Commission des affaires européennes

Réunion du 18 novembre 2020 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • amendés
  • contribution
  • europe
  • instrument de relance
  • mécanisme
  • négociations
  • propre
  • relance
  • taxe

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui Mme Valérie Hayer, députée européenne, co-rapporteure de l'équipe de négociation du Parlement européen sur le projet de budget à long terme de l'Union européenne et la réforme des ressources propres, en charge des ressources propres.

Le 10 novembre dernier, les négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 et l'instrument de relance ont fait l'objet d'un accord politique entre la présidence allemande du Conseil et l'équipe de négociation du Parlement européen, dont fait partie Valérie Hayer. Son analyse nous sera donc très précieuse. Le Sénat sera en effet appelé à ratifier la décision sur les ressources propres pour qu'elle puisse entrer en vigueur.

Cependant, le chemin est encore semé d'embûches puisque lundi dernier, la Hongrie et la Pologne ont bloqué le processus d'adoption de ce « paquet », en raison de leur opposition au nouveau régime de conditionnalité. Ce régime serait ainsi mis en oeuvre lorsque des violations des principes de l'État de droit dans un État membre portent atteinte ou risquent fortement de porter atteinte, de manière suffisamment directe, à la bonne gestion financière du budget de l'Union européenne ou à la protection des intérêts financiers de l'Union. Le texte établissant cette conditionnalité a fait l'objet d'un accord provisoire entre la présidence allemande du Conseil et l'équipe de négociation du Parlement européen le 5 novembre dernier. Il pourrait être adopté à la majorité qualifiée mais il fait partie du « paquet » incluant le CFP, l'instrument de relance et la décision sur les ressources propres. Or le règlement sur le CFP et la décision sur les ressources propres requièrent l'unanimité, ce qui a permis à la Hongrie et à la Pologne d'opposer leur veto.

La position de la Hongrie et de la Pologne, dont nous avons récemment débattu, nous rappelle combien ce sujet est sensible. Madame la Députée européenne, nous serions heureux de vous entendre sur ce point, car le Parlement européen a adopté des positions fermes en la matière. Quelles marges de négociation voyez-vous encore pour sortir de cette ornière ? Si le blocage persiste, l'Union sera contrainte de recourir au système des douzièmes provisoires. Ce serait tout à fait dommageable pour la conduite des programmes du cadre financier pluriannuel et pour la mise en oeuvre de l'instrument de relance dont nous avons cruellement besoin, et le plus vite possible.

Madame la Députée, avant que vous nous précisiez dans le détail le compromis trouvé entre la présidence du Conseil et l'équipe de négociation du Parlement européen, permettez-moi, avec Didier Marie qui est mon co-rapporteur sur le CFP et l'instrument de relance, de remettre brièvement en perspective, pour nos collègues, les négociations sur le cadre financier pluriannuel.

Le 2 mai 2018, la Commission européenne a présenté une première proposition de cadre financier pluriannuel. Des négociations avaient eu lieu sur cette base mais la crise de la Covid-19 a totalement bouleversé ce cadre.

La Commission européenne a dû présenter, le 27 mai 2020, une nouvelle proposition, inédite, comprenant à la fois un cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, à hauteur de 1 100 milliards d'euros, et un instrument de relance de 750 milliards d'euros destiné à faire face aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de Covid-19. Cet instrument de relance, intitulé « Next Generation EU », devait venir compléter et « renforcer », à titre exceptionnel et temporaire, les dépenses inscrites dans le cadre financier pluriannuel, afin de rendre l'Europe plus verte, plus digitale et plus résiliente.

Pour peser dans les négociations, le Parlement européen a adopté depuis deux ans plusieurs résolutions sur le CFP et les ressources propres.

Le 21 juillet dernier, après d'âpres négociations, le Conseil européen est parvenu à un accord politique au niveau des chefs d'État ou de gouvernement. L'enveloppe du cadre financier pluriannuel 2021-2027 a été revue à la baisse par rapport à la proposition de la Commission : son montant global s'établit à 1 074,3 milliards d'euros en prix 2018. Le Sénat s'était prononcé à deux reprises sur le CFP et la commission des affaires européennes avait jugé insatisfaisant l'accord de juillet concernant certaines dépenses, comme la recherche ou encore le fonds européen de défense.

L'enveloppe de l'instrument de relance a été maintenue à 750 milliards d'euros mais avec une part de prêts bien plus importante qu'initialement envisagé, puisqu'elle atteint désormais 360 milliards d'euros.

La grande nouveauté de cet instrument de relance réside dans son financement. La Commission sera en effet autorisée à emprunter sur les marchés financiers au nom de l'Union européenne, grâce à un relèvement ciblé et temporaire de 0,6 point de pourcentage du plafond des ressources propres de l'Union.

