Intervention de Jean-Claude Tissot

Réunion du 4 novembre 2020 à 15h00
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Photo de Jean-Claude TissotJean-Claude Tissot :

Monsieur Louault, le fait que nous ne soyons pas d’accord ne signifie pas forcément que je dis des choses fausses !

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord. Même si le Parlement doit faire face à une actualité chargée, entre l’urgence sanitaire et les exigences du calendrier budgétaire, ce texte ne doit pas pour autant être traité avec légèreté. Avant de l’adopter, nous devons mesurer l’étendue de la brèche qu’il ouvre dans notre législation.

De très nombreux acteurs agricoles et économiques ont, malgré leurs réticences, appliqué l’interdiction des néonicotinoïdes. Ils se sont saisis des quatre années de transition pour revoir leurs pratiques et rechercher des alternatives. Quel message leur envoyons-nous : qu’en s’abstenant de tels efforts, ils auraient pu obtenir de pouvoir déroger à la loi ?

Plus largement, un tel retour en arrière est un précédent redoutable pour toutes nos prochaines législations environnementales.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement ne tourne pas seulement le dos au long processus qui a conduit à la loi de 2016 sur la biodiversité, il enterre aussi un principe fort, inscrit depuis 2005 dans notre loi fondamentale, au sein de la Charte de l’environnement : « Les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins. »

Je ne reviens pas sur les éléments scientifiques qui montrent à quel point les néonicotinoïdes compromettent la biodiversité. Depuis leur introduction dans notre pays, 300 000 ruches sont anéanties chaque année, 85 % des populations d’insectes et un tiers des oiseaux des champs ont disparu.

Certes, on ne saurait nier les « besoins du présent » auxquels ce texte prétend répondre. Il convient d’aider, sans délai, une filière qui craint une baisse de 15 % de son volume de production en 2020, en raison de la crise de la jaunisse de la betterave. Pour autant, la réponse à ce besoin immédiat ne peut évidemment pas être l’utilisation de produits qui n’auront d’effet que sur la prochaine récolte.

Comme pour d’autres filières confrontées à des catastrophes, la création d’un fonds de solidarité destiné à compenser les pertes serait bien plus adaptée. Nous le chiffrons à environ 100 millions d’euros.

Il faudra également soutenir cette filière à moyen et long termes, car elle connaît de lourdes difficultés depuis quatre ans, qui sont les conséquences de la suppression des quotas sucriers et du prix minimum garanti.

Les premières fermetures d’usine et suppressions d’emploi ont eu lieu alors que les néonicotinoïdes étaient encore utilisés par les betteraviers. Comment croire alors que leur réintroduction sera une réponse à des difficultés d’ordre structurel ?

Selon nous, une réponse à la hauteur des enjeux consisterait plutôt à accompagner la filière vers une montée en gamme de la production sucrière, une véritable structuration et la mise en œuvre de pratiques agriculturales adaptées pour faire face aux ravageurs.

Ainsi, même au prix d’une régression environnementale qui fera précédent, ce projet de loi ne répond ni aux besoins immédiats ni aux besoins profonds de la filière betterave-sucre.

La Constitution prévoit que « la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ». Or ce texte ne fait que consacrer l’environnement comme une simple variable d’ajustement de problématiques économiques.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, à une exception, votera contre ce projet de loi.

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