Mes chers collègues, nous sommes réunis à nouveau pour examiner le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière. Comme vous le savez, le 22 octobre dernier, la commission mixte paritaire (CMP) n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun. Ce sont les dispositions de protection des consommateurs sur les plateformes numériques, prévues à l'article 4 bis, qui ont constitué la pierre d'achoppement. Les députés de la majorité n'ont pas souhaité reprendre ces dispositions, issues elles-mêmes d'une proposition de loi de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, estimant inopportune une initiative française en la matière. Les députés privilégient un accord européen - que nous appelons tous de nos voeux -, mais qui risque de prendre du temps à être trouvé.
C'est pourquoi, la semaine dernière, le projet de loi a été examiné à nouveau par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, sur la base du texte qu'elle avait adopté en octobre dernier. Sur les trente-quatre articles restant en discussion, l'Assemblée nationale en a adopté vingt-cinq sans modification. Sans surprise, elle a maintenu la suppression de l'article 4 bis. Huit articles ont par ailleurs été adoptés avec des modifications, tandis que l'article 16 a été rouvert pour corriger une référence, afin de tenir compte d'un texte entré en vigueur entretemps. Pour mémoire, en première lecture, l'examen de douze articles avait été délégué à la commission des affaires économiques, qui ne s'est pas saisie en nouvelle lecture. Il me revient donc de vous faire part de mon point de vue et de mes propositions sur l'ensemble du texte restant en discussion.
Étant donné que nous avons déjà eu l'occasion de les évoquer, je ne reviendrai pas de façon exhaustive sur les différentes modifications adoptées par l'Assemblée nationale en première, puis en nouvelle lecture. Je souhaiterais insister sur deux points.
Concernant l'article 13, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a étendu le périmètre de la demande initiale d'habilitation. Il s'agit de transposer une directive adoptée en octobre dernier : le Gouvernement entend ainsi profiter du texte en navette pour y glisser une nouvelle habilitation. Cela ne me semble pas être une manière de procéder et pose de surcroît des difficultés juridiques au regard de la jurisprudence dite de « l'entonnoir » du Conseil constitutionnel. Aucune des deux assemblées n'avait été saisie de cette demande d'habilitation en première lecture. C'est pourquoi je vous propose un amendement pour supprimer cet ajout.
Le second point concerne l'article 4 bis, cause de l'échec de la commission mixte paritaire. Nos collègues Sophie Primas et Laurent Duplomb proposent de rétablir l'article 4 bis issu de la proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace, qui prolonge les articles du projet de loi ayant pour objet de renforcer la protection du consommateur. Je rappelle que cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par le Sénat et cosignée par plus de la moitié des sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. L'enjeu est à la fois de conférer davantage de pouvoir au consommateur en ligne en ouvrant le champ des possibles et de donner, par voie de conséquence, plus de place à l'innovation sur des marchés numériques dominés par quelques géants. L'amendement propose ainsi de consacrer un principe dit de « neutralité des terminaux » et de favoriser l'interopérabilité des plateformes. Enfin, il prévoit de consacrer un article du code de la consommation à la lutte contre les interfaces trompeuses, toutes ces conceptions d'interface en ligne qui manipulent nos choix - l'exemple type est celui de la case pré-cochée. Notre désaccord en CMP portait sur un point de méthode : le Gouvernement ne veut pas agir au niveau national, car une proposition de texte rejoignant ces orientations doit être présentée début décembre par la Commission européenne. De plus, il semble que le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques souhaite apposer son empreinte sur un texte national, mais c'est méconnaître le fonctionnement communautaire : l'Europe, c'est le temps long, en particulier sur ces sujets d'encadrement du numérique - songeons au règlement général sur la protection des données (RGPD) !
Ce qui nous est proposé est donc l'occasion de faire de la France le fer de lance de cette adaptation de notre droit économique à l'économie numérique, en attendant qu'un texte soit adopté au niveau européen dans les années à venir. Ce texte arrive d'autant plus à point nommé que le débat fait rage autour du soutien aux petits commerces.