Depuis l'accord intervenu au Conseil européen, des négociations auxquelles vous avez pris part, Madame la Députée, ont été menées entre le Conseil, sous présidence allemande, et le Parlement européen. En effet, l'article 312 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que le règlement sur le CFP doit être approuvé par le Parlement européen, avant d'être adopté à l'unanimité par le Conseil. Par ailleurs, en application de l'article 311 du traité, le Parlement européen est seulement consulté sur la décision relative aux ressources propres, qui devra être approuvée à l'unanimité par le Conseil puis par les États membres selon leurs procédures constitutionnelles respectives. Cette décision sera donc soumise à l'examen du Parlement français.

Ces négociations sont habituelles mais lors des précédents CFP, le Parlement européen n'était pas réellement parvenu à faire bouger les lignes. Or, Madame la Députée, vous avez obtenu beaucoup plus : 16 milliards d'euros. Une enveloppe complémentaire de 15 milliards d'euros serait ainsi ajoutée à l'accord de juillet pour compléter certains programmes comme Horizon Europe, l'Union européenne pour la santé ou Erasmus +. Une plus grande flexibilité serait également prévue pour permettre à l'Union de répondre à des besoins imprévus, à hauteur d'un milliard d'euros. Vous pourrez nous préciser s'il s'agit de montants exprimés en prix 2018 ou en euros courants.

Madame la Députée, nous serions heureux que vous puissiez nous indiquer comment le Parlement européen a abordé ces négociations et que vous nous précisiez à la fois les rallonges obtenues et les modalités de leur financement. Il semble qu'il y ait une part de redéploiement de crédits mais aussi, surtout, une part importante correspondant à des recettes nouvelles. Je cède la parole à mon collègue Didier Marie pour qu'il puisse évoquer plus avant ce volet « ressources propres », dont vous avez été la négociatrice principale.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Le Président Rapin a remis en perspective les négociations sur le CFP et l'instrument de relance. Je souhaite, pour ma part, évoquer plus précisément l'enjeu des ressources propres. Ce sujet est crucial à la fois pour le Parlement européen, qui en a fait un cheval de bataille, et pour les Parlements nationaux, à double titre. D'abord parce qu'ils devront ratifier la décision sur les ressources propres. Ensuite parce que l'introduction ou non de nouvelles ressources propres aura un impact direct sur la participation des États membres au budget de l'Union.

Madame la Députée, le Sénat examinera demain en séance publique la contribution de la France au financement de l'Union européenne. Le prélèvement sur recettes devrait s'élever à 26,9 milliards d'euros en 2021, contre 23,4 milliards d'euros en 2020, selon la dernière évaluation gouvernementale. S'y ajouterait 1,6 milliard de droits de douane nets versés par la France, portant ainsi la contribution globale de la France à 28,5 milliards d'euros.

Ce montant est important et déjà en forte hausse en raison, pour partie, du départ du Royaume-Uni de l'Union. Toutefois, nous payons aussi l'incapacité à remettre en cause, à cette occasion, les rabais dont bénéficient cinq États membres. Ils ont même été majorés pour quatre d'entre eux.

28,5 milliards d'euros, c'est beaucoup, mais c'est encore inférieur au montant que pourrait devoir verser la France lorsque l'Union devra rembourser les fonds empruntés dans le cadre de l'instrument de relance, pour l'essentiel à partir de 2028. Le Sénat a souligné cet enjeu dans la résolution qu'il a adoptée au mois de juin, d'où l'importance de ce volet « ressources propres ». Madame la Députée, au nom du Parlement européen, vous êtes parvenue à trouver un accord avec le Conseil. Nous souhaiterions que vous puissiez nous en détailler le contenu et la portée.

Le contenu, tout d'abord, car au cours des négociations, nous avons vu apparaître de nouvelles idées de ressources propres, comme celle évoquée par la Commission européenne de « taxe sur les grandes entreprises », qui nous est apparue floue. Nous voyons également d'autres ressources revenir sur le devant de la scène alors que nous les pensions assez largement écartées, comme la nouvelle assiette commune pour l'impôt sur les sociétés.

La perspective de voir aboutir certains chantiers apparaît certaine. Je pense à la contribution sur les déchets plastiques, que le Conseil européen souhaitait voir introduite dès le 1er janvier 2021, mais aussi à la révision du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre ou au mécanisme d'ajustement carbone, absolument nécessaire pour rétablir une certaine équité dans les échanges internationaux et prévenir le risque de fuite carbone.

La perspective de l'introduction d'une contribution sur le numérique est également évoquée. Ce point est important et vous pourrez peut-être nous dire comment vous avez abordé ce sujet lors des négociations et quels sont les rapports de forces.

En revanche, pour le reste, les perspectives apparaissent plus lointaines.

L'évolution des contributions nationales ne pourra pas être contenue sans l'introduction de nouvelles ressources propres. L'instrument de relance, financé par un emprunt au nom de l'Union, est à cet égard une incitation puissante à avancer en la matière. Cependant, le Sénat a appelé à maîtriser l'imposition globale pesant sur les ménages et les entreprises afin, d'une part, de ne pas dégrader la situation des citoyens de l'Union, d'autre part, de ne pas affaiblir le tissu économique européen.

Vous paraît-il réellement possible d'introduire les différentes ressources mentionnées dans la feuille de route ?

Je m'interroge ensuite sur la portée de l'accord que vous avez conclu avec la présidence allemande du Conseil.

