Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire s’est réunie, jeudi dernier, pour débattre du texte relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques, en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières. Nous nous félicitons qu’elle soit parvenue à un accord.
Les parlementaires ont su faire preuve de consensus face à l’importance des enjeux liés à la dérogation accordée à la filière betteravière sucrière. Ils ont également mesuré l’importance qu’il y avait à agir sans tarder non seulement pour sauver la filière, mais aussi pour sauvegarder notre souveraineté alimentaire nationale.
En effet, le choix que nous avons fait, dans cet hémicycle, le 27 octobre dernier, d’autoriser la possibilité de dérogations répond aux deux impératifs de la préservation de notre souveraineté alimentaire et de la transition agroécologique.
Encore une fois, puisque la pédagogie est l’art de la répétition, il ne s’agit en aucun cas de réintroduire les néonicotinoïdes, dont 92 % des usages préalables resteront interdits.
Il ne s’agit pas non plus d’une porte ouverte vers davantage de dérogations, puisque le texte les circonscrit aux seules betteraves sucrières. Il précise, en outre, clairement que les dérogations d’utilisation de produits phytopharmaceutiques ne seront possibles que sur décision commune des ministères de l’agriculture et de la transition écologique. Le comité d’évaluation des avancées de la filière aura un rôle essentiel : la dérogation sera circonscrite à la seule betterave sucrière et limitée dans le temps, jusqu’en 2023. Seul l’enrobage des semences sera possible, à l’exclusion de toute pulvérisation. Les semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs seront temporairement interdits après l’emploi de ces semences.
Ces derniers jours, nous avons entendu des propos qui minimisaient l’impact de la jaunisse sur les cultures betteravières et traitaient avec légèreté la perte des exploitants. Pourtant, au moment où le pays se reconfine, la préservation de nos richesses et champions nationaux est d’autant plus essentielle.
Au 20 octobre dernier, par exemple, selon les chiffres issus des délégués interministériels de la filière betterave-sucre-alcool, certaines pertes pouvaient atteindre de 70 % à 80 % de la production. J’entends déjà s’élever les contestations sur ces chiffres. S’il est vrai que la situation n’est pas homogène dans l’ensemble du territoire, devons-nous pour autant envisager le problème du côté du moins grave ?
Afin de préserver nos producteurs de la concurrence des pays extérieurs à l’Union européenne et des normes qui y sont applicables, la commission mixte paritaire a conservé l’article proposé par Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques, habilitant le pouvoir exécutif à suspendre ou à fixer les conditions particulières à l’introduction, l’importation et la mise sur le marché, en France, de denrées alimentaires ou de produits agricoles qui contiennent des substances interdites sur notre sol. Dans la droite ligne de l’article 44 de la loi Égalim, il interdit l’importation, la circulation et la vente des produits qui ne respectent pas les normes de production françaises.
En effet, nos concitoyens ont des exigences nouvelles au sujet des produits qu’ils consomment. Cependant, les agriculteurs utilisent les produits phytosanitaires, non par plaisir, mais pour protéger leur production, dont le coût doit leur permettre de faire face à la concurrence. Il n’est donc pas possible, à moins de renoncer à toute forme de concurrence libre et non faussée, de leur imposer de nouvelles normes sans interdire la commercialisation des produits qui ne respectent pas scrupuleusement ces normes.
Par conséquent, l’article 44 de la loi Égalim doit s’appliquer à l’échelon européen et doit devenir la règle incontournable de l’ensemble des négociations commerciales internationales, grâce aux contrôles très stricts qui seront mis en place.
Cette garantie est essentielle pour les agriculteurs : il faut harmoniser les normes de production à l’échelle européenne. Le récent accord que vous avez obtenu dans la négociation de la politique agricole commune, s’inscrit tout à fait dans cette exigence, monsieur le ministre.
C’est donc pour assurer la nécessaire préservation de notre souveraineté agricole et alimentaire et pour accompagner les agriculteurs dans la transition écologique, sans en rester au stade de l’incantation, que le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, dans sa majorité, votera ce texte.