Intervention de Daniel Chasseing

Réunion du 9 novembre 2020 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion générale

Photo de Daniel ChasseingDaniel Chasseing :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est dans un contexte de crise sanitaire et économique que nous examinons le PLFSS 2021, dont je félicite les rapporteurs. La situation nous rappelle combien le rôle des soignants et de l’hôpital est vital pour la prise en charge de toutes les pathologies, au-delà du covid.

Des lits ont été fermés depuis de nombreuses années. Les personnels soignants n’ont pas été revalorisés. En cinq ans, la production de soins a augmenté de 15 %, mais le personnel de seulement 2 %, 34 % du personnel des hôpitaux étant du personnel administratif. Les 35 heures, insuffisamment compensées par de l’emploi, ont réduit le relationnel au strict minimum et conduit à une dégradation des conditions de travail. À ce jour, 30 % des postes de praticiens sont vacants. Des milliers de postes d’infirmières de manipulateurs radio ne sont pas pourvus.

Nous devons réagir en agissant sur plusieurs leviers : le renforcement des effectifs, le financement des investissements, l’augmentation des salaires et la formation.

Le nombre de passages aux urgences a doublé en vingt ans. Nous pouvons comprendre la volonté du Gouvernement de désengorger les urgences avec un forfait payant, mais, si nous ne développons pas et ne coordonnons pas l’offre de soins dans les territoires sous-dotés, cette pénalisation n’aura aucun impact.

Le budget 2020 se caractérise par un déficit de la sécurité sociale qui s’élève à 49 milliards d’euros, dont 32 milliards d’euros pour la branche maladie et 10 milliards d’euros pour la branche retraite, des cotisations en baisse, un surcoût lié au covid et une augmentation de 9 % de l’Ondam.

En 2021, le déficit sera de 28 milliards d’euros, dont 19 milliards d’euros pour la maladie et 7 milliards d’euros pour les retraites. Le PLFSS assure la prise en charge des mesures issues du Ségur de la santé, à hauteur de 8, 8 milliards d’euros, et améliore la rémunération des soignants à l’hôpital et en Ehpad.

Je rappelle que l’Ondam n’a augmenté que de 2 % entre 2012 et 2017, alors que le rythme naturel de la hausse des dépenses était supérieur à 4 % par an. Cela a entraîné un surendettement des hôpitaux, confrontés à la nécessité d’investir. L’aide de l’État est très attendue dans de nombreux établissements : elle s’élèvera à 13 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront 6 milliards d’euros du plan de relance.

Concernant la cinquième branche de l’assurance maladie, nous trouvons légitime que le financement soit pris en charge par la solidarité nationale, pour une équité sur tout le territoire. Elle sera dotée de 31 milliards d’euros et portée par la CNSA. Elle financera l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé. En 2024, 0, 15 point de CSG lui sera affecté.

Cela nous paraît très insuffisant. Nous savons combien les pensionnaires des Ehpad sont dépendants. Le GIR moyen pondéré (GMP) s’élève, partout, à 750 environ. Déjà en 2006, Philippe Bas, alors ministre de Jacques Chirac, estimait que le nombre d’emplois devait doubler en cinq ans dans les établissements dont le GMP avoisinait 800. L’affectation de 0, 15 point de CSG devrait, dès 2021, apporter 2 milliards d’euros pour 10 % de personnels soignants supplémentaires. Elle s’élèvera à 6 milliards d’euros en 2024.

La prise en charge de la dépendance doit être améliorée, avec une augmentation des crédits dédiés au maintien à domicile et à la formation en établissement, parallèlement à une valorisation des acquis de l’expérience et un développement de l’apprentissage. Le Gouvernement a proposé une revalorisation de 15 % et un cofinancement avec les conseils départementaux, mais la forte augmentation du RSA entraînera pour ces derniers des difficultés budgétaires.

Le nombre de personnes en perte d’autonomie va passer de 2, 5 millions à 5 millions en 2050. Il est nécessaire de proposer un grand plan national d’adaptation des logements.

Nous espérons, monsieur le ministre, que les 92 milliards d’euros affectés en provisions pour couvrir les déficits de la sécurité sociale suffiront, même si la perspective d’un déficit à 20 milliards d’euros nous inquiète.

S’agissant de la dégradation de la branche retraite, nous sommes favorables à une concertation des partenaires sociaux, comme le propose notre collègue René-Paul Savary.

Nous sommes également favorables aux propositions d’Élisabeth Doineau concernant le soutien aux familles.

Nous souhaitons que l’amendement tendant à obliger les jeunes médecins à exercer six mois en désert médical, adopté par le Sénat et en CMP en 2019, soit retenu. Nous présenterons un amendement tendant à ce que les personnels travaillant en services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et dans le secteur du handicap bénéficient eux aussi des propositions du Ségur de la santé.

Monsieur le ministre, nous saluons votre engagement quotidien dans la crise du covid, que personne n’avait vu venir, tout comme l’ampleur de cette deuxième vague.

Je veux féliciter le personnel pour ses capacités d’adaptation et pour l’anticipation dont il a fait preuve dans les hôpitaux, ainsi que j’ai pu le constater dans mon département à la fin de la semaine dernière.

Permettez-moi de vous poser une double question : pourquoi ne décide-t-on pas l’utilisation massive de tests antigéniques par les professionnels, y compris les pharmaciens, afin notamment de détecter les cas asymptomatiques – ils sont nombreux chez les jeunes –, que l’on pourrait ainsi isoler ? pourquoi refuser l’utilisation de ces tests par les agences régionales de santé (ARS) pour les personnels et les pensionnaires des Ehpad ?

Outre les crédits affectés au covid, ce PLFSS marque quelques avancées : augmentation de 183 euros mensuels pour les soignants, hausse du nombre de lits d’hospitalisation, modification de la tarification à l’activité (T2A), notamment aux urgences, maisons de naissance, congé paternité, augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, intensification de la lutte contre la fraude…

Cependant, je regrette que la cinquième branche, consacrée à l’autonomie, ne soit pas financée davantage en 2021. Pourtant, en Ehpad, l’augmentation du nombre de soignants est une urgence ! Ce projet de loi ne doit pas être une loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV) bis.

Il est également nécessaire de continuer à soutenir fortement l’hôpital et son personnel, afin de prendre en charge non seulement la covid, mais aussi toutes les autres pathologies chroniques et les urgences chirurgicales et médicales qui ne peuvent être différées.

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