La feuille de route pour l'introduction de nouvelles ressources propres est présentée comme juridiquement contraignante par le Parlement européen, mais comme indicative par le Conseil. Je souhaite donc que vous puissiez nous éclairer sur la portée juridique de cette feuille de route qui devrait être annexée à un accord interinstitutionnel.

Enfin, s'agissant plus particulièrement de l'augmentation de certains programmes du CFP que le Parlement européen a réussi à obtenir, nous avons compris que ces montants supplémentaires seraient en grande partie financés grâce au produit des amendes infligées au titre de la violation des règles de concurrence. Ce produit était jusqu'à présent reversé aux États membres. Est-ce bien le cas ? Pouvez-vous alors nous préciser comment ce montant a été évalué ? Correspond-il à une prévision moyenne au regard des amendes infligées ces dernières années ? Qu'adviendra-t-il du surplus éventuel des amendes ?

Debut de section - Permalien
Valérie Hayer, députée européenne

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous remercie pour cette audition. Je suis fière de venir faire le point, devant votre assemblée, sur les avancées historiques obtenues. Oui, cette étape est historique pour la construction européenne. Permettez-moi de revenir en arrière. Nous traversons une crise de nature exceptionnelle ; le sommet européen de juillet, que la crise a appelé, était aussi de nature exceptionnelle. Les chefs d'États et de gouvernement ont négocié durant cinq jours et quatre nuits. Ce sommet est le plus long de l'histoire européenne. Deux jours après cet accord, les eurodéputés ont adopté une résolution politique qui estimait que le budget ordinaire, c'est-à-dire le CFP, n'était pas suffisant. Cette annonce a beaucoup surpris les ambassadeurs. Moi-même, en tant que députée européenne, j'ai été surprise d'avoir surpris.

Le Parlement européen, tout en saluant l'instrument de relance, a joué son rôle et jugé que des améliorations pouvaient être apportées au CFP 2021-2027. En sus de ces améliorations budgétaires, nous voulions des mécanismes efficaces pour la mise en oeuvre de l'État de droit. Enfin, nous avons demandé de nouvelles ressources propres. En juillet, les commentateurs nous ont pris pour des inconscients. In fine, après deux ans de négociations intenses, qui se sont accélérées à la fin du mois d'août avec la Présidence allemande, nous avons obtenu un accord extrêmement satisfaisant. Il l'est notamment au regard de la position initiale du Conseil européen et des divisions qui le traversent. Ainsi, nous avons obtenu 16 milliards d'euros supplémentaires. Lors des négociations précédentes, en 2013, le Parlement européen n'avait pas obtenu d'argent frais et seulement 4 milliards en 2006.

Ces 16 milliards constituent donc une somme importante. Nous avons, par ailleurs, souhaité renforcer certains programmes que nous jugions déterminants pour la période actuelle. À ce titre, nous avons triplé le budget du programme « Union européenne pour la santé ».

Autre fait notable : nous avons obtenu un accord juridique sur les ressources propres. Notre accord propose un remboursement de l'emprunt qui repose sur la taxation des géants du numérique, celles des institutions financières qui spéculent, ou encore des entreprises extraeuropéennes qui polluent. À terme, ces mesures nous permettront de retrouver une véritable autonomie financière européenne ; par ricochet, la contribution des États membres et donc des citoyens européens serait moindre. Ces mesures favoriseront également des débats plus apaisés à l'occasion des discussions portant sur le budget et l'avenir européens. En somme, ces nouveaux dispositifs sont le signe d'une Europe qui s'assume, d'une Europe pour les Européens, et non uniquement pour les États et par les États. Ils prennent le contrepied de la tendance récente qui donnait à l'Europe les allures d'une organisation intergouvernementale classique, similaire à l'OTAN, incapable de s'affranchir des contraintes nationales.

Les cinq victoires du Parlement européen sont les suivantes : un mécanisme de garantie de l'État de droit effectif et solide, l'amélioration du rôle du Parlement européen sur le contrôle de l'affectation des recettes, des dépenses en faveur de la lutte contre le changement climatique s'élevant à hauteur de 30 % du budget - ce point avait été acté par les chefs d'État ou de gouvernement en juillet, nous l'avons préservé -, incluant la création d'une nouvelle cible pour la biodiversité à hauteur de 10 %, et une enveloppe complémentaire que vous avez évoquée, à hauteur de 16 milliards d'euros en prix 2018. Cette somme se répartit de la manière suivante : le budget pour la santé a triplé, le programme Horizon Europe sera enrichi de 4 milliards d'euros supplémentaires, le programme Erasmus bénéficiera de 2,2 milliards d'euros de plus. Par ailleurs sont prévus 1,5 milliard d'euros de plus pour la gestion des frontières extérieures, un milliard d'euros pour le Plan d'investissement pour l'Europe (InvestEU), un milliard d'euros pour l'aide au développement, 600 millions d'euros pour le secteur culturel, 800 millions d'euros pour le volet « droits et valeurs » ; enfin, l'aide humanitaire recevra 500 millions d'euros de plus.

