Intervention de Angèle Préville

Réunion du 4 novembre 2020 à 15h00
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Photo de Angèle PrévilleAngèle Préville :

C’est avec regret, monsieur le ministre, que je repense à votre souhait de voir se concrétiser une « écologie de l’action et du réel ». Une « écologie de l’action et du réel » ne consiste pas à revenir sur des avancées réelles, indispensables, en matière de droit de l’environnement. Une « écologie de l’action et du réel », c’est un changement ambitieux des pratiques, qui ne s’affranchit pas des recommandations sanitaires et qui sait écouter : écouter la nature, écouter les véritables besoins des agriculteurs, mais aussi écouter la communauté scientifique, qui est, sur ce point, unanime.

Le danger des semences enrobées de néonicotinoïdes est établi, avéré. Une étude récente de chercheurs du CNRS montre que l’imidaclopride est un produit toxique qui se diffuse largement hors des parcelles traitées. C’est un constat grave. Ces néonicotinoïdes se retrouvent à des taux très élevés, notamment dans les vers de terre, pourtant artisans essentiels de nos écosystèmes. On imagine facilement les effets délétères non seulement pour ces organismes, mais encore pour leurs prédateurs occasionnels que sont les oiseaux.

Vous vous apprêtez ainsi à acter la contamination généralisée des sols, censés être exempts de substances de synthèse. Sous les assauts répétés et corrosifs des néonicotinoïdes, les sols ne sont tout simplement plus vivants. Autoriser de nouveau ces produits revient à acter une baisse inévitable de la biodiversité.

Nous nous interrogeons aussi sur la portée politique de vos actes. Nos concitoyens sont de plus en plus préoccupés par la santé, la leur comme celle de l’environnement puisqu’elles sont liées. Quant aux scientifiques, ils s’inquiètent du peu de cas que nous, les politiques, faisons de ce qu’ils nous disent, notamment sur les impacts que peuvent avoir nos décisions sur la santé humaine.

Si nous n’avons pas le monopole de l’écologie, vous n’avez pas le don de la clairvoyance. Voter ce texte, c’est participer au déclin écologique et à une certaine forme de résignation économique. Vous faites le choix d’une solution court-termiste et de facilité. Nous n’entérinerons pas la réintroduction d’un poison dans le sol, pour la simple et bonne raison qu’il est une menace pour la chaîne du vivant.

Je finirai en citant Jean-Marie Pelt et Gilles-Éric Séralini qui disent, à propos de l’édifice compliqué du vivant : « nous sommes en train d’[…] ôter les briques les unes après les autres en ignorant les conséquences de ce démontage à l’aveuglette, qui brise un à un les liens unissant la chaîne des êtres vivants. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion