Intervention de Claude Nougein

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 novembre 2020 à 14h05
Projet de loi de finances 2021 — Examen des rapports sur les missions « gestion des finances publiques » « crédits non répartis » « transformation et fonction publiques » et sur le compte d'affectation spéciale « gestion du patrimoine immobilier de l'état »

Photo de Claude NougeinClaude Nougein, rapporteur spécial :

Je commencerai par la mission « Crédits non répartis », qui n'appelle que deux brèves remarques de ma part. Ses deux dotations sont prévues par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La première, la « dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles » bénéficie de la même ouverture de crédits depuis 2018, soit 124 millions d'euros. Il faut néanmoins rappeler qu'elle avait servi de réserve de budgétisation massive au début de la crise sanitaire, avec une augmentation de plus de 1,5 milliard d'euros votée dans la deuxième loi de finances rectificative (LFR) pour 2020. Cette réserve a permis d'abonder différentes missions par voie réglementaire pour des dépenses urgentes, dans l'attente d'un autre projet de loi de finances rectificative (PLFR). Notre commission s'est montrée attentive à ce que de telles dépenses soient bien liées à la crise sanitaire, et que le Parlement soit par ailleurs bien informé avant que les décrets de répartition ne soient publiés, ce qui fut le cas.

La seconde dotation, qui concerne la « provision relative aux rémunérations publiques », fait de nouveau l'objet d'une ouverture de crédits, afin de financer trois mesures : le versement de la prime de fidélisation en Seine-Saint-Denis ; le déploiement du forfait mobilité durable dans la fonction publique d'État ; ainsi que des revalorisations indemnitaires, décidées lors du rendez-vous salarial de la fonction publique d'il y a trois mois.

La ventilation des crédits entre ces trois mesures n'est pas précisée par les documents budgétaires. Pour nous, c'est un manque de transparence, alors que cette dotation atteint un montant exceptionnellement élevé : près de 200 millions d'euros en 2021, contre 26 millions d'euros en 2020 ! Il faut espérer que le Gouvernement les répartisse au cours du débat en séance. Malgré ces réserves, nous vous proposerons l'adoption des crédits de cette mission - un rejet ayant peu de signification.

J'en viens maintenant à la mission « Gestion des finances publiques », la plus importante budgétairement. Elle porte les crédits des deux grandes administrations de réseau du ministère de l'économie, des finances et de la relance, c'est-à-dire la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Elle porte également les crédits du secrétariat général du ministère et d'une pluralité de structures comme la direction du budget ou Tracfin.

Le périmètre de la mission est modifié dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, puisqu'elle perd le programme 148 « Fonction publique » rattaché à la mission « Transformation et fonction publiques ». Même retraités de cette mesure de périmètre, les crédits de la mission baissent entre les lois de finances pour 2020 et pour 2021 : de 1,11 % pour les autorisations d'engagement (AE) et de 1,28 % pour les crédits de paiement (CP). La mission continue donc de contribuer aux efforts de rationalisation de la dépense publique, certes bien rares dans ce PLF. Au total, ses crédits s'élèvent à environ 10 milliards d'euros.

La diminution des crédits provient principalement des dépenses de personnel, qui représentent 80 % des crédits de la mission. Ces dépenses diminueront de 1,42 % en 2021, du fait d'un schéma d'emplois négatif, attendu à -2 033 équivalents temps plein (ETP), dont -1 800 pour la DGFiP.

Les administrations de la mission ont été particulièrement mobilisées durant la crise sanitaire, je pense notamment à la DGFiP. La direction a dû continuer d'assurer ses missions traditionnelles essentielles, comme la gestion fiscale locale et nationale, tout en assumant de nouvelles missions. On lui a ainsi confié la gestion du fonds de solidarité, et elle a mené un travail de veille sur les entreprises, les collectivités locales et les hôpitaux.

Le secrétariat général du ministère a, quant à lui, joué un rôle de coordination très important, puisqu'il a, d'une part, coordonné les plans de continuité d'activité (PCA) des directions du ministère, et, d'autre part, coordonné le travail de la cellule de continuité économique.