Cet argent provient de cinq sources différentes. 15 de ces 16 milliards d'euros correspondent à de l'argent frais, initialement destiné à revenir aux États membres mais qui restera au budget de l'Union européenne. Ils serviront à renforcer les programmes cités jusqu'en 2027. Les 16 milliards se décomposent comme suit : 11 milliards correspondent au produit des amendes de la concurrence, un milliard vient des titres de recyclage de crédits provenant d'une facilité d'investissement à destination des pays Afrique-Caraïbes-Pacifique, 2,5 milliards correspondent à des marges dès à présent mobilisées, et 500 millions sont reçus au titre de la réutilisation de l'argent désengagé pour des projets de recherche. Enfin, il faut compter un milliard d'euros au titre de l'instrument de flexibilité.

Je souhaite apporter quelques précisions sur les recettes issues des amendes de la concurrence. Elles sont par définition difficiles à maîtriser et volatiles. Ces recettes s'élèvent à 300 millions d'euros pour les deux premiers trimestres de l'année 2020. Ce montant a grimpé jusqu'à 6 milliards d'euros l'année où Google a été sanctionné. Toutefois, en moyenne, depuis 2014, les recettes de la concurrence sont de l'ordre de 2 milliards d'euros par an. Le mécanisme de renforcement des programmes se base sur ces chiffres puisque in fine, ils seront renforcés à hauteur de 11 milliards d'euros pour les six prochaines années, soit un peu moins de 2 milliards d'euros par an, montant équivalent aux amendes de l'année N-1.

Ce mécanisme est doté d'un plafond et d'un plancher. Ces deux dispositifs sont destinés à réduire l'aléa moral, c'est-à-dire l'idée selon laquelle la Commission imposerait des sanctions afin de financer des programmes. Ils se veulent également sécurisants. Ils permettent d'assurer le renforcement effectif des programmes puisque le plancher est à 1,5 milliard d'euros, et le plafond à 2 milliards. Concrètement, si en 2022 par exemple, les recettes provenant des amendes s'élèvent à 1,7 milliard d'euros, le budget de l'Union européenne sera rehaussé du même montant. En revanche, si les recettes sont inférieures à 1,5 milliard d'euros, le différentiel devra être assumé par les États membres. Si, dans le cas contraire, les recettes excèdent le plafond, alors le différentiel servira à diminuer les contributions des États membres. Ce dispositif s'est imposé rapidement lors des négociations. Les recettes de ces amendes étant le fruit d'une politique européenne, les reverser aux États membres constituait une anomalie.

Les députés européens ont négocié un accord interinstitutionnel juridiquement contraignant avec un calendrier de mise en oeuvre et d'introduction de nouvelles ressources propres. Ce calendrier contient des dates de propositions, des dates de délibération et des dates de mise en oeuvre.

Les ressources pérennes sont la contribution sur les déchets plastiques non recyclés en 2021, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effets de serre et la taxe sur les géants du numérique d'ici à 2023. Par ailleurs, un texte sur les transactions financières sera introduit au plus tard en 2026. À ce sujet, la Commission européenne a consenti à laisser les travaux engagés dans le cadre de la coopération renforcée se poursuivre. Si fin 2022, les dix États membres qui travaillent sur ce sujet parviennent à un accord, la Commission fera une proposition pour transformer ces recettes en une nouvelle ressource propre. En l'absence d'accord entre ces États membres, la Commission européenne fera une proposition en 2024, en vue d'une introduction en 2026.

Par ailleurs, l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés a été remise sur le métier par le Parlement européen. Je pense que malgré les difficultés liées à ce sujet, nous devons avancer sur l'harmonisation de cet impôt. La Commission fera preuve d'inventivité afin de proposer une telle assiette commune consolidée ou une autre ressource propre.

Concernant la contribution des géants du numérique, après un échec des négociations à l'OCDE, la Commission européenne a confirmé sa volonté de mettre cette taxe à l'agenda. Je me suis particulièrement mobilisée pour convaincre la Commission d'accélérer la mise en place de ces dispositions. Les géants du numérique sont les grands gagnants de la crise, il paraît donc inacceptable qu'ils paient en moyenne deux fois moins d'impôts qu'une entreprise traditionnelle ; ils doivent payer leur juste part. Si toutes les institutions européennes sont mobilisées sur ce sujet, certains États y sont toutefois réticents (notamment l'Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas). Il reste que l'opinion publique est très favorable à l'instauration de cette taxe. De plus, les États réticents ont signé l'accord de juillet aux termes duquel un engagement politique a été pris en vue de l'introduction d'une telle mesure pour l'horizon 2023. L'engagement politique a été pris, et nous avons procédé au nécessaire pour lui donner une assise juridique.

