Intervention de Rachid Temal

Réunion du 4 novembre 2020 à 15h00
Accord avec l'inde relatif aux stupéfiants — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Rachid TemalRachid Temal :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre relation avec l’Inde est devenue l’un des piliers majeurs de notre stratégie dans l’aire indopacifique. C’est parce que l’Inde est une grande puissance internationale qui s’inscrit dans le multilatéralisme que la France souhaite renforcer depuis plusieurs années un partenariat stratégique. De leur côté, les autorités indiennes sont de plus en plus favorables à un partenariat solide et durable avec la France.

Comme Ladislas Poniatowski, que je tiens à saluer, et moi-même le précisions dans le rapport d’information intitulé L ’ Inde, un partenaire stratégique, ce pays est une zone de rivalité entre la Chine et les États-Unis, mais aussi un détroit stratégique de passage, notamment de stupéfiants et de médicaments, dont l’impact se mesure partout dans le monde.

La France a souhaité maintenir un rôle de puissance d’équilibre dans cette zone indopacifique ; c’est une bonne chose. Nous avons également construit un partenariat stratégique avec l’Inde en matière militaire. Ces résultats positifs sont le fruit du travail engagé lors du précédent quinquennat.

En matière de politique environnementale, compte tenu de ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique, la création de l’Alliance internationale solaire, mais surtout la signature par l’Inde de l’accord de Paris méritent d’être rappelées.

C’est à l’aune de cette stratégie et de ce partenariat que nous devons étudier le texte qui nous est présenté aujourd’hui. Celui-ci prévoit le renforcement de la coopération entre la France et l’Inde en matière de lutte contre les stupéfiants et leur consommation illicite dans le cadre de la réduction de ces trafics.

Ce projet de loi prévoit à la fois la conduite d’actions de prévention et de lutte contre le trafic de drogue et de précurseurs chimiques, le contrôle et la surveillance de la production de ces précurseurs, la prévention de la consommation de drogue grâce à des campagnes de sensibilisation et la mise en place de politiques publiques, sanitaires et sociales auprès des personnes concernées.

C’est d’autant plus important que l’Inde est aujourd’hui une plaque tournante dans la production et le transit de drogue et de faux médicaments, avec de lourdes conséquences en termes de santé publique.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison de rappeler toute l’importance que nous avons accordée au traitement des données personnelles. Cet accord autorise des échanges de données personnelles dans le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD), l’Inde n’ayant pas à ce jour de législation en la matière.

J’en viens à la question sur laquelle le débat s’est focalisé en commission comme dans l’hémicycle : la peine de mort. Celle-ci est toujours théoriquement autorisée dans la législation indienne, même si, comme vous l’avez là encore rappelé, monsieur le secrétaire d’État, son application n’est de fait pas fréquente. Il reste que ce n’est pas sans nous interroger.

Si, ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, la partie française peut refuser d’accéder totalement ou partiellement à la demande d’informations des autorités indiennes, notamment au nom de nos engagements internationaux relatifs à la peine de mort, force est de constater que la partie indienne peut continuer à l’appliquer – rien ne l’en empêche. Concrètement, l’accord ne prévoit pas explicitement l’engagement de l’Inde à ne pas recourir à l’application de la peine de mort contre l’un de ses ressortissants, y compris dans le cas d’un renseignement délivré par la France.

Nous aurions souhaité que la partie française précise dans le texte son refus que ces échanges d’informations puissent entraîner une quelconque condamnation à la peine de mort. Il faudra y veiller au quotidien.

Cela est d’autant plus vrai que nous devons réaffirmer collectivement chaque jour davantage la volonté de la France de supprimer de toute législation la peine de mort, conformément à l’engagement pris par le candidat socialiste François Mitterrand, pour répondre à l’impérieuse nécessité de garantir le respect des droits fondamentaux de chaque individu et lui permettre de se prévaloir des droits énoncés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

C’est pourquoi, sur ce texte, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra. Permettez-moi de dire un mot sur le sens de cette prise de position afin d’éviter toute méprise : il ne s’agit en aucun cas d’une forme de fébrilité. Que ce soit clair, nous n’avons pas la main tremblante quand il s’agit de lutter contre toutes sortes de trafics – drogues ou médicaments frelatés –, et ce d’autant moins que nous connaissons les liens qui existent entre le trafic de drogue et le financement du terrorisme.

Par notre abstention, nous prenons une position politique : nous permettons l’adoption de cette convention tout en réaffirmant notre opposition formelle à la peine de mort et notre regret que le texte n’en fasse pas état.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion