Intervention de Sophie Primas

Réunion du 4 novembre 2020 à 15h00
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Photo de Sophie PrimasSophie Primas :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureuse de présenter aujourd’hui au vote de notre assemblée le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 29 octobre dernier.

Après des débats animés sur ce texte difficile, les députés et sénateurs membres de la commission mixte paritaire sont, à une très large majorité, parvenus à s’accorder sur un texte consensuel. Cet accord est clairement imputable au travail de compromis rapidement engagé avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Grégory Besson-Moreau, et ses équipes et, bien entendu, à la volonté du ministre de faire aboutir ce texte, « quoiqu’il en coûte » en matière médiatique, si vous me permettez l’expression. §Cet état d’esprit qui a permis la coconstruction d’un texte était nécessaire, car la situation était urgente.

Il en résulte un texte très clair.

D’une part, les néonicotinoïdes demeurent interdits en France ; leur interdiction a d’ailleurs été consolidée juridiquement par le projet de loi. Seule la filière betterave sucrière pourra bénéficier, par arrêté des ministres de la transition écologique et de l’agriculture, de dérogations pour l’usage de semences jusqu’au 1er juillet 2023, soit pour trois campagnes.

D’autre part, des garanties essentielles pour l’équilibre du projet de loi ont été annoncées lors de la navette parlementaire. Je pense au plan national de recherche et d’innovation pour accélérer la recherche d’alternatives aux néonicotinoïdes, au plan de prévention proposé par la filière et au conseil de surveillance.

La commission mixte paritaire a également consolidé le rôle du conseil de surveillance, modifiant en cela le texte adopté par le Sénat sur quelques points.

Il s’agit, d’abord, de changer légèrement la composition du conseil de surveillance pour le rendre plus efficace. Ne seront ainsi mentionnés dans la loi que les acteurs concernés par la problématique de la culture, et le ministre de la santé y sera associé. Le Gouvernement pourra, s’il le souhaite, ajouter d’autres acteurs.

Dans le même esprit, les parlementaires siégeant au sein de cette instance seront nommés non plus par les commissions compétentes, mais par les présidents des assemblées, afin de garantir la présence de membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et de membres de l’opposition.

Ensuite, la procédure de rédaction de l’arrêté de dérogation a été simplifiée pour répondre aux impératifs d’urgence.

Par ailleurs, considérant que la rédaction retenue posait des difficultés opérationnelles, notamment au regard du droit européen, la commission mixte paritaire a proposé de supprimer l’article 3, ajouté par le Sénat, qui prévoyait une étude d’impact sur l’ensemble des alternatives avant la décision de toute interdiction.

Enfin, le Sénat a adopté un amendement ayant un lien avec l’interdiction des néonicotinoïdes réaffirmée dans ce texte. Le principe d’une interdiction d’un produit phytopharmaceutique en raison de ses dangers pour l’environnement ou pour la santé ne doit pas pénaliser uniquement les agriculteurs français. Nous avons donc adopté à l’unanimité un amendement essentiel rappelant explicitement au ministre de l’agriculture, si besoin en était, qu’il dispose du pouvoir, en cas de danger sanitaire ou environnemental et en l’absence de mesure européenne, de suspendre les importations de denrées alimentaires ne respectant pas les normes européennes, notamment en raison de l’usage de produits phytopharmaceutiques interdits.

C’est une avancée en matière de lutte contre les importations déloyales et un signal fort envoyé par la France à l’Union européenne, notamment à l’heure où la politique agricole commune est en cours de renégociation. L’article 44 de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim, est donc renforcé, consolidé. La commission mixte paritaire a souhaité conserver cet article ; j’en remercie l’ensemble des groupes du Sénat et nos collègues députés.

Telles sont les grandes lignes du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. Si elles sont adoptées aujourd’hui, le travail ne s’arrête pas là pour autant, monsieur le ministre. Sur le sujet spécifique de la betterave et du sucre, outre la publication des textes réglementaires qui devront respecter des délais imposés par l’urgence, les betteraviers et – j’y insiste – les industriels attendent l’annonce d’un plan d’indemnisation pour les dissuader de ne pas planter l’année prochaine.

D’autres filières sont dans l’impasse technique. Le Sénat vous a signifié à plusieurs reprises son inquiétude sur les autres filières orphelines, monsieur le ministre. Le texte de la commission mixte paritaire permet de faire du conseil de surveillance une instance de suivi de toutes les filières ayant utilisé dans le passé des néonicotinoïdes. Sur invitation de son président, cette instance pourra ainsi étudier les avancées de la recherche sur les autres filières, comme la filière de la noisette, sans pour autant leur octroyer de dérogations. Ainsi les plus petites filières, moins puissantes mais tout aussi importantes pour la diversité de l’agriculture et la régionalisation de celle-ci, pourront-elles être entendues et suivies.

Enfin, vous le savez, monsieur le ministre, nous avons longuement insisté sur une véritable stratégie de recherche pour toutes les filières qui sont dans une impasse technique. Nous attendons des actes très concrets.

Toutes ces questions restent ouvertes et elles nourriront sans doute les débats à venir. Pour aujourd’hui, il me semble que le texte issu de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi est équilibré. Il apporte une réponse pragmatique et adaptée à la crise connue par la filière betteravière, tout en posant la question directement liée de la stratégie plus globale suivie par la France, notamment à l’égard des produits importés.

C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce texte.

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