Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 16 novembre 2009 à 21h30
Recherches sur la personne — Article 1er

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

En procédant à un mélange des genres entre des recherches de nature différente, cet article tend à banaliser les recherches biomédicales, ce qui risque d’être préjudiciable à la protection des personnes, en raison notamment de la dénaturation du rôle des CPP.

En effet, si ce texte crée bien un socle commun à l’ensemble des recherches sur la personne, il ne permettra pas pour autant, aux termes du rapport de Mme Hermange, « aux comités de protection des personnes de juger du caractère éthique de toutes les recherches menées et [ne] mettra [pas] fin aux contournements possibles par le jeu des qualifications entre recherche biomédicale, recherche en soins courants et recherche observationnelle ».

Pour les recherches interventionnelles qui ne portent pas sur les médicaments et ne comportent que des risques et des contraintes minimes – nous vous avons d’ailleurs interrogée sur la notion de « contraintes minimes », madame la ministre –, comme pour les recherches non interventionnelles, les chercheurs pourront saisir à leur guise les comités de protection des personnes. En effet, si ces derniers auront peut-être besoin d’un avis favorable du comité de protection des personnes pour publier les résultats de leurs recherches, il n’en ira pas de même pour mettre celles-ci en œuvre !

La raison en est simple : si l’article 1er complète bien l’article L. 1121-4 du code de la santé publique, en prévoyant que ces recherches ne peuvent être mises en œuvre qu’après avis favorable du comité de protection des personnes, en revanche aucune sanction pénale n’est prévue en cas de manquement à cette obligation ! La proposition de loi limite le champ de l’infraction aux seules recherches interventionnelles, qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par la prise en charge habituelle. Est-ce un oubli ? L’absence de sanction ne peut que rendre nulle la volonté que vous affichez de protéger les personnes participant à des recherches impliquant la personne humaine et rétablira l’opacité qui entoure certaines pratiques.

Par ailleurs, un amendement tendant à ouvrir, par voie dérogatoire, la possibilité d’effectuer des recherches sur des personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale a été adopté à l’article 1er. Nous avons souligné que nous ne pouvons l’accepter. En effet, il s’agira bien souvent de personnes migrantes ou sans papiers. Comment pourra-t-on les identifier et les retrouver pendant la durée de la recherche, qui pourra atteindre plusieurs mois ? Ces personnes auront-elles la certitude de pouvoir rester sur le territoire français pendant cette période ou seront-elles toujours expulsables ? De deux choses l’une : ou bien elles sont expulsables, et à quoi bon alors les intégrer au protocole de recherche ; ou bien elles ne le sont pas, ce qui risque de les amener à accepter de participer à un protocole de recherche pour bénéficier d’un traitement, d’une part, et pour éviter d’être reconduites à la frontière, d’autre part.

Enfin, comment, en cas de problème, retrouvera-t-on les personnes ayant participé à un protocole de recherche une fois qu’elles auront été reconduites à la frontière ? Quels seront leurs moyens de recours ? Comment pourront-elles faire valoir leurs droits en cas de problème lié au protocole de recherche ?

Comme nous n’avons obtenu aucune réponse à ces questions, et même si nous reconnaissons que, grâce au travail de la commission des affaires sociales, ce texte contient des avancées très importantes par rapport au texte de l’Assemblée nationale, nous nous abstiendrons sur cet article. Toutefois, il s’agit d’une abstention plutôt positive. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion