Intervention de Thierry Cozic

Réunion du 28 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Investissements d'avenir

Photo de Thierry CozicThierry Cozic :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2020, les remboursements et dégrèvements devraient atteindre 152 milliards d’euros. C’est en 2016 qu’ils ont dépassé la barre symbolique des 100 milliards d’euros. Depuis le début des années 2000, l’augmentation est ainsi de 5 % par an en moyenne.

Avec la crise sanitaire, et donc incidemment la crise économique, ce budget pour 2021 constitue une rupture puisque la dépense devrait fortement diminuer et s’établir à 126 milliards d’euros, pour la première fois depuis 2013. Ce recul serait de 26 milliards d’euros.

En matière d’impôts locaux, la suppression du dégrèvement de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages fera diminuer la dépense de 14, 2 milliards d’euros, tandis que la réforme des impôts de production conduira à une baisse de 2, 1 milliards d’euros.

Il est également à noter que les années 2020 et 2021 devraient aboutir à la clôture budgétaire de procédures contentieuses longues et très coûteuses pour l’État.

En 2020, les dépenses au titre des contentieux de série atteindront ainsi près de 4 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 2, 6 milliards d’euros au titre d’un contentieux exceptionnel portant sur l’impôt sur les sociétés.

Sur proposition de ma collègue députée Christine Pires Beaune, l’Assemblée nationale a adopté l’année dernière un amendement tendant à demander au Gouvernement de publier les informations relatives aux « règlements d’ensemble ». Je note que ce processus permet désormais à l’administration fiscale de négocier les droits et les pénalités dus par un contribuable faisant l’objet d’un contrôle fiscal.

Un fait, toutefois, suscite une interrogation : ce processus n’est pas encadré par les textes et, à l’inverse de la transaction, il n’empêche pas l’action contentieuse ultérieure. L’administration y a recours lorsque le quantum des rectifications est difficile à établir ou lorsqu’il existe un fort aléa juridique.

Néanmoins, grâce à ce processus, ce sont près de 1, 6 milliard d’euros de modérations qui ont été consenties, dont 1, 1 milliard d’euros portant sur les droits ; près du tiers concerne une seule opération.

Ce processus peut s’entendre, car il revêt un caractère relativement efficient en termes de retour de l’impôt. Toutefois, eu égard aux enjeux qui lui sont liés et en raison de ses implications du point de vue de l’égalité de traitement entre les contribuables, il paraît primordial de connaître précisément le mode opératoire de ce processus, ainsi que la manière dont il opère. Une traduction législative claire et précise en matière de règlements d’ensemble me paraît ainsi nécessaire. Elle permettrait aussi d’améliorer le recouvrement de l’impôt.

Nous voterons en l’état les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

La mission « Investissements d’avenir » appelle, elle aussi, plusieurs remarques.

La gestion des autorisations d’engagement et celle des crédits de paiement varient sensiblement au sein de cette mission, pour des raisons logiques et évidentes.

Si les trois programmes préexistants ne bénéficient d’aucune ouverture de crédits en autorisations d’engagement, deux nouveaux programmes sont créés dans le cadre du plan de relance, abondés à hauteur de 16, 563 milliards d’euros. On note à cet égard une divergence, liée sans doute à la pluriannualité, par rapport aux annonces gouvernementales.

On peut raisonnablement penser que le PIA 4 s’engage sur des bases très fragiles, dans la mesure où les priorités d’investissement demeurent particulièrement floues. À l’aune des retours sur expérience dont nous disposons en la matière, cette situation se traduira sans conteste par une consommation réelle de crédits très inférieure aux objectifs annoncés. En tout cas, c’est très clairement ce qui s’est passé pour la fin de l’exécution du PIA 3, ainsi qu’en atteste de manière incontestable le « bleu » budgétaire présenté par le Gouvernement.

Pourtant, nous passer de ces crédits d’investissement me paraît une grave erreur, a fortiori dans le contexte de crise économique que nous traversons, qui rend nécessaire une relance économique forte. Avec la perte en cascade de nos industries, couplée à la tertiarisation de notre société, la France va devoir s’adapter et innover pour rayonner encore dans le monde.

En particulier, nous devons nous tourner vers les secteurs d’innovation non délocalisables, qui sont vecteurs d’un savoir-faire bien français.

La France est le douzième pays le plus innovant au monde en 2020, selon l’indice international GII. Mais nous nous plaçons derrière les deux autres pays européens de taille comparable, le Royaume-Uni et l’Allemagne, et nous ne sommes qu’au huitième rang en Europe. Nous ne pouvons nous en satisfaire ! Nous devons donc continuer d’avancer, avec plus d’audace.

Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur la mission « Investissements d’avenir », en l’état.

Quant à la mission « Engagements financiers de l’État », elle traduit la nécessité pour l’État de s’assurer de son financement en toutes circonstances. Nous en voterons les crédits, en hausse de 1, 93 %, de 38, 5 à 39, 2 milliards d’euros, pour les six programmes qui la constituent.

Madame la ministre, je souhaiterais que le Gouvernement établisse des tunnels de prévision sur le poids de la dette, en fonction des évolutions potentielles des taux d’intérêt. Ces données éclaireraient utilement la représentation nationale, alors que la dette représente désormais 120 % de notre PIB – ce qui, vous me le concéderez, n’est pas rien…

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