Intervention de Thierry Cozic

Réunion du 16 novembre 2020 à 16h00
Loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo de Thierry CozicThierry Cozic :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis une quatrième fois pour ce dernier projet de loi de finances rectificative.

Ce projet de loi, monsieur le ministre, répond de manière trop parcellaire aux attentes de notre pays. Or, à traiter la situation de manière parcellaire, la loi en devient partiale, c’est-à-dire qu’elle fait des gagnants et des perdants. Comme à l’accoutumée, en « Macronie », ce sont souvent les mêmes que l’on retrouve « derniers de cordée ».

Les grands perdants de cette loi, ce sont d’abord les commerces de petite et moyenne taille. Bien que nous ne contestions pas la nécessité d’agir en responsabilité, afin d’endiguer la crise sanitaire, nous nous interrogeons sur l’équité de vos décisions.

Les grandes surfaces sont grandes ouvertes, et elles captent toute la clientèle dans un espace clos et concentré. Les petits et moyens commerces sont fermés. Pourtant, ils sont en mesure d’assurer de manière responsable un protocole sanitaire strict, tout en poursuivant leur activité. Le choix a été de sacrifier les petits au profit des gros.

Or les gros, ce sont non pas seulement les grandes surfaces, mais aussi les géants du e-commerce ; je ne vous apprends rien.

Alors que le pays était à l’arrêt entre mars et avril derniers, le commerce en ligne a généré 44, 5 milliards d’euros sur les six premiers mois de l’année 2020, soit une hausse de 13 % par rapport au premier semestre de l’année 2019. Au total, près de 50 % de la population française a consulté des sites de vente en ligne sur la même période.

Alors que vous connaissez ces données, comment ne voyez-vous pas le danger qui se profile pour nos petits commerçants à l’approche de Noël ? Ils sont directement ou indirectement touchés par cette concurrence déloyale.

Je pense par exemple aux producteurs de fleurs de notre pays, qui ont vu toutes leurs perspectives économiques s’effondrer après la fermeture des fleuristes. C’est pourquoi j’espère que vous émettrez un avis favorable sur notre amendement visant à créer un fonds de soutien de 10 millions d’euros pour ces producteurs, qui ont été oubliés dans ce texte.

Surtout, j’espère que vous accorderez une place plus importante à l’accompagnement financier de nos petits commerçants, qui assurent à eux seuls la vitalité de nos territoires et perpétuent un savoir-faire français.

Ces commerçants ne sont malheureusement pas les seuls oubliés de ce texte. En ces temps de pandémie, où le maître mot est « restez chez vous, sauvez des vies », il semble indispensable de garantir un « chez-soi » au plus grand nombre et, particulièrement, aux plus vulnérables.

Je ne doute pas que vous partagiez ce constat. Pourtant, vous proposez, à l’article 1er, une réduction de 52 millions d’euros du budget d’Action Logement. Alors que 4 millions de personnes vivent dans des conditions d’habitat inacceptables et que les expulsions nécessitant l’emploi de la force publique ont été multipliées par près de trois depuis 2019, il apparaît primordial de protéger les plus précaires.

Avec l’article 1er, vous semblez emprunter un tout autre chemin. Aussi, nous espérons que vous adopterez l’amendement que nous proposons, afin de supprimer cet article anachronique.

Si cela vous semble irréaliste, gardez en mémoire que tous les voyants sont au rouge. J’en veux pour preuve le rapport du Secours catholique paru la semaine dernière, qui prévoit une hausse significative des défauts de paiement en matière locative et l’apparition de 10 millions de pauvres dans notre pays. Ce constat devrait nous amener collectivement à redéfinir les priorités de ce plan d’aide.

En effet, grands absents de votre plan de relance, les plus précaires paient un lourd tribut dans cette crise. Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec ce qui avait été décidé lors de la crise financière de 2008 : à l’époque, les mesures de solidarité correspondaient à 8, 3 % du plan de relance, tandis qu’elles ne représentent plus que 0, 8 % du plan actuel.

Finalement, le vieux monde était plus soucieux des plus précaires que le nouveau, et ce n’est pas le 1, 1 milliard d’euros de primes pour les personnes en difficulté, qui figure dans ce quatrième projet de loi de finances rectificative, qui me convaincra du contraire.

En conclusion, je précise que ce texte traduit votre philosophie habituelle : un soutien massif et aveugle aux grosses entités, un service minimum pour les petits et moyens de ce pays, et une aide dérisoire pour les plus précaires.

Dans ces conditions nous ne pourrons pas voter ce texte en l’état.

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