Intervention de Olivier Cadic

Réunion du 4 novembre 2020 à 15h00
Accord avec l'inde relatif aux stupéfiants — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Olivier CadicOlivier Cadic :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes. Cet accord s’inscrit dans une relation bilatérale avec l’Inde, relation qui s’est enrichie ces dernières années par la multiplication de rencontres de haut niveau. De partenaire naturel théorique, l’Inde est devenue l’un des axes déterminants de la stratégie française en Indopacifique.

Depuis 2005, la France soutient activement la candidature de l’Inde au titre de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.

En matière de défense, la France a conclu en 2016 un contrat d’acquisition de trente-six Rafale, dont le premier a été livré au mois d’octobre 2019. Dans le secteur énergétique, un accord de coopération a été signé entre EDF et Nuclear Power Corporation of India Limited, prévoyant notamment l’implantation de six réacteurs de type EPR.

L’Inde est aussi un pays allié et ami qui se tient aux côtés de la France. La chaleur du communiqué de condoléances et de soutien que nous a adressé l’ambassade d’Inde à la suite de l’attentat horrible contre le professeur Samuel Paty et des attaques personnelles inacceptables contre le Président de la République a tranché avec le silence pesant de l’ambassade de Chine.

Compte tenu de son poids démographique de 1, 3 milliard d’habitants et de son positionnement géographique, l’Inde est un acteur régional majeur de la lutte contre les flux illicites de produits stupéfiants et de faux médicaments.

Sa situation la place à proximité du triangle d’or – Laos, Birmanie, Thaïlande – et surtout du croissant d’or – Iran, Afghanistan, Pakistan –, zone de production d’opium la plus importante au monde.

L’Inde est l’une des principales routes pour le trafic international d’héroïne, la route dite Sud par laquelle transiteraient environ 10 % des opiacés à destination de l’Europe et de la France.

Les flux illicites de stupéfiants produits en Inde vers la France consistent essentiellement en drogues de synthèse. Avec 20 milliards de dollars d’exportations en 2020, l’Inde est également le deuxième leader mondial de médicaments génériques, derrière la Chine, et connaît de nombreux détournements de médicaments par des organisations criminelles – c’est le cas de l’éphédrine et de certains antalgiques, comme le Tramadol, qui sont consommés comme drogues, sans parler des médicaments contrefaits par des entreprises installées sur le territoire indien.

Comme l’a rappelé notre collègue Hugues Saury en commission lors de l’examen du rapport de ce texte, ce phénomène se traduit par des centaines de milliers de morts chaque année, principalement en Afrique. Ces victimes sont le plus souvent des enfants.

Non seulement les médicaments de qualité inférieure ou falsifiés ont un impact tragique pour les malades et leurs familles, mais ils représentent aussi une menace en termes de résistance aux antimicrobiens.

Cet accord est nécessaire, parce qu’il constitue une occasion de promouvoir les actions de prévention et de traitement auprès de notre partenaire indien et parce qu’il permettra de combattre de véritables fléaux, notamment sur notre territoire national – le trafic de drogue, les problèmes de santé publique ou même le terrorisme. Comme l’a souligné le secrétaire d’État, il ne faut pas oublier le lien qui existe entre le trafic de drogue dans ces régions et le financement du terrorisme.

Notre collègue du groupe écologiste a formulé le reproche selon lequel cet accord n’opposerait pas suffisamment de garde-fous à l’application éventuelle de la peine de mort, toujours en vigueur en Inde. Il est vrai qu’aucune clause expresse ne figure dans cet accord, mais ce type de clause est traditionnellement réservé aux accords d’extradition et aux accords d’entraide judiciaire en matière pénale. L’accord d’extradition qui nous lie avec l’Inde comporte une telle clause, le Conseil d’État y a veillé.

L’application de la peine de mort est donc exclue par ces autres accords internationaux déjà ratifiés et entrés en vigueur, M. le secrétaire d’État et le rapporteur Gilbert Bouchet l’ont rappelé.

En tant que fervent abolitionniste de la peine de mort, je souhaite rappeler que, à la différence de son voisin chinois qui exécute environ un millier de personnes chaque année, la Cour suprême de l’Inde a estimé que la peine capitale ne saurait plus être prononcée qu’à titre exceptionnel. On dénombre vingt-six exécutions depuis 1991, sachant qu’un moratoire a été mis en place depuis 2015. Ces exécutions étant d’ailleurs sans lien avec le trafic de drogue ou de substances psychotropes, il nous apparaît qu’elles ne sauraient être un argument pour ne pas voter ce texte susceptible de contribuer à sauver de nombreuses vies.

En conséquence, le groupe Union Centriste votera ce texte.

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