Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, on est presque tenté de se laisser emporter par la force de l'argumentation déployée à l'appui de ces amendements. Et puis, l'on se demande pourquoi nos collègues, qui se livrent à une critique si radicale du régime des indemnités temporaires, nous proposent un aménagement si modeste. Là, je rejoins les propos de ma collègue Lucette Michaux-Chevry.
À les écouter, on serait tenté de supprimer immédiatement et complètement, à la faveur de cette discussion, un régime apparemment si scandaleux et si dépourvu de justification ! J'espère que cela n'aura pas lieu, la sagesse légendaire du Sénat lui inspirant de ne pas modifier ce dispositif.
En effet, nous savons, et les auteurs de ces amendements ne l'ignorent pas, que leur argumentation ne fait pas vraiment le tour de la question.
À se référer seulement à la Cour des comptes et à l'INSEE, on oublie les réalités politiques et sociales de l'outre-mer, ces réalités qui expliquent la longévité de certains régimes juridiques tels que celui-ci, ces réalités en fonction desquelles personne n'envisage de lancer la grande opération de nivellement qui nous a été proposée.
Les indemnités temporaires sont un aspect de la politique mise en place de longue date afin de donner aux collectivités d'outre-mer les fonctionnaires de qualité qu'elles ne formaient pas elles-mêmes. La situation a changé, heureusement ! L'enseignement s'est développé, la formation a fait des progrès, dans le sillage de la départementalisation.
La situation continue à évoluer grâce à une mobilisation de l'État qui porte des fruits, nous le verrons mercredi en discutant le budget de la mission « Outre-mer » et la mise en oeuvre de la loi d'orientation de juillet 2003. Cette mobilisation de l'État doit perdurer, et c'est l'un de nos combats de cette année que de sauvegarder la pérennité de l'engagement de l'État en faveur de l'outre-mer. J'ajoute que nous y parvenons grâce au dynamisme des élus, à celui du ministre, grâce à l'écoute du Président de la République.
La situation a changé, donc, mais, entre-temps, des équilibres légitimes se sont construits sur les dispositifs que l'on conteste ici. C'est pourquoi les initiatives réformatrices apparemment les moins contestables peuvent avoir des incidences très intempestives. A titre d'exemple, je ne voudrais pas que nos ardeurs réformatrices aboutissent à pénaliser les fonctionnaires d'origine ultramarine qui exercent en métropole, qui n'ont pas eu la possibilité de recevoir une affectation dans leur lieu d'origine et qui tablent sur la possibilité d'y prendre leur retraite.
Si nous levons l'étendard de l'équité, sachons la voir à l'oeuvre quand des compatriotes, généralement de condition modeste, ont bâti leurs projets de vie sur un système qui n'est pas sans défaut mais qui a quand même quelques qualités.
La situation a changé, nous dit-on, et je viens d'en convenir. Mais a-t-elle changé au point de justifier le début de démantèlement des spécificités juridiques consenties dans le passé à l'outre-mer pour des raisons bien précises ?
Ce dispositif a été institué afin d'établir l'égalité de condition entre les fonctionnaires retraités et les fonctionnaires en service outre-mer, ceux-ci bénéficiant d'un complément de rémunération destiné à compenser la différence du coût de la vie entre nos régions et la métropole.
On nous dira que les surcoûts ont presque disparu. J'attends de voir les études qui le montrent. Ce que je constate, de mon côté, c'est que l'Observatoire des prix et des revenus, dont l'article 75 de la loi d'orientation du 13 décembre 2000 pour l'outre-mer avait prévu la création dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, n'a pas vu le jour !