Intervention de Valérie Hayer

Commission des affaires européennes — Réunion du 18 novembre 2020 à 14h00
Budget de l'union européenne — Audition de Mme Valérie Hayer députée européenne sur le projet de décision du conseil relative au système des ressources propres de l'union européenne

Valérie Hayer, députée européenne :

Vous posez une question difficile. Je vais commencer par répondre à celle sur la double logique contradictoire que vous pensez déceler dans les demandes du Parlement européen. Historiquement, le Parlement européen milite pour que le produit des amendes de la concurrence, comme d'ailleurs l'ensemble des produits des sanctions, reste inscrit au budget européen. Il s'agit d'une demande de longue date au même titre que la fin des rabais. Indépendamment de ces positions, nous avons tous eu conscience, dans le cadre de ces négociations, que le recours au produit des amendes est temporaire. La Présidence allemande l'a d'ailleurs exprimé de manière très claire lors des négociations. Le Conseil, en effet, ne souhaite pas que cette modalité soit gravée dans le marbre. Vous noterez aussi que le produit des amendes ne sera pas inscrit au budget en 2021, il le sera pour les années 2022-2027.

Les programmes devaient être renforcés, nous avons cherché les moyens de le faire. Nous avons fait preuve d'inventivité et de créativité. Le recours au produit des amendes de la concurrence était à notre portée, et permettra de renforcer utilement les programmes Horizon Europe, Santé et Erasmus. Nous avons eu recours à ce mécanisme, entre autres, afin de renforcer ponctuellement les crédits dans ce cadre financier pluriannuel. La première vocation des ressources propres n'est pas de récupérer de l'argent, mais surtout de créer du lien entre les politiques publiques européennes et le budget européen. Bien sûr, la contribution sur les déchets plastiques, qui sera de 5,8 milliards pour 2021, a vocation à diminuer, ce dont nous pouvons nous réjouir. Cette diminution crée du lien ; elle donne du sens et de la valeur ajoutée à nos politiques publiques européennes. N'y voyez pas de schizophrénie de la part du Parlement européen, ce sont des réponses techniques, juridiques à des besoins, en l'occurrence le renforcement des programmes. Ces réponses se doublent d'une vision à long terme de mise en oeuvre de politiques publiques européennes par des ressources propres. Ces dernières sont destinées à accompagner des politiques publiques européennes telles que la transition écologique.

M. Allizard, à titre personnel, je suis favorable à une Europe fédérale. Je vous le dis sans ambiguïté et sans difficulté. Pour autant, ce qui m'intéresse aujourd'hui n'est pas de construire une Europe fédérale, mais de façonner une Europe qui fonctionne et qui protège les Européens. Face à la crise, la meilleure réponse a été européenne. Je n'ai, par conséquent, aucune difficulté à dire que je soutiens l'instrument de relance européen. Avant celui-ci, je soutenais déjà l'instauration de nouvelles ressources propres parce que je pense que c'est le sens de l'Histoire.

Si nous voulons une Europe à la hauteur des défis du XXIe siècle, nous devons développer de nouvelles ressources propres. Ce plan de relance européen, destiné à enrayer la crise, donne un argument supplémentaire au Parlement européen pour ce faire. J'insiste de nouveau sur un point : notre objectif n'est pas de retirer une part de souveraineté fiscale aux États membres. Vous êtes parlementaires, il vous reviendra demain de ratifier, ou non, une décision sur les ressources propres. Le dernier mot vous appartiendra, et ce pour toutes les questions fiscales et budgétaires.

Enfin, M. Marie, je ne sais pas moi-même ce qui fera plier M. Orbán. Les coups de téléphone et les interactions bilatérales avec plusieurs États membres doivent se multiplier, car la crise politique doit être évitée. La Pologne a besoin des crédits du Fonds de cohésion, de même que la Hongrie. Par ailleurs, il existe une solution juridique si demain, la Pologne, la Slovénie et la Hongrie décidaient de bloquer l'adoption de l'instrument de relance et du CFP. Aux termes de cette solution, ce dernier ne serait pas mis en oeuvre dans le cadre négocié, mais les programmes s'appliqueraient quand même en 2021. Le mécanisme de garantie de l'État de droit s'appliquera inéluctablement. En cas de blocage, ces trois pays s'exposeraient à des coupes, au cas où ils ne respecteraient pas l'État de droit.

En ce qui concerne la solution politique, je laisse les chefs d'État ou de gouvernement avancer en la matière. Enfin, en cas de blocage réel, et bien que ce ne soit pas ma solution privilégiée, l'instrument de relance pourrait être mis en oeuvre dans le cadre de la coopération renforcée. Cette possibilité existe. La Pologne, la Hongrie et la Slovénie refuseront-elles toujours d'en être, le cas échéant ? Nous en reparlerons.

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