Intervention de Jean-François Rapin

Commission des affaires européennes — Réunion du 18 novembre 2020 à 14h00
Budget de l'union européenne — Audition de Mme Valérie Hayer députée européenne sur le projet de décision du conseil relative au système des ressources propres de l'union européenne

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, président :

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui Mme Valérie Hayer, députée européenne, co-rapporteure de l'équipe de négociation du Parlement européen sur le projet de budget à long terme de l'Union européenne et la réforme des ressources propres, en charge des ressources propres.

Le 10 novembre dernier, les négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 et l'instrument de relance ont fait l'objet d'un accord politique entre la présidence allemande du Conseil et l'équipe de négociation du Parlement européen, dont fait partie Valérie Hayer. Son analyse nous sera donc très précieuse. Le Sénat sera en effet appelé à ratifier la décision sur les ressources propres pour qu'elle puisse entrer en vigueur.

Cependant, le chemin est encore semé d'embûches puisque lundi dernier, la Hongrie et la Pologne ont bloqué le processus d'adoption de ce « paquet », en raison de leur opposition au nouveau régime de conditionnalité. Ce régime serait ainsi mis en oeuvre lorsque des violations des principes de l'État de droit dans un État membre portent atteinte ou risquent fortement de porter atteinte, de manière suffisamment directe, à la bonne gestion financière du budget de l'Union européenne ou à la protection des intérêts financiers de l'Union. Le texte établissant cette conditionnalité a fait l'objet d'un accord provisoire entre la présidence allemande du Conseil et l'équipe de négociation du Parlement européen le 5 novembre dernier. Il pourrait être adopté à la majorité qualifiée mais il fait partie du « paquet » incluant le CFP, l'instrument de relance et la décision sur les ressources propres. Or le règlement sur le CFP et la décision sur les ressources propres requièrent l'unanimité, ce qui a permis à la Hongrie et à la Pologne d'opposer leur veto.

La position de la Hongrie et de la Pologne, dont nous avons récemment débattu, nous rappelle combien ce sujet est sensible. Madame la Députée européenne, nous serions heureux de vous entendre sur ce point, car le Parlement européen a adopté des positions fermes en la matière. Quelles marges de négociation voyez-vous encore pour sortir de cette ornière ? Si le blocage persiste, l'Union sera contrainte de recourir au système des douzièmes provisoires. Ce serait tout à fait dommageable pour la conduite des programmes du cadre financier pluriannuel et pour la mise en oeuvre de l'instrument de relance dont nous avons cruellement besoin, et le plus vite possible.

Madame la Députée, avant que vous nous précisiez dans le détail le compromis trouvé entre la présidence du Conseil et l'équipe de négociation du Parlement européen, permettez-moi, avec Didier Marie qui est mon co-rapporteur sur le CFP et l'instrument de relance, de remettre brièvement en perspective, pour nos collègues, les négociations sur le cadre financier pluriannuel.

Le 2 mai 2018, la Commission européenne a présenté une première proposition de cadre financier pluriannuel. Des négociations avaient eu lieu sur cette base mais la crise de la Covid-19 a totalement bouleversé ce cadre.

La Commission européenne a dû présenter, le 27 mai 2020, une nouvelle proposition, inédite, comprenant à la fois un cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, à hauteur de 1 100 milliards d'euros, et un instrument de relance de 750 milliards d'euros destiné à faire face aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de Covid-19. Cet instrument de relance, intitulé « Next Generation EU », devait venir compléter et « renforcer », à titre exceptionnel et temporaire, les dépenses inscrites dans le cadre financier pluriannuel, afin de rendre l'Europe plus verte, plus digitale et plus résiliente.

Pour peser dans les négociations, le Parlement européen a adopté depuis deux ans plusieurs résolutions sur le CFP et les ressources propres.

Le 21 juillet dernier, après d'âpres négociations, le Conseil européen est parvenu à un accord politique au niveau des chefs d'État ou de gouvernement. L'enveloppe du cadre financier pluriannuel 2021-2027 a été revue à la baisse par rapport à la proposition de la Commission : son montant global s'établit à 1 074,3 milliards d'euros en prix 2018. Le Sénat s'était prononcé à deux reprises sur le CFP et la commission des affaires européennes avait jugé insatisfaisant l'accord de juillet concernant certaines dépenses, comme la recherche ou encore le fonds européen de défense.

L'enveloppe de l'instrument de relance a été maintenue à 750 milliards d'euros mais avec une part de prêts bien plus importante qu'initialement envisagé, puisqu'elle atteint désormais 360 milliards d'euros.

La grande nouveauté de cet instrument de relance réside dans son financement. La Commission sera en effet autorisée à emprunter sur les marchés financiers au nom de l'Union européenne, grâce à un relèvement ciblé et temporaire de 0,6 point de pourcentage du plafond des ressources propres de l'Union.

Depuis l'accord intervenu au Conseil européen, des négociations auxquelles vous avez pris part, Madame la Députée, ont été menées entre le Conseil, sous présidence allemande, et le Parlement européen. En effet, l'article 312 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que le règlement sur le CFP doit être approuvé par le Parlement européen, avant d'être adopté à l'unanimité par le Conseil. Par ailleurs, en application de l'article 311 du traité, le Parlement européen est seulement consulté sur la décision relative aux ressources propres, qui devra être approuvée à l'unanimité par le Conseil puis par les États membres selon leurs procédures constitutionnelles respectives. Cette décision sera donc soumise à l'examen du Parlement français.

Ces négociations sont habituelles mais lors des précédents CFP, le Parlement européen n'était pas réellement parvenu à faire bouger les lignes. Or, Madame la Députée, vous avez obtenu beaucoup plus : 16 milliards d'euros. Une enveloppe complémentaire de 15 milliards d'euros serait ainsi ajoutée à l'accord de juillet pour compléter certains programmes comme Horizon Europe, l'Union européenne pour la santé ou Erasmus +. Une plus grande flexibilité serait également prévue pour permettre à l'Union de répondre à des besoins imprévus, à hauteur d'un milliard d'euros. Vous pourrez nous préciser s'il s'agit de montants exprimés en prix 2018 ou en euros courants.

Madame la Députée, nous serions heureux que vous puissiez nous indiquer comment le Parlement européen a abordé ces négociations et que vous nous précisiez à la fois les rallonges obtenues et les modalités de leur financement. Il semble qu'il y ait une part de redéploiement de crédits mais aussi, surtout, une part importante correspondant à des recettes nouvelles. Je cède la parole à mon collègue Didier Marie pour qu'il puisse évoquer plus avant ce volet « ressources propres », dont vous avez été la négociatrice principale.

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