Intervention de Daniel Chasseing

Réunion du 19 novembre 2020 à 9h00
La forêt française face aux défis climatiques économiques et sociétaux — Conclusion du débat

Photo de Daniel ChasseingDaniel Chasseing :

La qualité des échanges que nous venons d’avoir démontre non seulement l’intérêt que chacun d’entre nous porte à la forêt, mais aussi l’importance d’organiser une politique forestière cohérente et sur le long terme. Nous partageons tous le constat que l’inaction serait dévastatrice pour notre environnement, notre économie et notre société.

Un tiers de notre territoire métropolitain est occupé par la forêt. Outre-mer, celle-ci peut s’étendre sur plus de 95 % du territoire, comme en Guyane. Depuis 1945, la superficie forestière a progressé d’environ 40 %.

La forêt française est un trésor de diversité d’essences. Elle permet la sauvegarde de notre biodiversité et de nos ressources naturelles. Nous devons la protéger, l’aider à s’adapter et à se régénérer pour faire face aux défis auxquels elle est confrontée.

Pour atteindre nos objectifs, l’effort doit porter sur la gestion forestière. Il faut inciter les gens à modifier leurs comportements et mettre en œuvre une gestion plus durable.

En effet, les trois quarts de la forêt sont détenus par 3, 5 millions de propriétaires privés, dont une grande majorité possède des domaines de moins de 3 hectares. Confier la gestion de ces espaces forestiers à des professionnels contribuerait à mutualiser les efforts, et cette meilleure organisation résoudrait une partie des problèmes de la forêt française.

Les efforts doivent aussi porter sur la filière bois. Le débat a permis de rappeler les difficultés économiques auxquelles elle est confrontée. Je m’attarderai sur le secteur du bâtiment.

En effet, le bois a des qualités et une performance thermique dont nous aurions tort de nous passer. Il peut être utilisé dans la rénovation, mais aussi dans le neuf. La construction d’une maison en bois réduit de 55 % les émissions de CO2, ce qui est un atout dans un secteur qui représente 40 % des émissions mondiales.

Revaloriser le bois passe aussi par le développement de l’économie circulaire, qu’il s’agisse du recyclage ou de la valorisation énergétique. La filière dégage des millions de tonnes de déchets, ce qui offre un débouché complémentaire pour une meilleure valorisation de l’exploitation forestière : il serait dommage de gaspiller des déchets aussi précieux.

Quant à la filière bois-énergie, elle représente environ 40 000 emplois directs et indirects.

De manière plus générale, l’ensemble de la filière forêt-bois crée beaucoup d’emplois dans tous les territoires, y compris dans les départements ruraux. Nous devons la soutenir et lui permettre de s’adapter.

La compétitivité de notre filière bois est essentielle. C’est pourquoi je ne suis pas favorable à la limitation des coupes rases. J’entends les arguments, légitimes, de ceux qui la défendent, que leurs raisons soient d’ordre visuel, ou qu’elles concernent l’érosion en montagne. Cependant, il faut aussi tenir compte de la compétition entre les pays et du respect de la maturité des arbres. Il faut enfin rendre les replantations obligatoires.

En matière de commercialisation du bois, la compétition économique peut s’exercer depuis l’étape du reboisement jusqu’à celle de la transformation. Si nous n’investissons pas suffisamment dans la filière bois, d’autres pays où l’exploitation est plus efficace viendront s’imposer sur notre propre marché.

Rien n’empêche pour autant de développer la forêt comme lieu de loisir, comme le suggère Pierre-Jean Verzelen. Tous les acteurs doivent être associés à la réflexion sur ce sujet.

Quand il s’agit de construire une stratégie équilibrée, le dialogue entre les acteurs et l’instauration d’un climat de confiance sont la clé de la réussite. Nous devons être capables d’expliquer à nos concitoyens les contraintes liées à l’exploitation de la forêt, ou bien les ravages causés par les attaques de nuisibles ; nous devons aussi pouvoir leur démontrer les bénéfices de la filière pour l’emploi et le climat.

L’écologie et l’économie sont les deux faces d’une même stratégie, celle de la préservation de notre forêt. L’État tient une place centrale dans sa mise en œuvre, mais les territoires ont aussi un rôle à jouer. À cet égard, je soutiens l’intervention de mon collègue Franck Menonville, en particulier lorsqu’il identifie la région comme l’échelon le plus pertinent pour agir. J’ajouterai celui du département, parce que les régions sont grandes et parce qu’il est nécessaire d’adapter la stratégie aux besoins locaux.

Pour conclure, je remercie M. le ministre, ainsi que tous les sénateurs qui ont participé à ce débat et qui ont présenté des propositions constructives.

Trois points majeurs se dégagent à l’issue de nos discussions.

Le premier concerne l’ONF, dont la réforme nécessite des moyens renforcés. L’Office est indispensable pour faire le lien avec les territoires. C’est un acteur parfait d’activation et d’animation d’une stratégie forestière efficace. Il a aussi pour rôle d’instruire les dossiers qui permettront aux communes forestières sinistrées de bénéficier d’aides financières, comme l’a rappelé M. Grosperrin.

Le deuxième point concerne le plan de relance, qui va dans le bon sens, à la fois en ce qui concerne le Fonds forêt, le soutien de Bpifrance aux entreprises, et le développement d’une couverture par télédétection. Ce plan doit marquer le début d’une politique plus ambitieuse pour la forêt.

Le troisième point porte sur la nécessité d’une réflexion sur la défiscalisation des travaux en forêt. Une telle mesure aurait des conséquences positives sur la création d’emplois et la valorisation de la filière. Cependant, il faut surtout inciter les propriétaires à se restructurer, comme l’ont suggéré plusieurs de mes collègues.

Monsieur le ministre, un travail important reste à mener pour répondre aux besoins de la forêt. Vous le savez, nous souhaitons la réussite d’une politique cohérente et de long terme. Il y va de l’avenir du pays, de l’emploi, de la société et des générations futures.

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