L'accord et le calendrier sont juridiquement contraignants. Le Conseil peut dire qu'ils sont indicatifs. Le Parlement européen soutient le contraire. En dernier ressort, il reviendra aux parlements nationaux de ratifier la décision sur les ressources propres. Aucun État membre ne peut s'engager sur l'adoption du texte relatif aux ressources propres par son Parlement. Néanmoins, si les États membres ne sont pas soumis à une obligation de résultat, ils ont une obligation juridique de moyens. En découle ce calendrier serré qui inclut des dates de propositions par la Commission et des dates de vote au Conseil. Elles ont fait l'objet de discussions très vives avec la Présidence allemande. Si le Conseil ou la Commission ne respectaient pas ces dates, l'introduction par le Parlement d'une procédure devant la Cour de justice de l'Union européenne est envisageable. Par le passé, la Cour a déjà donné raison à la Commission qui l'avait saisie pour s'opposer à une décision du Conseil non conforme à un accord interinstitutionnel.

Concernant le contexte politique, vous l'avez rappelé à juste titre, M. le Président, lundi, les ambassadeurs hongrois et polonais ont annoncé qu'ils refusaient de passer par la procédure écrite pour l'adoption de la décision sur les ressources propres. Ils envoient ainsi un signal, qui peut en effet être interprété comme un véto. Le texte n'a toutefois pas été rejeté en tant que tel. Ces réserves sont préoccupantes, mais je veux vous rassurer et affirmer que l'instrument de relance et le CFP sont toujours d'actualité. Au demeurant, la Slovénie s'est jointe à la menace de blocage de la Pologne et de la Hongrie. Ces États estiment que le mécanisme qui permet à l'Union européenne de cesser de financer les États qui ne respectent pas l'État de droit est inadapté. Il revient aux chefs d'État ou de gouvernement de trouver une solution diplomatique. Je me veux pour ma part confiante et rassurante.

Au-delà de ces crispations politiques, en cas d'impasse, il est possible, d'un point de vue juridique, de prolonger les programmes et de lancer l'instrument de relance en 2021 sur la base de l'année 2020. Il y a un an, le nouveau Parlement européen adoptait une position sur le cadre financier pluriannuel et les ressources propres, une position conforme à la précédente législature du Parlement. Il soulignait, au même moment, la nécessité pour la Commission de prévoir un plan de contingence en cas d'absence d'accord, afin d'éviter un « shutdown » à l'américaine. Or, la Commission ne l'a pas préparé. Elle va peut-être devoir le faire maintenant et certains s'y emploient de manière très sérieuse. Il faut anticiper une crise éventuelle. Je réitère ma confiance aux chefs d'États ou de gouvernement pour trouver un accord sur ce sujet.

Les Parlements nationaux auront un rôle majeur à jouer au moment de la ratification des textes relatifs aux ressources propres. Vous saurez faire preuve de responsabilité. Plus de 40 milliards d'euros au titre du plan de relance français seront financés grâce à l'action de l'Union européenne. C'est inédit. Ce moment est majeur pour la construction européenne. Les mesures relatives aux ressources propres sont, de mon point de vue, structurantes. Elles constituent un changement de paradigme et dessinent une voie pour sortir de l'Europe intergouvernementale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Merci Madame la Députée. Je salue la présence de Jean-Marie Mizzon, notre collègue de la commission des finances, rapporteur spécial concernant la participation de la France au budget de l'Union européenne. Je vous demanderai de poser des questions précises afin que Mme la Députée puisse y répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Madame la Députée, bienvenue parmi nous. Je serai très brève. Mes questions s'inscrivent dans la continuité de celles de mon collègue Didier Marie, car j'ai quelques insatisfactions. Je souhaite avoir davantage d'informations sur deux points identifiés comme de nouvelles ressources propres, la taxe carbone et la contribution sur les déchets plastiques non recyclés. Premièrement, comment avez-vous calibré la taxe carbone afin qu'elle soit suffisamment ambitieuse eu égard aux difficultés politiques, juridiques et techniques qu'elle pose ? Deuxièmement, s'il est vrai que les déchets plastiques constituent une nouvelle ressource, elle s'ajoutera aux prélèvements effectués chaque année sur le revenu national brut (RNB) des États membres. À combien s'élève-t-elle et de quel ordre est la contribution française ? Avez-vous un ordre de comparaison entre la France et les autres États membres ? Enfin, dernière question, en tant que négociatrice, de quels leviers disposez-vous pour mener à bien votre mission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cadec

Madame la Députée, je vous remercie. Je n'aurai pas de question, mais une remarque. J'ai passé dix ans au Parlement européen et je vous trouve très optimiste. À vous entendre, le Parlement aurait révolutionné le cadre financier pluriannuel. J'en doute, pardonnez-moi. Le Parlement tente d'introduire les ressources propres depuis longtemps. Notre collègue Alain Lamassoure a porté ce projet durant plusieurs années sans succès. Je vous félicite d'y être arrivée. J'espère que ce mécanisme de ressources propres se mettra en place, mais encore une fois, je ne partage pas votre optimisme. Je le partage encore moins lorsque je lis dans Le Figaro que la Commission européenne craint que certaines mesures économiques adoptées par la France posent un problème de soutenabilité de la dette à moyen terme. Ces arguments dépassent le cadre du budget financier pluriannuel et concernent plutôt l'instrument de relance ; il n'en demeure pas moins qu'ils tempèrent mon optimisme.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Merci Monsieur le Président, Madame la Députée. Trouver des ressources propres me paraît inévitable, la question est plutôt de savoir lesquelles. Prenons l'exemple de la taxe sur les géants du numérique. Aux États-Unis, depuis la réforme fiscale de décembre 2017, les GAFA sont très imposés. Ils bénéficiaient auparavant, sous l'ère de Bill Clinton puis de celle de Barack Obama, d'une mansuétude, avec des contreparties liées à la sécurité nationale et à la circulation des données en lien avec les services de renseignements américains. À présent, ces géants du numérique paient beaucoup d'impôts. Les négociations avec les États-Unis seront un défi. L'administration Biden, que je connais bien, ne me laisse pas optimiste à cet égard.

