Intervention de Gilbert Bouchet

Réunion du 4 novembre 2020 à 15h00
Accord avec l'inde relatif aux stupéfiants — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Gilbert BouchetGilbert Bouchet :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France entretient avec l’Inde une relation bilatérale ancienne, fondée sur la confiance et le partage de valeurs communes. Cette relation s’est enrichie ces dernières années, avec la multiplication de rencontres de haut niveau.

En 1998, l’Inde et la France ont conclu un partenariat stratégique global, qui a mis en place une coopération étroite dans les secteurs de la diplomatie de la défense. Il s’est traduit par la conclusion, en 2016, d’un contrat d’acquisition de trente-six avions de combat Rafale, dont le premier a été livré en octobre 2019.

Notre coopération est intense dans les domaines de la sécurité, du nucléaire civil et de l’énergie. Un dialogue stratégique réunit les deux parties au plus haut niveau deux fois par an. L’Inde occupe une place importante dans la stratégie de défense française en Indopacifique.

S’agissant de la lutte contre les trafics de drogue, l’Inde y prend une part active, notamment en participant aux travaux de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, ainsi qu’à l’initiative du Pacte de Paris, lancée en 2003 pour lutter contre le trafic d’opiacés en provenance d’Afghanistan.

Compte tenu de son poids démographique et de son positionnement géographique, l’Inde est un acteur régional majeur de la lutte contre les flux illicites de produits stupéfiants, dont elle est à la fois un pays de consommation, de transit et de production.

Comme en France, on y observe une augmentation de la consommation de drogues, qu’il s’agisse d’héroïne, d’opioïdes détournés de leur usage médical ou encore de cannabis.

De par sa situation à proximité du Triangle d’or et surtout du Croissant d’or, zone de production d’opium la plus importante au monde, l’Inde est l’une des principales routes pour le trafic international d’héroïne à destination de la Chine et de l’Asie du Sud-Est, mais aussi de l’Australie et de l’Amérique du Nord. L’Inde se situe aussi sur la route sud par laquelle transiteraient environ 10 % des opiacés à destination de l’Europe et de la France.

Enfin, l’Inde, deuxième leader mondial des médicaments génériques derrière la Chine, avec 20 milliards de dollars d’exportations annuelles cette année, connaît de nombreux détournements de médicaments par des organisations criminelles. Sont concernés notamment l’éphédrine et certains antalgiques, comme le Tramadol, qui sont consommés comme drogues, sans parler des médicaments contrefaits par des entreprises installées sur le territoire indien.

Cet accord bilatéral est le premier engagement juridiquement contraignant conclu avec l’Inde en matière de coopération policière. Il s’agit d’un accord sectoriel, portant exclusivement sur la prévention de la consommation illicite et la réduction du trafic illicite de stupéfiants.

Il sera mis en œuvre en parfaite cohérence avec les engagements bilatéraux liant nos deux États dans le domaine de l’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition : la convention bilatérale d’entraide judiciaire pénale du 25 janvier 1988 et la convention bilatérale d’extradition du 24 janvier 2003.

La commission s’est naturellement penchée avec la plus grande attention sur l’applicabilité de la peine de mort, proscrite par notre Constitution, mais encore en vigueur en Inde.

La convention d’extradition de 2003 permet déjà expressément à la France de refuser la remise d’un individu demandée par l’Inde en l’absence de garantie que la peine de mort ne sera pas prononcée, a forti ori exécutée.

Comme l’accord d’entraide judiciaire de 1988, l’accord que nous examinons aujourd’hui contient des dispositions supplémentaires permettant, comme M. le secrétaire d’État l’a expliqué, d’opposer un refus aux demandes de coopération si elles devaient aboutir à l’exécution de la peine capitale par l’Inde.

Au demeurant, en l’absence même de toute clause expresse, l’ordre public français et les engagements internationaux de la France s’opposent à ce que notre pays puisse apporter son aide en matière pénale aux États dans lesquels une personne mise en cause est exposée à la peine capitale ou à des traitements inhumains ou dégradants.

Quant aux stipulations relatives à la protection des données personnelles, elles apportent un haut niveau de garantie, dans la mesure où la communication de ces données aura lieu dans le strict respect de la législation nationale et des procédures définies par le droit interne.

En outre, les échanges d’informations prévus par le présent accord ne seront pas, par nature, liés à une enquête spécifique en cours ou à un dossier relatif à une personne en particulier, mais porteront davantage, s’agissant de la coopération opérationnelle, sur la structure d’une organisation criminelle, son mode opératoire ou les techniques de blanchiment d’argent.

Cet accord de coopération nous a semblé un instrument utile dans la lutte contre le trafic de drogue. Son approbation est attendue par les services des ministères des affaires étrangères, de l’intérieur et de la justice.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

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