Intervention de Véronique Hayer

Commission des affaires européennes — Réunion du 18 novembre 2020 à 14h00
Budget de l'union européenne — Audition de Mme Valérie Hayer députée européenne sur le projet de décision du conseil relative au système des ressources propres de l'union européenne

Véronique Hayer :

Merci. Je répondrai tout d'abord sur le calibrage des différentes ressources et sur les leviers qui sont à notre disposition en cas de blocage par un État membre. Jusque-là, les négociations portaient sur les principes, s'agissant des dates et du type de ressources propres. Les modalités n'ont pas encore été négociées. Dès à présent, les commissions sectorielles au Parlement européen s'organisent pour influencer les propositions qu'émettra la Commission au premier semestre 2021. Les propositions de la Commission concerneront la taxe sur les géants du numérique, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, ainsi que le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre. Le Parlement européen sera actif pour donner des orientations.

Concernant le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, il est certes complexe et sera probablement lié au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre. Selon les estimations, ce mécanisme rapporterait entre 8 et 14 milliards d'euros par an.

Par ailleurs, nous escomptons 5,8 milliards d'euros de recettes par an de la taxe sur le plastique, à l'échelle des 27 États membres. Précisons que ce mécanisme a une visée incitative et que ses recettes sont appelées à diminuer dans le temps. Les États membres doivent mettre en place davantage de mesures afin de mieux recycler les emballages plastiques. La contribution de la France s'élèverait à un milliard d'euros. Il faut s'attendre à ce que cette contribution diminue car la France est bonne élève en matière de recyclage. Les États devraient verser 80 centimes par tonne d'emballages plastiques non recyclés. Un mécanisme de correction viendrait s'ajouter pour les États membres dont le revenu national brut est le moins élevé. Je pourrai vous transmettre des tableaux relatifs à ce sujet.

À propos des leviers qui existent au cas où un État membre bloquerait, nous savons que cette situation peut se produire. Les chefs d'État ou de gouvernement ont consenti à un accord politique au terme duquel ils se sont engagés à rembourser l'emprunt, en l'occurrence 390 milliards d'euros, par de nouvelles ressources propres. Nous avons voulu transformer cet engagement politique en un accord juridiquement contraignant afin de dissuader les États membres de revenir en arrière, de le remettre en cause a posteriori. L'emprunt doit in fine être remboursé par des ressources propres ; les États se trouvent dans l'obligation d'en trouver. Même si un État fait preuve de mauvaise volonté vis-à-vis des mécanismes proposés, comme la taxe sur les géants du numérique ou sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, il sera tout de même dans l'obligation de déployer des ressources propres afin de rembourser l'emprunt. Il revient aux États membres de trouver un accord sur les ressources propres, aussi bien sur leurs modalités que sur leurs montants. Afin de couvrir l'emprunt, le montant des ressources propres devra s'élever, pour les années 2021-2027, à 12,9 milliards d'euros. Ce chiffre correspond au montant à payer au titre des intérêts. Par la suite, à partir de 2028, il incombera aux États de rembourser 15 à 20 milliards d'euros par an avec des ressources propres. Cet emprunt ne saurait être remboursé par une augmentation des contributions nationales, donc par l'augmentation des impôts des citoyens européens. Nous refusons également que le remboursement s'opère à travers des coupes budgétaires sur les programmes.

Monsieur Cadec, je suis en effet optimiste. Pardonnez-moi de l'être, mais je souhaite le rester. Le Parlement européen a obtenu 16 milliards d'euros lors de ces négociations. En 2013, il avait obtenu zéro milliard d'argent frais, malgré des avancées telles que la révision à mi-parcours, les flexibilités, etc. En 2006, 4 milliards d'euros lui ont été accordés. Cette année, ce sont 16 milliards d'euros qui ont été obtenus pour compléter le cadre financier pluriannuel et cela s'accompagne d'avancées notables en matière de ressources propres. Permettez-moi d'être optimiste. Certes, nous devrons rester vigilants, attentifs et veiller scrupuleusement au respect de ces engagements. Au-delà des victoires du Parlement européen, ces négociations traduisent une mutation des rapports de force institutionnels. Je suis en début de mandat et je veux croire que les lignes peuvent encore bouger.

Monsieur Gattolin, nous pourrions discuter plus longuement des questions d'optimisation fiscale. Les discussions à propos de la taxe sur les géants du numérique à l'OCDE se sont soldées par un échec. Je fais partie de ceux qui pensent qu'à l'avenir, si nous voulons des négociations plus fructueuses à l'échelle de l'OCDE, il conviendra, au préalable, d'adopter une position européenne claire. Les avancées liées aux négociations sur les ressources propres permettront à l'Europe de progresser sur ce sujet de façon générale.

M. Lurel, les négociations avec le Parlement européen portant sur le mécanisme garantissant l'État de droit sont terminées. Historiquement, l'Allemagne est par nature favorable à la mise en place de dispositifs permettant de s'assurer que les fonds européens sont utilisés à bon escient, et qu'ils ne finissent pas dans la poche d'autocrates. Le Parlement européen n'entend pas rouvrir les négociations sur le mécanisme garantissant l'État de droit. Il est à présent discuté au sein du Conseil. Tous les États membres en faveur de ce mécanisme devront sans doute discuter de manière bilatérale avec les États récalcitrants que sont la Pologne, la Hongrie et la Slovénie, afin de trouver un terrain d'entente. La balle est dans le camp du Conseil. En tout état de cause, Angela Merkel et les États dits « frugaux » sont attachés au mécanisme garantissant l'État de droit, qu'ils souhaitaient ambitieux. Par ailleurs, souvent, le Conseil n'est pas uni et un certain nombre d'États membres comptent donc sur le Parlement pour faire bouger les lignes. Le Parlement européen peut ainsi être considéré comme l'allié de certains États membres. Ces États, qui n'ont pas réussi à imposer leur position en juillet, ont pu compter sur les positions ambitieuses du Parlement européen concernant l'État de droit, les ressources propres et le renforcement de certains programmes.

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