Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 3 décembre 2005 à 15h15
Loi de finances pour 2006 — Articles additionnels après l'article 81

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances :

De quoi s'agit-il ? Les titulaires d'une pension de l'État justifiant d'une résidence effective à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna bénéficient, depuis un décret de 1952, d'une majoration de pension dont le montant varie entre 35 % et 75 %.

En l'état actuel, les fonctionnaires de l'État qui choisissent de passer leur retraite dans l'un de ces territoires, qu'ils y aient exercé ou non une activité professionnelle, peuvent percevoir cette indemnité ; permettez-moi de dire au passage mon étonnement de ce que certains territoires ultramarins ne bénéficient pas de ces dispositions.

Les revenus bénéficient, de plus, de régimes fiscaux particuliers applicables outre-mer, notamment en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et, à l'exception de la Réunion, ne sont soumis ni à la CSG ni à la CRDS. La seule condition posée par le décret de 1952 porte sur les conditions de résidence, qui doivent être « au moins équivalentes à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service ».

Ainsi, si le fonctionnaire retraité n'a pas effectué sa carrière en outre-mer, une période probatoire de six mois est nécessaire pour obtenir le bénéfice de la majoration, et ce pour autant que le pensionné aura manifesté le désir d'y résider au moins neuf mois.

Si le pensionné est originaire du territoire et s'y réinstalle ou y a effectué sa carrière, cette condition de résidence n'est pas applicable. L'instruction comptable du 20 janvier 1982 demeure la seule base légale pour le contrôle de la résidence.

L'article 60 de la loi du 5 juillet 1996 précisait que les services du Trésor étaient habilités à contrôler la condition de résidence et que, dans ce cas, le secret professionnel n'était pas opposable.

Cependant, l'arrêté du Conseil d'État du 20 décembre 1995 a privé cet article de toute portée en annulant les mesures restreignant la circulation des nationaux et l'élaboration de fiches spéciales d'identité, qui auraient permis aux services du Trésor, notamment grâce au fichier transfrontière de la police de l'air et des frontières, de s'assurer des dates d'entrée et de sortie des territoires.

Il semble donc que, s'agissant de cette indemnité, certaines fraudes soient possibles. Dans un rapport consacré aux pensions des fonctionnaires civils de l'État, daté d'avril 2003, la Cour des comptes soulignait qu'il s'agissait d'une indemnité avantageuse, pratiquement impossible à contrôler.

J'ai encore en mémoire ces propos de l'un d'entre nous selon qui, chaque année, près de 500 personnes se rendent à La Réunion pour y louer ou acheter un appartement à la seule fin de disposer d'une adresse, unique formalité indispensable à remplir pour bénéficier de l'avantage en question, adresse en général fictive car, souvent, ces personnes ne font que passer et résident en réalité en métropole ; aucun contrôle sérieux n'est effectué.

C'est la raison pour laquelle nous nous sommes efforcés, en 2003 et 2004, de mettre un terme à ces dérives qui offensent la République et ses valeurs.

En déposant cet amendement, nous sommes dans la continuité des principes que nous avons déjà invoqués, il est vrai sans succès.

Le dispositif que nous proposons a fait l'objet d'une étude sérieuse, réalisée en étroite collaboration avec la commission des affaires sociales.

Cet amendement tend à insérer un article L.57-1 dans le code des pensions civiles et militaires de retraite. J'insiste sur le fait que les actuels bénéficiaires de l'indemnité temporaire ne sont pas concernés et continuent donc à percevoir, dans des conditions inchangées et en dépit des observations que je viens de faire, leur indemnité temporaire.

En premier lieu, le dispositif que nous vous proposons tend non pas à supprimer l'indemnité temporaire mais à limiter son taux à 20 % du montant de la pension.

En second lieu, cette indemnité temporaire serait réservée aux fonctionnaires ayant été en poste pendant les cinq années précédant la liquidation de leur retraite dans un de ces départements, territoires ou collectivités. Ces dispositions seraient applicables au 1er janvier 2006.

Il convient de remarquer que ce taux de 20 % correspond à l'estimation de l'écart de prix entre la métropole et l'outre-mer, qui a été réalisée en 2004 par l'inspection générale de l'Institut national des études statistiques et économiques, l'INSEE.

Après deux tentatives infructueuses, j'espère que le Gouvernement acceptera enfin notre proposition.

En tant que parlementaires, nous avons une certaine idée de la justice et de l'équité : c'est parce que nous considérons que de telles pratiques offensent l'équité et la justice et qu'elles portent atteinte à l'image de l'outre-mer, que nous voulons y mettre un terme.

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