Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 10 décembre 2009 à 15h00
Entrées de villes — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Tout d’abord, mon cher collègue, pour ce qui concerne les enseignes, vous avez présenté encore récemment des amendements importants.

Par ailleurs, je veux souligner le rôle que vous avez joué pour l’instauration d’une « bande » qui fut de cinquante mètres, puis de cent mètres et de soixante-quinze mètres. J’ai constaté avec plaisir que vous saisissiez l’occasion de l’examen de la présente proposition de loi pour poursuivre votre travail. Vos propositions ont été utiles, mais je pense qu’elles ne sont pas suffisantes. En effet, on ne peut se contenter de proscrire la construction sur certains espaces le long des voies routières. Il faut proposer des plans positifs d’aménagement du paysage, d’urbanisme et d’environnement. Tel est d’ailleurs l’objet de la présente proposition de loi.

En la matière, nous préconisons un véritable volontarisme.

Ainsi, nous proposons que, dans les documents d’urbanisme, il soit fait mention de la nécessaire qualité urbaine, architecturale, paysagère, environnementale des entrées de villes.

Nous proposons en outre que, d’ici à 2012, dans toutes les agglomérations françaises, soit élaboré un plan d’aménagement de l’ensemble des entrées de villes. Par conséquent, devront d’abord être définis des périmètres, de manière qu’un plan d’avenir pour ces espaces soit mis en œuvre. Il convient en effet de cesser de les laisser proliférer, puis se dégrader, car c’est malheureusement encore le cas en dépit des efforts que j’ai précédemment soulignés.

Nous proposons également, non pas de retenir une date butoir à laquelle certaines exigences devraient être remplies – ce serait utopique –, mais de faire en sorte que soient respectées les prescriptions du plan d’aménagement chaque fois qu’une réaffectation de l’espace sera envisagée.

Cette démarche, volontariste, je le répète, n’est est pas moins pragmatique puisqu’il s’agit de favoriser la pluralité fonctionnelle au fur et à mesure que des espaces seront libérés. Cela prendra donc inéluctablement du temps. Raison de plus pour commencer dès maintenant ! En tout cas, il est important d’avoir d’ores et déjà une perspective.

Nous envisageons aussi des proportions.

Nous voudrions que les plans d’aménagement précisent qu’un tiers des surfaces constructibles sera occupé, à terme, par des bâtiments à vocation culturelle, universitaire, sportive ou associative. Il faut instaurer une pluralité là où prévaut aujourd'hui l’unifonctionnalité.

De même, nous prévoyons de consacrer au moins 20 % de la surface des entrées de villes aux espaces verts. De fait, actuellement, lorsque vous franchissez ces zones, vous êtes frappé par leur aspect minéral ou métallique et par la grande rareté, voire l’absence totale de végétaux.

Nous proposons de limiter à 60 % des surfaces commerciales situées aux entrées de villes les surfaces de parking, ce qui est très volontariste. Nous pensons en effet qu’il faut rompre avec ces immenses « nappes » bitumées qui sont en totale contradiction avec les principes prônés actuellement au sommet de Copenhague. Car il est très bien de parler d’environnement et d’écologie, mais alors il faut cesser d’étendre toujours plus les surfaces vouées au stationnement des automobiles.

Il faut d’ailleurs prévoir parallèlement la desserte de ces espaces par les transports en commun. Il est paradoxal de constater que, actuellement, les entrées de villes sont très peu desservies par ce type de transports ; c’est tout simplement qu’elles ont été conçues en vertu du « tout-automobile ». Et c’est une autre incohérence par rapport à nos projets actuels, notamment par rapport aux conclusions du Grenelle de l’environnement.

Préalablement à la construction d’édifices d’une certaine ampleur, des concours d’architecture devront être organisés, de façon que ces édifices s’inscrivent dans le cadre d’un plan urbanistique et paysager, qui pourra lui-même donner lieu à concours. Et les concepteurs, les architectes, les urbanistes sont riches d’idées !

S’agissant de la voirie, monsieur Dupont, il faut non plus se contenter de prendre seulement en considération les espaces situés de part et d’autre des voies, mais se préoccuper de la voirie elle-même.

Comme vous le savez, la voirie est souvent traumatisante. Il est très difficile aux piétons de traverser les routes nationales, les voies express qui desservent les entrées de villes. Nous proposons de les transformer en « voies urbaines », c'est-à-dire en avenues, de manière à y retrouver l’urbanité au sens fort, à rendre ces zones agréables, conviviales. Bien entendu, il faudra envisager les conditions de leur franchissement par les piétons – c’est un des aspects de la question du partage de la voirie –, leur insertion urbaine, leur végétalisation, leur éclairage, etc.

Mes chers collègues, toutes ces questions méritent débat. Je remercie M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l’économie, et M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’intérêt qu’ils ont bien voulu porter à cette proposition de loi. Celle-ci, me semble-t-il, répond à un véritable besoin et je présume que les défenseurs du statu quo seront fort peu nombreux. Dès lors, il faut aller de l’avant.

Le débat que nous allons avoir est simple : peut-on se cantonner à des principes généraux ? Nous n’avons rien contre les principes généraux, mais la présente proposition de loi n’aura de sens que si elle va au-delà de l’énoncé de principes et pose des règles afin que les choses changent.

Mes chers collègues, par le biais de ce texte, nous plaidons pour le volontarisme. Il faut reconquérir les espaces dégradés. Les portes des villes, très souvent magnifiées dans le passé, doivent retrouver leur dignité, leur beauté, dans un souci d’harmonie, d’urbanité.

Beaucoup de visiteurs étrangers se demandent pourquoi, dans un pays recelant tant de beautés, les abords immédiats des villes sont ainsi enlaidis. Eh bien, nous pensons que cette situation n’est pas inéluctable. Il s’agit aussi, pour nous, de défendre une certaine idée de notre pays.

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