Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’urbanisation des territoires a provoqué ce que le précurseur de l’écologie politique, Bernard Charbonneau, a appelé « la fin du paysage ». Gardons-nous de tout fatalisme, même si nous constatons que la prolifération des enseignes publicitaires et préenseignes, la multiplication désordonnée des grands magasins unifonctionnels menacent la qualité de nos « entrées de villes ».
Je ne dresserai pas ici un inventaire à la Prévert des enseignes qui ont quitté nos centres-villes ou de celles qui s’y sont installées et dont les affichages publicitaires et les préenseignes bordent nos rocades. Force est de constater toutefois, avec l’architecte et journaliste Francis Rambert, qu’ils constituent une « horreur absolue » pour la qualité paysagère de nos agglomérations. Je crois que nous sommes tous de cet avis.
Pour ma part, je pense que la verdure ou les allées piétonnes pourraient avoir leur place aux côtés des bâtiments que Jean-Pierre Sueur a évoqués dans son intervention.
D’ailleurs, la prise de conscience n’est pas nouvelle. En 1994 déjà, Ambroise Dupont peignait un tableau sombre de nos entrées de villes, en soulignant leur piètre qualité paysagère, cette qualité étant sacrifiée au profit de considérations financières, la spécialisation à outrance de ces zones, la violation impunie de la réglementation, notamment en matière d’affichage.
On peut arguer que ce dernier grief résulte de la difficulté d’application de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes. Entrée en vigueur avant les lois de décentralisation, cette loi demeure largement sous la responsabilité des services de l’État. Je note, pour le déplorer, que plusieurs recours en carence contre des préfets ont donné raison aux associations militantes : c’est bien la preuve que l’application de la réglementation concernant l’affichage est lacunaire !
De leur côté, les collectivités locales sont confrontées à un choix cornélien : elles sont en charge des règlements locaux d’urbanisme et de la politique de la ville. Par ailleurs, elles sont bénéficiaires de la taxe unique sur les emplacements fixes, dont l’assiette a été élargie depuis 2008 aux préenseignes. Elles sont donc loin d’être incitées à limiter l’affichage publicitaire !
Il faut par ailleurs souligner la carence législative en la matière. Ainsi, sur les vingt mesures recommandées par Ambroise Dupont dans son rapport en 1994, une seule a trouvé sa traduction dans le code l’urbanisme, celle qui interdit toute construction à moins de cent mètres des autoroutes et à moins de soixante-quinze mètres des voies à grande circulation, sauf à les intégrer dans un schéma d’ordonnancement global et raisonné. Il s’agissait en fait d’une « obligation à réfléchir », mais la réflexion se limitait parfois à la chaîne d’arpenteur et, à vingt centimètres près, on n’avait pas le droit de construire. Je peux en témoigner, car j’ai failli le vivre dans ma propre commune.
Aujourd'hui, il ne s’agit ni de distribuer les mauvais points ni d’attribuer à l’un ou à l’autre la responsabilité de la dégradation des entrées de ville. Il s’agit plutôt de regarder le présent, avant de se tourner vers l’avenir.
Le Grenelle de l’environnement, que nous avons voté récemment, constitue une avancée majeure en la matière : limitation de l’étalement urbain, trame verte et écologique, réglementation de l’affichage avec l’interdiction de l’affichage publicitaire hors agglomération, strict encadrement des dispositifs publicitaires lumineux, etc.
De même, en votant aujourd’hui la suppression de la taxe professionnelle, on contourne l’attrait de la manne fiscale qui avait pu guider, pendant de nombreuses années, la prolifération, sur des zones délimitées, d’enseignes fortement pourvoyeuses de taxe professionnelle. La nouvelle donne fiscale amène à bâtir un nouvel équilibre.
Dans ces conditions, comment cadrer le débat pour l’avenir ?
Certes, le problème des entrées de villes concerne d’abord la ville, mais il concerne en fait surtout l’agglomération.