Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis du débat très intéressant que nous avons eu au sein de cet hémicycle et en commission mixte paritaire à l’occasion de l’examen de la proposition de loi sur le renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Ce débat a en effet permis de mettre en lumière des dispositifs encore relativement méconnus, qui permettent à certains de nos concitoyens, marginalisés et éloignés du marché du travail depuis très longtemps, de ne pas sombrer complètement.
L’adoption de ce texte nous paraît opportune et nécessaire. Nous nous sommes abstenus en première lecture, car nous étions en désaccord avec certaines des propositions de Mme la rapporteure. Cependant, des avancées notables sont intervenues dans le cadre de la commission mixte paritaire et les verrous qui nous avaient conduits à nous abstenir ont sauté sous l’effort des négociations menées entre le Gouvernement et Mme la rapporteure, dont je salue le travail.
Ces avancées concernent notamment la confiance renouvelée aux acteurs de l’insertion par l’activité économique au sein du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », la mise en place d’une clause de revoyure et l’instauration d’un financement par les départements sous certaines conditions, une fois acquise pour le territoire la possibilité de se lancer dans l’expérimentation. Nous avons donc décidé de voter ce texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.
En ce qui concerne l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », les points de blocage les plus importants ont pu être levés. Ainsi, pour ce qui est du nombre de territoires participant à cette expérimentation, la clause de revoyure permettra de ne pas laisser au bord du chemin les territoires investis dans la démarche d’intégration au sein de l’expérimentation.
Nous sommes également satisfaits que la question du concours financier des départements – encore une fois, sous certaines conditions – ait été tranchée positivement.
Nous avons cependant quelques regrets, notamment l’absence de financement des comités locaux pour l’emploi par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. La question des moyens alloués à ces comités locaux pour l’emploi était pourtant essentielle : ils sont la véritable pierre angulaire de la dynamique territoriale que génère le projet. Il aurait fallu prévoir les moyens nécessaires à la bonne conduite de leurs missions et permettre au fonds d’expérimentation de financer une partie, et seulement une partie, de leurs charges de personnel. Nous pensons qu’il faudra combler cette lacune.
Nous avons un autre regret : l’évaluation du dispositif ne va pas peut-être pas jusqu’au bout de la démarche. Si nous saluons la prise en compte des externalités positives du projet, nous regrettons que le comité scientifique ait tendance à se focaliser sur la question des seuls coûts et qu’il ne les compare pas à ceux qu’entraîne le chômage de longue durée.
Ces réserves ne nous empêchent pas de saluer l’adoption à venir de ce texte dont les enjeux sont plus que jamais d’actualité. Avec les difficultés qui se profilent pour des millions de Français dans le sillage de la crise sanitaire, nous avons plus que jamais besoin que se déploient les solutions innovantes de l’économie sociale et solidaire, ainsi que les initiatives comme « territoires zéro chômeur de longue durée ».
Toutefois, madame la ministre, nous craignons que le Gouvernement n’avance d’un pas aujourd’hui pour reculer de deux demain.
L’année dernière, dans cette même enceinte, emmené par Joël Bigot, notre groupe a bataillé, avec d’autres, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, pour la création d’un fonds spécifique pour le réemploi solidaire. Il s’agissait de répondre à une demande forte du secteur associatif et de l’économie sociale et solidaire (ESS). Ce fonds a été créé dans un élan unanime au Sénat, preuve s’il en est qu’il répondait à une nécessité.
Les objectifs du texte que nous examinions alors rejoignent indiscutablement ceux de la présente proposition de loi. De la création de ce fonds au texte d’aujourd’hui, il y a une forte cohérence. Nous comprenons assez peu que le Gouvernement mette en péril l’efficacité de ce fonds en projetant de ne plus réserver l’intégralité de ses financements à l’économie sociale et solidaire, mais d’en sanctuariser 50 % pour la sphère marchande, hors ESS. L’effort qui devait se concentrer sur cette dernière en serait très largement amoindri. Or l’ESS, prometteuse et nécessaire, intensive en emplois, mais sujette à des difficultés que ne rencontre pas la sphère marchande, a besoin de leviers importants.
Par ailleurs, je ne peux m’empêcher de remarquer, avec un peu de malice, que les contrats aidés sont rentrés dans les bonnes grâces du Gouvernement, alors qu’on ne leur trouvait plus aucune vertu en 2017. Cependant, le temps est à l’efficacité et non plus à la malice ; je ferai donc part de notre satisfaction de voir aboutir toute mesure susceptible d’aider les plus précaires. Si nous saluons les avancées de la présente proposition de loi, nous nous devons aussi d’en appeler au Gouvernement pour qu’il garde à l’esprit la nécessité de maintenir un souci de cohérence dans le cadre des politiques qu’il choisit de mettre en œuvre.