Monsieur le ministre, ne vous méprenez pas sur le sens de ce que je vais dire, j'ai beaucoup de sympathie pour vous, et je sais que votre tâche est difficile. Je voudrais toutefois que vous compreniez l'état d'esprit des parlementaires que nous sommes, qui entendent donner du sens à leur engagement, à leur présence, à leur participation au débat.
A certains moments, ils s'interrogent sur leur propre contribution. S'agit-il d'accomplir un acte formel pour respecter les apparences de la démocratie, à une époque où l'on sent bien qu'un fossé se creuse entre l'opinion publique et ceux qui ont reçu mandat d'être acteurs politiques, à un moment où l'on a l'impression que la politique devient image virtuelle, communication, gesticulation ?
Nous sommes, nous, sur le terrain.
Il est sans doute heureux que le Sénat soit, un samedi soir, un relatif purgatoire médiatique, car ce qui vient d'être dit ici offense l'idée que le citoyen se fait de l'équité dans la République.
Bien sûr, il faut le consensus ; il faut des rapports, des évaluations. Mais on nous fait le coup chaque fois, monsieur le ministre, et rien ne change !
Je tiens à dire à nos collègues qui représentent les collectivités ultramarines combien nous sommes attachés à l'outre-mer, combien nous le respectons. Mais je voudrais aussi les mettre en garde contre l'apparente compréhension qu'ils ont à l'égard de telles pratiques : ils mettent le lien qui nous unit à rude épreuve.
Chacun sait que ce lien n'est en aucune façon un sujet de discussion : on l'a bien vu à l'occasion du drame qui a endeuillé la Martinique. Tous les Français ont exprimé leur émotion : c'est dire la force de la relation. Mais, parce que nous avons des convictions fortes sur le sujet, nous avons estimé en conscience qu'il était de notre devoir de déposer cet amendement.
Vous demandez un scrutin public : que chacun assume ses responsabilités.
La commission des finances a longuement délibéré. Dans sa grande majorité, elle a approuvé cet amendement. Il ne s'agit pas seulement de faire une économie. Cette prime représente une perte de ressource fiscale, estimée à 200 millions d'euros par la Cour des comptes.
Monsieur le ministre du budget, nous passons notre temps à tenir des propos sur la nécessité de maîtriser la dépense publique, de réduire le déficit public, pour qu'enfin la dette publique cesse d'être un sujet d'inquiétude pour nos compatriotes. Le Gouvernement ne peut passer son temps à mettre en évidence l'ampleur de la dette sans commencer à proposer des dispositions de nature à réduire le déficit !
Finalement, monsieur le ministre, ne sommes-nous pas en train de vous rendre service en cherchant à dissiper les ambiguïtés qui pourraient demeurer dans vos échanges avec nos collègues ultramarins ?
Ce n'est pas de gaieté de coeur que nous avons déposé cet amendement°: c'est par souci du respect des principes. La République a besoin de principes, elle a besoin de les respecter.