Intervention de Claude Raynal

Réunion du 26 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Plan d'urgence face à la crise sanitaire

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous étudions ce jour l’innovation de ce projet de loi de finances : la mission « Plan de relance ».

Commençons par les irritants, à savoir la communication : 100 milliards d’euros. Après analyse, on trouve de tout, cela a été dit : des mesures déjà engagées en 2020, pour 15 milliards ; la baisse des impôts de production, une vieille lune, pour 20 milliards ; le financement du Ségur de la santé, des participations d’organismes variés qui, pour l’essentiel, ne font qu’accélérer leurs programmes, et 49 milliards de crédits budgétaires, dont 36 milliards au strict titre de cette mission et 22 milliards en crédits de paiement.

Cela me rappelle l’annonce du plan de soutien en juillet. Pourquoi avoir évoqué un coût de 450 milliards d’euros, voire de 470 milliards, en mélangeant allègrement dépenses réelles, prêts et garanties… Résultat : 65 milliards d’euros réellement décaissés.

Ces discours grandiloquents lassent ou inquiètent. On ne fait qu’inquiéter les Français, qui se disent que demain il faudra rembourser et qui, du coup, économisent au lieu de consommer. Si c’est l’objectif recherché, alors c’est réussi !

Finalement, pourquoi une mission spécifique ? Sans doute pour mieux séparer des charges temporaires des dépenses ayant vocation à devenir récurrentes. On pourrait sans doute s’interroger sur la conformité de cette présentation à la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, tant certaines dépenses auraient pu trouver tout naturellement leur place dans les missions budgétaires.

Malheureusement, la baisse des impôts de production, elle, est présentée comme ayant vocation à être pérenne. Au-delà du fait que le lien avec la relance économique reste à démontrer, comment peut-on aujourd’hui proposer une réforme visant à priver l’État de 10 milliards d’euros par an au moment où la dette explose ?

Demain, il nous faudra régler cette question de la dette et je ne vois pas comment la croissance, au vu de ce qu’elle a été sur les trente dernières années, pourrait seule y pourvoir. Je note d’ailleurs que la majorité sénatoriale commence à s’interroger sur la recherche de nouvelles ressources. En témoignent les timides avancées vers une taxation exceptionnelle des suppléments de recettes des assurances ou des géants de l’e-commerce.

Rémi Féraud reviendra sur les priorités de notre groupe qui semblent manquer dans votre plan de relance. Je voudrais pour ma part évoquer la situation des jeunes dans notre pays.

Quelques constats : en 2018, le taux des 18-29 ans vivant sous le seuil de pauvreté s’élevait à 12, 5 %, soit 4, 2 points de plus que la moyenne nationale. Les jeunes sont les premières victimes des chocs économiques. Les effets de la crise sanitaire ont été immédiats, puisque le chômage des jeunes a bondi de 2, 6 points sur un an au troisième trimestre 2020, contre 0, 6 point pour la moyenne nationale.

Le plan « un jeune, une solution » n’apporte à ce problème qu’une réponse lacunaire, puisqu’au jeune qui ne parviendrait pas à s’inscrire dans l’un des parcours d’insertion, la « solution » proposée se limiterait aux aides ponctuelles de solidarité, comme celles versées à l’été et à l’automne 2020. Je constate d’ailleurs que la ministre du travail est revenue en partie sur ce point ce matin. Si l’on peut noter un renforcement bienvenu des différents dispositifs de la politique de l’emploi, force est de constater que rien ne garantit que les instruments mis en place bénéficient prioritairement aux jeunes les plus en difficulté.

Surtout, ce plan revêt un caractère strictement conjoncturel, alors même que le problème de la pauvreté des jeunes, s’il est accentué par la crise, est bel et bien structurel. Ceux-ci seraient d’ailleurs fortement affectés par la décision obstinée du Gouvernement de maintenir la réforme de l’assurance chômage. En rendant plus restrictives les conditions d’ouverture des droits pour les personnes ayant alterné périodes de chômage et contrats courts, cette réforme pénaliserait avant tout les jeunes, comme l’a démontré l’Observatoire des inégalités.

Aujourd’hui, les conditions d’accès des jeunes aux minima sociaux sont particulièrement limitées, notamment aux jeunes parents et à ceux ayant travaillé au moins deux ans à temps plein au cours des trois dernières années. Près d’un million de jeunes peuvent certes bénéficier d’aides au logement, mais celles-ci ne sauraient être assimilées à un revenu d’existence. La garantie jeunes constitue un dispositif important d’accompagnement vers l’autonomie des jeunes les plus éloignés du marché de l’emploi, mais, avec une éligibilité limitée à dix-huit mois, elle ne saurait apporter de réponse globale au problème de la pauvreté des jeunes.

La France est l’un des rares pays européens dans lesquels les minima sociaux ne sont pas accessibles aux jeunes de moins de 25 ans. À cet égard, je vous renvoie au rapport de Christophe Sirugue en 2016. L’épreuve de la crise doit constituer pour nous l’occasion de reconstruire un lien de confiance entre les générations, en pensant collectivement un nouveau cadre pour favoriser l’émancipation des jeunes adultes.

C’est la raison pour laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain propose de financer en 2021 le lancement d’une expérimentation territoriale visant à instaurer une dotation d’autonomie pour la jeunesse, permettant d’apporter un soutien monétaire aux jeunes émancipés.

Monsieur le ministre, le soutien aux entreprises comme aux salariés et aux indépendants est fondamental. Celui que nous devons aux plus fragiles et à notre jeunesse, cette jeunesse qui demain, avec nous, devra gérer la dette creusée par cette pandémie, l’est tout autant. Ce plan de relance ne le dit que trop peu.

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