Les États-Unis ne se disaient pas opposés aux taxes sur les géants du numérique dans le cadre des négociations de l'OCDE, mais déclaraient qu'ils s'intéresseraient à leur tour aux pratiques de certains grands groupes étrangers, notamment dans le secteur du luxe, qui rapatrient dans des paradis fiscaux les bénéfices réalisés dans certains pays. Ils visaient la France. En somme, tant que la question de la déterritorialisation et de l'optimisation fiscale pour l'ensemble des grands secteurs ne sera pas débattue, nous serons condamnés à bénéficier d'une taxe minime sur les GAFA, de l'ordre de 1 % par rapport aux 30 % dont bénéficient les États-Unis. Je pense qu'une véritable réflexion de fond doit être menée sur la position américaine. Je vous remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Mon intervention sera brève, Monsieur le Président. Je vous remercie, Madame la Députée, pour les informations que vous avez portées à notre connaissance. Je partage l'avis de mon collègue Alain Cadec quant à votre optimisme. Je pense qu'il convient de rester réaliste. Beaucoup de formules ont été mises sur table afin de trouver de nouvelles ressources propres. Tôt ou tard, une réponse politique viendra. Actuellement, un blocage existe, en raison de la position de la Hongrie, de la Pologne et de la Slovénie. J'ai ouï dire que la Présidente allemande du Conseil, Angela Merkel, a des réticences quant au principe de conditionnalité de respect de l'État de droit pour l'accès aux fonds européens et que le Parlement européen n'aurait pas les moyens de convaincre le Conseil. Pourriez-vous nous préciser les moyens dont vous disposez pour faire pression sur le Conseil ?

Debut de section - Permalien
Véronique Hayer

Merci. Je répondrai tout d'abord sur le calibrage des différentes ressources et sur les leviers qui sont à notre disposition en cas de blocage par un État membre. Jusque-là, les négociations portaient sur les principes, s'agissant des dates et du type de ressources propres. Les modalités n'ont pas encore été négociées. Dès à présent, les commissions sectorielles au Parlement européen s'organisent pour influencer les propositions qu'émettra la Commission au premier semestre 2021. Les propositions de la Commission concerneront la taxe sur les géants du numérique, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, ainsi que le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre. Le Parlement européen sera actif pour donner des orientations.

Concernant le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, il est certes complexe et sera probablement lié au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre. Selon les estimations, ce mécanisme rapporterait entre 8 et 14 milliards d'euros par an.

Par ailleurs, nous escomptons 5,8 milliards d'euros de recettes par an de la taxe sur le plastique, à l'échelle des 27 États membres. Précisons que ce mécanisme a une visée incitative et que ses recettes sont appelées à diminuer dans le temps. Les États membres doivent mettre en place davantage de mesures afin de mieux recycler les emballages plastiques. La contribution de la France s'élèverait à un milliard d'euros. Il faut s'attendre à ce que cette contribution diminue car la France est bonne élève en matière de recyclage. Les États devraient verser 80 centimes par tonne d'emballages plastiques non recyclés. Un mécanisme de correction viendrait s'ajouter pour les États membres dont le revenu national brut est le moins élevé. Je pourrai vous transmettre des tableaux relatifs à ce sujet.

À propos des leviers qui existent au cas où un État membre bloquerait, nous savons que cette situation peut se produire. Les chefs d'État ou de gouvernement ont consenti à un accord politique au terme duquel ils se sont engagés à rembourser l'emprunt, en l'occurrence 390 milliards d'euros, par de nouvelles ressources propres. Nous avons voulu transformer cet engagement politique en un accord juridiquement contraignant afin de dissuader les États membres de revenir en arrière, de le remettre en cause a posteriori. L'emprunt doit in fine être remboursé par des ressources propres ; les États se trouvent dans l'obligation d'en trouver. Même si un État fait preuve de mauvaise volonté vis-à-vis des mécanismes proposés, comme la taxe sur les géants du numérique ou sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, il sera tout de même dans l'obligation de déployer des ressources propres afin de rembourser l'emprunt. Il revient aux États membres de trouver un accord sur les ressources propres, aussi bien sur leurs modalités que sur leurs montants. Afin de couvrir l'emprunt, le montant des ressources propres devra s'élever, pour les années 2021-2027, à 12,9 milliards d'euros. Ce chiffre correspond au montant à payer au titre des intérêts. Par la suite, à partir de 2028, il incombera aux États de rembourser 15 à 20 milliards d'euros par an avec des ressources propres. Cet emprunt ne saurait être remboursé par une augmentation des contributions nationales, donc par l'augmentation des impôts des citoyens européens. Nous refusons également que le remboursement s'opère à travers des coupes budgétaires sur les programmes.

