Mais non, l’amendement de suppression est toujours là ! Comment voulez-vous que les Français comprennent l’action du Gouvernement, si vous dites tout et son contraire ? D’un côté, il faut avancer sans attendre l’Europe ; de l’autre, il ne faut surtout pas avancer tant que l’Europe n’a pas entamé son processus législatif. Comment voulez-vous que les Français comprennent ? Et, dans l’un et l’autre cas, vous êtes d’accord sur le fond. C’est vraiment compliqué de vous suivre !
Au-delà de cette contradiction interne dans votre raisonnement, comment pouvez-vous assumer devant nous une telle position, quand l’Allemagne avance de son propre côté ?
Je souhaite évoquer brièvement ici l’action menée par le gouvernement allemand en la matière, car c’est un sujet que notre propre gouvernement prend un soin tout particulier à ne pas mentionner.
À l’occasion de l’examen de l’équivalent du présent texte, l’Allemagne va instaurer une régulation économique des géants du numérique. Certes, M. André Gattolin a raison de dire que le texte n’est pas encore voté, mais cette régulation est proposée, ce qui n’est pas le cas en France. En effet, c’est exactement ce que nous voulons faire, nous, les sénateurs, et ce à quoi le gouvernement français s’oppose.
L’Allemagne va même plus loin que ce que nous proposions d’expérimenter au niveau national, car notre perspective était, depuis le début, de trouver un consensus ; je vous rappelle à ce titre que nous avons consenti, avec Jean Bizet, à retirer certains articles en commission mixte paritaire.
Je termine sur ce sujet en vous citant de nouveau, monsieur le secrétaire d’État – là, c’est le pompon : « L’initiative présentée le 9 septembre dernier fait consensus en Allemagne et devrait être adoptée en début d’année prochaine ».
Franchement, soyons sérieux ! Qu’est-ce qui vous pousse à refuser d’agir au niveau national, alors que, d’une part, nous ne serions pas les seuls à le faire et que, d’autre part, vous avez accepté de le faire dans d’autres domaines, comme la fiscalité, les fausses informations ou la haine en ligne, pour ne prendre que trois exemples ?
Partout sur la planète, il y a une prise de conscience. Nous proposons que la France soit précurseur, pour offrir à l’Europe et au monde un premier retour d’expérience.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez ici une occasion de faire taire toutes les critiques que l’on entend depuis des années sur le renoncement des élites françaises en matière numérique, sur l’impuissance publique numérique. C’est votre dernière chance. Saisissez-la ! §L’histoire et les Français nous regardent, et ces derniers, comme la plupart de nos collègues députés, qui n’envisageaient pas un échec en CMP, ne comprendraient pas bien non plus la situation si on la leur expliquait.
Rien que pour cela – je me permets de vous le dire, monsieur le secrétaire d’État –, vous auriez pu vous passer de l’attitude, que l’on pourrait qualifier de vexatoire, que vous avez adoptée devant nos collègues députés lors de la nouvelle lecture du texte. Vous avez osé dire que la présidente Sophie Primas avait écrit l’article sur les dark patterns « avec les pieds ». Ce n’est pas très correct !