Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le plan de relance consacre environ 7 milliards d’euros au secteur du bâtiment ; ce chiffre impressionne. À l’échelle des 100 milliards du plan de relance, la part qui lui est dévolue correspond en fait à son poids dans l’économie nationale.
Si l’on pousse l’analyse, plusieurs questions se posent : la rénovation thermique bénéficie de moyens supplémentaires, mais sont-ils à la hauteur ? La construction neuve n’a-t-elle pas été oubliée ? Quant aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, les maires qui ont signé l’appel du 14 novembre dernier nous disent combien le compte n’y est pas.
La rénovation thermique des bâtiments, tout d’abord, est bien la principale destinataire des crédits, avec une enveloppe d’environ 6, 7 milliards d’euros : 4 milliards sont attribués aux bâtiments publics, 200 millions aux locaux des TPE-PME et 500 millions aux bailleurs sociaux. En outre, 2 milliards d’euros seront attribués aux particuliers dans le cadre de MaPrimeRénov’. Cette prime réintégrera tous les Français, bailleurs comme locataires ; surtout, elle s’ouvre aux copropriétés, ce qui est une bonne chose.
Deux bémols subsistent toutefois. Le premier, c’est que, loin de correspondre à des crédits nouveaux, MaPrimeRénov’ recycle très largement les moyens précédemment dévolus au crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, qui dépassaient 1, 1 milliard d’euros par an. De ce fait, on se demande comment cet élan se poursuivra après le plan de relance, c’est-à-dire après 2022.
Le second bémol, c’est le grand décalage entre les moyens déployés - 2 milliards d’euros – et le chiffrage de la transformation des logements évoqué par la Convention citoyenne pour le climat, qui s’élève à plus de 20 milliards, soit dix fois plus. Peut-être pourrez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment on arrive à relier ces deux chiffres…
Près de 7 milliards d’euros pour la rénovation du bâtiment, c’est bien, mais que trouve-t-on pour la construction neuve ? Aussi étonnant que cela puisse paraître : rien ! Elle est dans l’angle mort du plan de relance. Pourtant, la situation est grave. Malgré le rebond observé après le premier confinement, les professionnels estiment que l’on devrait atteindre moins de 350 000 permis de construire. Au total, sur 2020-2021, on déplorera sans doute 100 000 constructions de logements de moins. J’avais déjà averti à cette tribune : après la crise sanitaire arrive la crise du logement.
Face à cette situation, les solutions mises en œuvre par le Gouvernement sont insuffisantes, alors que l’on considère que 100 000 logements construits équivalent à 200 000 emplois préservés ou créés. Le secteur du bâtiment a arraché in extremis la prolongation des dispositifs d’investissement locatif intermédiaire Pinel et d’aide à l’accession sociale au travers du prêt à taux zéro, le PTZ, mais ce ne sont pas là des mesures nouvelles. Ce n’est pas une relance.
D’autres mesures étaient possibles, comme le retour à une TVA de 5, 5 %, au lieu de 10 %, pour les logements sociaux. Ce taux réduit représente 5 000 euros de moins par logement. On comprend l’effet massif que l’on peut obtenir, en l’appliquant à plusieurs dizaines de milliers de logements par an. On pouvait également soutenir les opérations de reconversion de locaux en logements ou encore l’accession à la propriété au travers du rétablissement de l’APL-accession, injustement supprimée il y a deux ans. On pouvait également prendre des mesures structurelles, en libérant les bailleurs sociaux du poids de la réduction de loyer de solidarité, la RLS, qui pèse 1, 3 milliard d’euros par an, ou créer enfin un véritable statut du bailleur privé, qui ne doit plus être considéré comme un rentier improductif, mais bien comme un entrepreneur en logement.
Enfin, les quartiers populaires sont les oubliés de ce plan de relance. Trois ans après le discours de Tourcoing, le constat est amer. Le rapport Borloo est resté lettre morte. Ces quartiers sont aujourd’hui en plein désarroi. Partout, sur le terrain, les signaux sont au rouge. Les quartiers populaires sont deux fois plus infectés par la covid-19 en raison de l’exiguïté des logements. De plus, la crise sanitaire a provoqué une très grave crise économique et sociale. Les maires de ces quartiers dénoncent aujourd’hui une véritable non-assistance à des territoires en danger de décrochage de la République.