Monsieur Cadec, je suis en effet optimiste. Pardonnez-moi de l'être, mais je souhaite le rester. Le Parlement européen a obtenu 16 milliards d'euros lors de ces négociations. En 2013, il avait obtenu zéro milliard d'argent frais, malgré des avancées telles que la révision à mi-parcours, les flexibilités, etc. En 2006, 4 milliards d'euros lui ont été accordés. Cette année, ce sont 16 milliards d'euros qui ont été obtenus pour compléter le cadre financier pluriannuel et cela s'accompagne d'avancées notables en matière de ressources propres. Permettez-moi d'être optimiste. Certes, nous devrons rester vigilants, attentifs et veiller scrupuleusement au respect de ces engagements. Au-delà des victoires du Parlement européen, ces négociations traduisent une mutation des rapports de force institutionnels. Je suis en début de mandat et je veux croire que les lignes peuvent encore bouger.

Monsieur Gattolin, nous pourrions discuter plus longuement des questions d'optimisation fiscale. Les discussions à propos de la taxe sur les géants du numérique à l'OCDE se sont soldées par un échec. Je fais partie de ceux qui pensent qu'à l'avenir, si nous voulons des négociations plus fructueuses à l'échelle de l'OCDE, il conviendra, au préalable, d'adopter une position européenne claire. Les avancées liées aux négociations sur les ressources propres permettront à l'Europe de progresser sur ce sujet de façon générale.

M. Lurel, les négociations avec le Parlement européen portant sur le mécanisme garantissant l'État de droit sont terminées. Historiquement, l'Allemagne est par nature favorable à la mise en place de dispositifs permettant de s'assurer que les fonds européens sont utilisés à bon escient, et qu'ils ne finissent pas dans la poche d'autocrates. Le Parlement européen n'entend pas rouvrir les négociations sur le mécanisme garantissant l'État de droit. Il est à présent discuté au sein du Conseil. Tous les États membres en faveur de ce mécanisme devront sans doute discuter de manière bilatérale avec les États récalcitrants que sont la Pologne, la Hongrie et la Slovénie, afin de trouver un terrain d'entente. La balle est dans le camp du Conseil. En tout état de cause, Angela Merkel et les États dits « frugaux » sont attachés au mécanisme garantissant l'État de droit, qu'ils souhaitaient ambitieux. Par ailleurs, souvent, le Conseil n'est pas uni et un certain nombre d'États membres comptent donc sur le Parlement pour faire bouger les lignes. Le Parlement européen peut ainsi être considéré comme l'allié de certains États membres. Ces États, qui n'ont pas réussi à imposer leur position en juillet, ont pu compter sur les positions ambitieuses du Parlement européen concernant l'État de droit, les ressources propres et le renforcement de certains programmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Madame la Députée, je vous remercie. Vous avez ouvert vos propos en évoquant une Europe oeuvrant pour les Européens, et non plus pour les États ni par les États. Ces termes m'interpellent puisque nous parlons tout de même de sujets budgétaires. Vous concluez vos propos en affirmant que les États ont l'obligation de s'entendre, autrement ils devront payer. Ma question est simple : n'utiliseriez-vous pas la mécanique budgétaire, cet instrument de relance lié à la crise, afin d'instiller une Europe fédérale dont personne ne veut ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Merci, Monsieur le Président, merci Madame la Députée pour la clarté de vos propos. J'aimerais vous interroger sur les 11 milliards, la somme la plus importante parmi les crédits évoqués. Sénèque dit qu'il ne faut pas punir pour punir, mais pour guérir. Le Parlement européen ne partage pas ces vues dans la mesure où la plupart de ces crédits proviennent d'amendes ; il ne semble pas croire que la punition est vertueuse, mais estime qu'elle sera éternellement source de financement. Vouloir inscrire une politique pérenne sur ce fondement me heurte puisque l'Union européenne est exemplaire, et doit l'être. Sa manière de voir diverge toutefois en matière de déchets. La punition vise ici à réduire les déchets progressivement, et ne se veut pas la source de recettes pérennes. J'ai le sentiment que des logiques différentes président aux politiques conduites par le Parlement européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Pour ma part, je voudrais saluer votre enthousiasme, duquel découle votre optimisme, et vous faire partager une inquiétude dans le même temps. Elle porte sur les futures relations bilatérales qui s'instaureront entre un certain nombre d'États membres, parmi lesquels la France et l'Allemagne, avec la Pologne, la Hongrie et la Slovénie. Ces derniers n'auront pas la même attitude dans le cadre de relations bilatérales. Car si la Pologne a besoin de l'instrument de relance, ce qui est aussi le cas de la Slovénie mais dans des proportions moindres, la Hongrie, en revanche, n'est éligible qu'à six milliards d'euros. En outre, nous connaissons tous les ressorts qui amènent M. Orbán et sa majorité à refuser la conditionnalité au titre du respect de l'État de droit. Tant que la Hongrie refusera de participer au Parquet européen, les pratiques qui sont à l'oeuvre dans ce pays perdureront. Elle continuera à favoriser l'opacité, qui est à l'origine de plusieurs formes de corruption. Ma question est simple et directe : comment pensez-vous que l'on puisse faire plier M. Orbán sur ce sujet ?

