé depuis un mois au moins au sein de celle-ci.

Un accord conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 2232-12 du code du travail définit :

1° Le nombre de membres de la commission ;

2° La durée pour laquelle ils sont désignés ;

3° Les modalités de fonctionnement de la commission, notamment la fréquence des réunions et la limite dans laquelle le temps passé en réunion est considéré comme du temps de travail effectif ;

4° Les informations mises à la disposition des membres de la commission par l’employeur ainsi que les mesures d’accompagnement qu’il met en œuvre au titre de l’accompagnement social et professionnel des salariés en insertion membres de la commission ;

5° Le cas échéant, les moyens alloués à la commission.

En l’absence d’accord, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le règlement intérieur du comité social et économique définit les modalités mentionnées aux 1° à 5°. Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, elles sont définies par accord entre l’employeur et la délégation du personnel.

La commission est chargée de préparer les réunions et les délibérations du comité sur les questions d’insertion. Elle contribue également à promouvoir les dispositions légales et stipulations conventionnelles applicables aux salariés en parcours d’insertion. Elle débat sur les conditions de travail de ces salariés ainsi que sur la qualité des parcours proposés par la structure en matière d’insertion.

L’expérimentation prévue au présent article fait l’objet d’une évaluation chaque année jusqu’à son terme.

(Supprimés)

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Personne ne demande la parole ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je me félicite de l’adoption de ce texte et je salue, comme d’autres l’ont fait, le travail des rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat, et en particulier de Frédérique Puissat, qui a travaillé cet été sur ce texte, un peu seule, pour nous fournir des éléments très importants qui, même s’ils n’ont pas été repris par la commission mixte paritaire, constituent de bons jalons dans la perspective de la poursuite de l’expérimentation.

Je remercie également Mme la ministre pour son regard bienveillant sur les transactions et les concessions qui ont été faites de part et d’autre. Merci vraiment, aussi, à tous nos collègues, ainsi qu’aux administrateurs de la commission.

Debut de section - Permalien
Brigitte Klinkert

Je remercie le Sénat du travail important réalisé sur ce texte, sous l’égide de Mme le rapporteur, que je tiens à saluer tout particulièrement.

C’est un texte important que vous venez d’adopter dans un contexte, hélas, de crise sanitaire et économique. Cette proposition de loi est un signe d’espoir et une réponse concrète pour les personnes éloignées de l’emploi, pour les personnes les plus fragiles. C’est un pas de plus pour ne laisser personne sur le bord du chemin, et je tiens à vous remercier pour son adoption très large.

Mmes Catherine Deroche, présidente de la commission, et Frédérique Puissat, rapporteur, applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Pierre Laurent.