Intervention de Bernard Jomier

Réunion du 17 novembre 2020 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Vote sur l'ensemble

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, écrire une loi de financement de la sécurité sociale conforme à la réalité dans ses équilibres financiers est une gageure, alors que nul ne sait précisément ce que le coronavirus, qui a déjà coûté la vie à 45 000 de nos compatriotes, nous réserve pour 2021.

La question n’est évidemment pas de se prononcer sur cette adéquation : ce PLFSS établira probablement un record d’imprécisions. C’est plus que jamais le sens politique du texte qui engage notre avis.

Voilà huit jours, à cette même tribune, je dressais le constat d’un rendez-vous manqué. Au sortir de son examen par notre assemblée, quelques dispositifs intéressants utiles plus tard, mais aussi après quelques reculs voulus souvent par la majorité de notre assemblée, le constat reste le même. Le rendez-vous avec l’hôpital reste inachevé, partiel et conjoncturel. Rien ne change dans la gouvernance et trop peu dans les moyens. Les urgences sont encore et toujours abordées sous le seul angle d’un dispositif de nature financière.

Les soignants de ville, eux, restent destinataires de discours inappliqués sur leur rôle essentiel. Les aides à domicile devront se contenter de bien peu. Quant à la démocratie sanitaire, tellement malmenée depuis le printemps, oubliée jusqu’à compromettre l’adhésion de la population aux mesures de lutte contre l’épidémie, elle continuera à être marginalisée. Et si l’ajout de 100 millions d’euros déconcentrés vers les ARS doit être salué, rien dans votre amendement ne nous dit si la logique de leur engagement sera encore une fois purement verticale, ou si les acteurs des territoires y seront associés.

Comme toute loi de financement de la sécurité sociale, celle-ci comporte des points positifs qui méritent d’être relevés. C’est le cas du congé paternité et de la création de maisons de naissance, par exemple.

J’ajouterai plusieurs mesures qu’a proposées, ou auxquelles a contribué, notre groupe : la lutte contre le non- recours aux aides sociales ; la pérennisation du dispositif TO-DE ; l’obligation de constitution d’un stock de quatre mois pour les médicaments majeurs, alors que tant de malades sont victimes de ces ruptures ; le renforcement de la protection des patients soumis à des mesures de contrainte en psychiatrie ; le retour de l’Agence nationale de santé publique dans le budget de l’État.

Cela ne dissipe pas notre inquiétude face à votre choix de « charger la barque » du budget social dans son exécution annuelle et dans son endettement, lequel s’accroît de ce qui devrait être à la charge du budget de l’État.

Les conditions mêmes d’examen du texte disent beaucoup. Présenté très tardivement, dépourvu d’étude d’impact sur des dispositions introduites, elles aussi, tardivement, examiné en moins de temps qu’il n’en faut pour que le travail soit suffisamment approfondi, il a de plus été modifié significativement par le Gouvernement en cours de débat.

Tout cela aurait pu être largement évité si le Gouvernement avait accédé, l’été dernier, à notre demande d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

Cette demande, nous la réitérons pour le premier semestre 2021.

Concernant la cinquième branche, dont nous approuvons la création, ses conditions d’ébauche renforcent ce sentiment : l’État fait du paritarisme un façadisme ! La conférence des financeurs est certes un outil nécessaire, mais sans la visibilité qu’offrirait une nouvelle loi relative au grand âge et à l’autonomie, que pourra-t-elle décider ?

Le temps des crises doit être celui des changements. Cette crise n’est pas un accident de l’histoire. En son lendemain, il ne suffira pas de reprendre une trajectoire de rétablissement des comptes sociaux, comme certains discours le laissent entendre. Cette crise est systémique et doit nous amener à revoir notre système de santé et à repenser le sens de notre protection sociale. Elle a d’ores et déjà révélé des défauts organisationnels majeurs de l’État et de notre gouvernance en matière de santé publique, ainsi qu’une crise de la décision.

Le texte que vous nous proposez, madame la ministre, n’apporte pas la part de réponses à cette crise qu’il aurait dû contenir. Les silos que nous connaissons bien continueront d’exister. L’État central a présenté des failles inquiétantes et la part nécessaire de décentralisation de notre politique de santé est absente de ce texte. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant, puisque le ministre de la santé, qui ne nous fait toujours pas l’honneur d’être présent dans cet hémicycle, a exprimé son opposition à cette orientation.

L’amendement n° 201 porte un privilège rare : à lui seul, il disqualifie le texte qui nous est proposé. Son objet est notre système de retraite. Il exprime un message politique : à l’heure où la situation sociale est dramatique pour nombre de nos compatriotes, ses auteurs leur demandent de travailler plus longtemps. Ils le demandent même aux plus pauvres, pour des pensions qui seront inévitablement plus faibles, et ce alors que la majorité sénatoriale refuse avec constance – je le regrette ! – l’idée d’une contribution des plus riches à la situation exceptionnelle que nous vivons.

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