Debut de section - Permalien
Valérie Hayer, députée européenne

Vous posez une question difficile. Je vais commencer par répondre à celle sur la double logique contradictoire que vous pensez déceler dans les demandes du Parlement européen. Historiquement, le Parlement européen milite pour que le produit des amendes de la concurrence, comme d'ailleurs l'ensemble des produits des sanctions, reste inscrit au budget européen. Il s'agit d'une demande de longue date au même titre que la fin des rabais. Indépendamment de ces positions, nous avons tous eu conscience, dans le cadre de ces négociations, que le recours au produit des amendes est temporaire. La Présidence allemande l'a d'ailleurs exprimé de manière très claire lors des négociations. Le Conseil, en effet, ne souhaite pas que cette modalité soit gravée dans le marbre. Vous noterez aussi que le produit des amendes ne sera pas inscrit au budget en 2021, il le sera pour les années 2022-2027.

Les programmes devaient être renforcés, nous avons cherché les moyens de le faire. Nous avons fait preuve d'inventivité et de créativité. Le recours au produit des amendes de la concurrence était à notre portée, et permettra de renforcer utilement les programmes Horizon Europe, Santé et Erasmus. Nous avons eu recours à ce mécanisme, entre autres, afin de renforcer ponctuellement les crédits dans ce cadre financier pluriannuel. La première vocation des ressources propres n'est pas de récupérer de l'argent, mais surtout de créer du lien entre les politiques publiques européennes et le budget européen. Bien sûr, la contribution sur les déchets plastiques, qui sera de 5,8 milliards pour 2021, a vocation à diminuer, ce dont nous pouvons nous réjouir. Cette diminution crée du lien ; elle donne du sens et de la valeur ajoutée à nos politiques publiques européennes. N'y voyez pas de schizophrénie de la part du Parlement européen, ce sont des réponses techniques, juridiques à des besoins, en l'occurrence le renforcement des programmes. Ces réponses se doublent d'une vision à long terme de mise en oeuvre de politiques publiques européennes par des ressources propres. Ces dernières sont destinées à accompagner des politiques publiques européennes telles que la transition écologique.

M. Allizard, à titre personnel, je suis favorable à une Europe fédérale. Je vous le dis sans ambiguïté et sans difficulté. Pour autant, ce qui m'intéresse aujourd'hui n'est pas de construire une Europe fédérale, mais de façonner une Europe qui fonctionne et qui protège les Européens. Face à la crise, la meilleure réponse a été européenne. Je n'ai, par conséquent, aucune difficulté à dire que je soutiens l'instrument de relance européen. Avant celui-ci, je soutenais déjà l'instauration de nouvelles ressources propres parce que je pense que c'est le sens de l'Histoire.

Si nous voulons une Europe à la hauteur des défis du XXIe siècle, nous devons développer de nouvelles ressources propres. Ce plan de relance européen, destiné à enrayer la crise, donne un argument supplémentaire au Parlement européen pour ce faire. J'insiste de nouveau sur un point : notre objectif n'est pas de retirer une part de souveraineté fiscale aux États membres. Vous êtes parlementaires, il vous reviendra demain de ratifier, ou non, une décision sur les ressources propres. Le dernier mot vous appartiendra, et ce pour toutes les questions fiscales et budgétaires.

Enfin, M. Marie, je ne sais pas moi-même ce qui fera plier M. Orbán. Les coups de téléphone et les interactions bilatérales avec plusieurs États membres doivent se multiplier, car la crise politique doit être évitée. La Pologne a besoin des crédits du Fonds de cohésion, de même que la Hongrie. Par ailleurs, il existe une solution juridique si demain, la Pologne, la Slovénie et la Hongrie décidaient de bloquer l'adoption de l'instrument de relance et du CFP. Aux termes de cette solution, ce dernier ne serait pas mis en oeuvre dans le cadre négocié, mais les programmes s'appliqueraient quand même en 2021. Le mécanisme de garantie de l'État de droit s'appliquera inéluctablement. En cas de blocage, ces trois pays s'exposeraient à des coupes, au cas où ils ne respecteraient pas l'État de droit.

En ce qui concerne la solution politique, je laisse les chefs d'État ou de gouvernement avancer en la matière. Enfin, en cas de blocage réel, et bien que ce ne soit pas ma solution privilégiée, l'instrument de relance pourrait être mis en oeuvre dans le cadre de la coopération renforcée. Cette possibilité existe. La Pologne, la Hongrie et la Slovénie refuseront-elles toujours d'en être, le cas échéant ? Nous en reparlerons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Je vous remercie.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 15 heures.