Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 25 novembre 2020 à 15h00
Nécessité de reconnaître la république du haut-karabagh — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce qui nous réunit aujourd’hui est une situation d’une particulière gravité. Cette gravité nous oblige ; elle a conduit nos groupes politiques, différents sur bien des points, à travailler de concert pour aboutir à cette proposition de résolution. Cette convergence a été rendue possible, car elle était absolument nécessaire. C’est une obligation morale et politique : refuser que la guerre soit une option pour régler des différends territoriaux.

Il y va de notre responsabilité de parlementaires de dénoncer des faits accomplis qui ne peuvent être acceptés : le recours à la force, le ciblage des populations civiles, l’usage d’armes prohibées par le droit international, le non-respect des droits des prisonniers de guerre ou encore le déplacement massif de population qui quittent du jour au lendemain toute une vie… ce qui ressemble étrangement à une forme de nettoyage ethnique.

Nous ne pouvons ni laisser faire ni admettre une telle situation dans le Caucase, c’est-à-dire aux portes de l’Europe. Les souvenirs qui nous submergent à ces évocations d’exactions nous montrent que proclamer « plus jamais ça ! » n’est plus suffisant.

Je voudrais réitérer ici notre amitié et notre soutien à la population arménienne qui, une nouvelle fois dans son histoire, est ciblée, vilipendée, attaquée et mise en danger.

Le cessez-le-feu du 9 novembre, inspiré par la Russie, n’a au fond rien résolu ; il ne saurait tenir lieu de règlement définitif du conflit alors que l’usage de la force et de la contrainte ne peut satisfaire qu’une seule des deux parties.

Plus inquiétants encore sont les bénéfices géostratégiques pour les parrains de ce cessez-le-feu, qui remettent au goût du jour des rêves impérialistes, en tout cas un panturquisme incarné par le président Erdogan, qui déstabiliseraient plus encore une région déjà si fragile.

Dans ces conditions et compte tenu de ses modalités, ce cessez-le-feu ne peut offrir aucune garantie de paix durable. Il se limite à entériner le fait accompli et à consacrer l’usage de la force. Cet accord est hors de tout contrôle international et ne présente aucune solution pour les populations arméniennes.

En revanche, il acte une installation militaire durable d’un pays tiers et un redécoupage territorial qui pérennise la mainmise de puissances étrangères.

Mes chers collègues, ce qui nous anime aujourd’hui, c’est la volonté d’aider les acteurs locaux à dessiner un avenir pour le Haut-Karabagh.

Il est urgent, monsieur le secrétaire d’État, de redéfinir les conditions et les règles d’un compromis possible ; la France, en tant que coprésidente du groupe de Minsk, doit demander le retrait des forces et le retour aux frontières d’avant le 27 septembre et baliser à nouveau la voie d’une reconnaissance de ce territoire. Elle ne peut se contenter de demander que les « ambiguïtés » du cessez-le-feu soient levées. Sa voix doit être plus forte et plus ferme.

Oui, le retour de la question du Haut-Karabagh fait la tragique démonstration qu’un conflit dont le règlement n’est que gelé ne reste jamais figé.

Ce conflit s’impose aujourd’hui comme un défi à la réinvention de la relation transatlantique ainsi qu’aux ambitions de l’Union européenne de devenir un acteur géopolitique majeur. Il faut changer de braquet, et cela passera par un nécessaire réinvestissement du multilatéralisme.

La reconnaissance de la République du Haut-Karabagh n’est pas seulement un symbole ; c’est un devoir !

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