Pour la DGDDI, les effets sont un peu plus particuliers et doivent être étudiés sous l'angle du Brexit. La crise sanitaire a conduit à une chute brutale du volume des échanges et des trafics, aériens comme routiers. Les effectifs ont dû être redéployés, de la même façon que les 600 ETP recrutés pour faire face au Brexit avaient dû être réaffectés après son report d'un an. Alors que le rétablissement de la frontière entre la France et le Royaume-Uni approche, les échanges moindres devraient rendre la période de transition plus facile pour la douane, qui craint beaucoup moins le risque d'embouteillages dans ces nouvelles conditions. Elle a même demandé à reporter en 2021 le recrutement des 100 derniers ETP qui devaient compléter ses effectifs face au Brexit. La direction craint en effet de les recruter pour rien, et qu'ils soient en surnuméraire.

Nous avons constaté, y compris durant nos auditions, que les crédits de la mission et de ces directions sont en réalité moins affectés par la crise sanitaire et économique que par les processus de transformation entamés par ces administrations bien avant la crise. Ces processus n'ont pas été reportés et la crise a même renforcé la nécessité de certains d'entre eux. Ils sont inscrits dans le plan de transformation ministériel publié en juin 2020 et sont suivis avec attention par le secrétariat général. Nous allons vous en présenter six.

Le premier concerne la réorganisation territoriale de la DGFiP et de la DGDDI, un sujet que nous abordons régulièrement à la commission. La DGFiP poursuit la mise en place de son nouveau « réseau de proximité », qui comprend trois axes. Le premier est la mise en place d'un réseau de 1 200 conseillers aux décideurs locaux d'ici à 2022 ; le deuxième est l'augmentation des points de contact de la DGFiP sur le territoire, par le biais d'une contractualisation avec les collectivités ; le troisième est la délocalisation de services des métropoles vers les villes moyennes. Les cinquante premières villes ont été choisies et les déménagements devraient avoir lieu entre 2021 et 2024. Pour la DGDDI, sa réorganisation tient compte des effets du Brexit, elle bascule ses emprises de l'est et du sud de la France vers les Hauts-de-France, avec l'ouverture de nouveaux bureaux et brigades.

Le second sujet concerne le transfert de la gestion du recouvrement de certaines taxes et impositions de la douane vers la DGFiP. Cette réforme doit s'accompagner de gains de productivité et d'efficacité. Deux millions d'euros sont en parallèle affectés à la création d'un portail unique de recouvrement fiscal et social pour les entreprises, un projet qui a pris du retard. Ce transfert impose aussi à la Douane de réfléchir à ce qui constitue son « coeur de métier », et nous soutenons son recentrage sur ses missions stratégiques : le contrôle des flux passagers et marchandises.

Le troisième enjeu concerne la gestion des ressources humaines, essentielle quand on se rappelle que la DGFiP et la DGDDI comptent à elles deux près de 117 000 emplois - environ 100 000 pour la DGFiP et 17 000 pour les douanes. Les transformations en cours appellent à la révision des règles de mobilité ou de rémunération. Des dispositifs d'accompagnement sont mis en place et pourraient s'avérer coûteux, mais nous manquons d'informations sur ce sujet, ce qui est regrettable. Je souligne par ailleurs que nous avons consacré un développement particulier à la gestion des ressources humaines par la DGDDI après un rapport de la Cour des comptes plutôt accablant sur ce point. La directrice a elle-même reconnu que le régime indemnitaire était assez catastrophique et l'a qualifié de « stratification indemnitaire ». Les règles de temps de travail ne sont pas non plus respectées dans toutes les branches, avec soit une durée de travail bien inférieure à la règle, soit bien supérieure, ce qui conduit certains personnels à avoir des centaines de jours à récupérer ! Heureusement, des réformes sont en cours.

Le quatrième processus de transformation concerne le recours accru aux nouvelles techniques d'analyse de données pour améliorer les résultats du contrôle fiscal. Le recours à ces techniques doit également permettre de détecter les cas de fraude les plus complexes. Comme je le rappelais avec notre ancien collègue Thierry Carcenac dans notre rapport d'information sur le contrôle fiscal, on manque encore d'indicateurs précis sur ce point.

Mon collègue Albéric de Montgolfier va évoquer les deux derniers processus de transformation en cours ainsi que la mission « Transformation et fonction publiques ».

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