Intervention de Ambroise Dupont

Réunion du 10 décembre 2009 à 15h00
Entrées de villes — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Ambroise DupontAmbroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne puis que souscrire à l’ambition affichée par les auteurs de la présente proposition de loi, qui se fixent pour objectif de déterminer « un projet pour la ville du futur », cette dernière devant être caractérisée par une mixité à la fois sociale et fonctionnelle.

La même ambition m’avait animée lorsque j’avais été chargé, en 1994, de la rédaction d’un rapport sur les entrées de villes, que j’avais intitulé : « Les entrées de villes ou redonner le goût de l’urbanisme ». Il s’agissait d’éclairer l’État sur les actions à entreprendre, en partenariat avec les collectivités territoriales, afin de revaloriser les abords des villes et d’éviter que ne se reproduisent à l’entrée de nos bourgs les méfaits que nous déplorons.

La prise de conscience de la détérioration des entrées de villes n’est pas récente : elle occupe le champ de la réflexion depuis près de vingt ans. Initialement concentré aux abords des grandes agglomérations, ce problème s’est déplacé et il concerne aujourd’hui l’ensemble de notre territoire, y compris les villes moyennes et les zones rurales.

En effet, cette urbanisation anarchique s’est réalisée aux dépens de l’espace rural et sans aucune réflexion préalable. La confusion dans l’occupation de l’espace fait qu’il est parfois difficile de percevoir la délimitation entre la campagne et la ville.

Or les entrées de villes sont le reflet de nos cités, car elles participent de l’image que nous en donnons à voir, en tant qu’élus et en tant que citoyens. Tout comme vous, monsieur Sueur, je suis frappé du contraste qui s’est accentué entre des centres-villes de mieux en mieux restaurés et mis en valeur et des abords de villes qui sont marqués par une forme de déshérence architecturale et urbanistique.

Les entrées de villes constituent donc un enjeu essentiel de la qualité des paysages et du cadre de vie de nos concitoyens ; elles exercent une influence sur le développement du secteur touristique dans notre pays.

Je ne puis donc que saluer l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui partage depuis longtemps les mêmes préoccupations que moi en ce qui concerne les entrées de ville.

Cependant, je n’adhère pas à la démarche qu’il propose, qui fixe de strictes prescriptions en matière d’élaboration des documents d’urbanisme. En effet, selon moi, la mise au point d’un dispositif visant à améliorer la qualité des entrées de villes doit privilégier des procédures de réflexion et de collaboration plutôt que des dispositions contraignantes purement législatives ou réglementaires, comme l’a très bien souligné M. le rapporteur.

J’ai pu constater, moi aussi, que le règlement ne réglait rien, ou du moins qu’il ne faisait pas disparaître tous les problèmes.

Je voudrais saisir l’occasion de l’examen de cette proposition de loi pour rappeler l’esprit de l’amendement que j’avais déposé lors du débat sur la future loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement.

Cette disposition, devenue depuis lors l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme, n’a pas toujours été bien comprise. Elle s’inscrivait dans la suite donnée à la proposition phare de mon rapport sur les entrées de villes, qui préconisait d’édifier une zone d’insertion paysagère aux abords immédiats des grandes infrastructures routières, dans une stratégie de restauration de la prérogative publique.

Afin de freiner l’urbanisation désordonnée des principaux axes routiers, avait été votée alors une mesure d’interdiction des constructions et installations nouvelles en dehors des espaces déjà urbanisés, sur une bande de cent mètres de part et d’autre de l’axe des autoroutes, des routes express et des déviations, et de soixante-quinze mètres de part et d’autre de l’axe des autres routes classées à grande circulation. Ces distances n’avaient pas grand sens par elles-mêmes : elles étaient une « obligation à réfléchir », qui pouvait être levée quand la réflexion pluridisciplinaire préalable avait été menée.

Cette mesure avait donc pour principale ambition de susciter une véritable réflexion urbanistique et d’amorcer une démarche plus vaste en faveur des entrées de villes. Les communes peuvent ainsi modifier ce dispositif dans le cadre de leur compétence en matière d’urbanisme et réglementer de façon spécifique les conditions d’aménagement des zones concernées. C’est la grandeur de la loi de décentralisation de 1982, qui a confié au maire la responsabilité de l’urbanisme.

Par ailleurs, l’affichage publicitaire contribuant également à la dégradation du paysage, lors de l’examen du projet de loi dit « Grenelle II », le Sénat a adopté à l’unanimité – j’y ai été très sensible –, sur l’initiative de notre commission, des dispositions visant à améliorer l’insertion paysagère des dispositifs publicitaires qui seraient autorisés dans les entrées de villes.

Certes, l’effet d’une telle mesure ne devrait être visible qu’à moyen terme, mais il me semble indispensable de faire naître des dynamiques de ce type, afin que la réflexion urbanistique et paysagère devienne une habitude, notamment pour les entrées de ville.

En outre, la réflexion sur les entrées de villes impliquant généralement plusieurs communes limitrophes, comme l’a rappelé M. Sueur, la concertation peut s’envisager dans le cadre de plans locaux d’urbanisme intercommunaux, conformément aux dispositions votées par le Sénat dans ce même projet de loi.

Je précise que j’approuve la position retenue par la commission de l’économie sur cette proposition de loi, ainsi que l’amendement qu’elle a adopté, car celui-ci tend à s’inscrire dans la dynamique que j’ai décrite.

Par ailleurs, mes chers collègues, je vous proposerai tout à l’heure, au nom de la commission de la culture, un amendement visant à renforcer l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme par l’élargissement de son champ d’application.

En effet, il me semble que les schémas de cohérence territoriale seraient tout à fait appropriés pour définir, le cas échéant, les routes devant faire l’objet d’une réflexion relative à la constructibilité.

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