Intervention de Laura Kövesi

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 novembre 2020 à 13h30
Justice et affaires intérieures — Audition de Mme Laura Kövesi premier chef du parquet européen

Laura Kövesi, Premier chef du Parquet européen :

La première lettre que j'ai envoyée aux États membres en 2019, lors de ma prise de fonction, demandait justement combien d'affaires susceptibles de relever du Parquet européen avaient été traitées au cours des quatre dernières années. Les réponses des différents États membres ont été très intéressantes, et parfois surprenantes. En effet, des États membres de taille comparable et recevant des volumes de financements européens comparables affichent des différences flagrantes. D'après ces réponses, nous estimons que nous allons recevoir environ 3 000 affaires dès le début de notre activité, mais je suis sûre que l'activité du Parquet européen conduira à mener davantage d'enquêtes et que nous constaterons une réduction des différences entre les États membres.

Pour répondre à votre deuxième question, il est évident que le règlement européen devrait être d'application directe, mais, dans les droits des différents États membres, il peut exister des spécificités qui exigent une transcription dans la loi nationale. D'après les échanges que nous avons concernant les nominations de procureurs délégués, je constate que certains États ont déjà adopté de telles législations tandis que d'autres n'ont pas encore terminé ce processus. En revanche, ce n'est pas mon rôle de préciser le nombre exact d'États membres qui sont en conformité, ce rôle revenant à la Commission européenne. Je peux simplement indiquer que l'Allemagne et la Slovaquie ont déjà envoyé des propositions en vue de nommer leurs procureurs délégués, car leur droit national a été adapté. En Roumanie, pays que je connais très bien, la situation est identique à celle de la France puisque le projet de loi est en cours d'examen et d'adoption.

Nous avons besoin de davantage de personnel dans trois domaines. Le premier est l'enregistrement des informations, notamment des plaintes et des rapports que nous recevons de la part des États membres. La deuxième catégorie de personnel à recruter est celle des analystes de cas, car nous allons utiliser des outils d'analyse statistique pour analyser de grandes bases de données d'éléments récoltés lors des enquêtes, mais également pour analyser les risques liés à l'octroi et à l'utilisation des fonds européens et prévenir la criminalité qui peut s'y associer. La troisième catégorie est celle des enquêteurs financiers, car l'une des priorités du Parquet européen sera d'obtenir des dommages et intérêts. Les enquêteurs financiers, parallèlement aux enquêtes en cours, enquêteront, à la demande des procureurs européens délégués, pour identifier les actifs qui pourront être saisis dans le cadre des demandes de dommages et intérêts, pour augmenter le montant potentiel des recouvrements. Leur travail sera donc complémentaire de celui mené par les enquêteurs nationaux, aussi bien par les officiers de police que par les procureurs européens délégués.

D'expérience, d'après ce que j'ai vu lors de mes précédentes fonctions, j'ai pu constater que les criminels détiennent très régulièrement des comptes bancaires et des actifs dans plusieurs États membre pour éviter d'être détectés. Ces enquêteurs financiers auront pour tâche de récupérer les actifs, d'établir leurs profils financiers, leur provenance et leur destination, d'identifier les flux et leur nature, ainsi que la structure de leur propriété. Ils devront aussi élaborer un corpus de bonnes pratiques dans ce domaine.

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