Intervention de Jean-François Le Grand

Réunion du 3 décembre 2005 à 23h00
Loi de finances pour 2006 — Écologie et développement durable

Photo de Jean-François Le GrandJean-François Le Grand :

Dans mon propos, j'aborderai deux sujets essentiels et une question subsidiaire.

Tout d'abord, je ne reviendrai pas sur les risques de voir la France une nouvelle fois condamnée faute d'avoir désigné suffisamment d'espaces dédiés à Natura 2000. En effet, nous l'avons déjà été en 2001 - vous n'étiez pas au Gouvernement - pour insuffisance de propositions en matière de zones spéciales de conservation, ainsi qu'en novembre 2002, au titre des zones de protection spéciale, les ZPS.

A l'occasion d'un rapport que j'avais rédigé au nom de la commission des affaires économiques, j'avais proposé la création d'un groupe de travail national, placé sous l'égide du Comité national du suivi de Natura 2000, qui a d'ailleurs permis d'aboutir à un certain nombre d'avancées. En effet, 201 zones de protection spéciale ont été désignées et le Muséum d'histoire naturelle a relevé quelque quatre-vingt cinq espèces de nicheurs qui n'ont pas encore fait l'objet de préoccupations suffisantes.

En vous appuyant sur les conclusions de ce groupe de travail, vous parviendrez sans doute à accélérer le processus afin d'éviter que notre pays ne soit une nouvelle fois condamné. J'ai d'ailleurs pu mesurer l'importance du travail que vous-même et vos services accomplissez à ce sujet.

Je n'en dirai pas plus sur les actions qui sont conduites au plan national.

Sur le plan local, il subsiste quelques difficultés concernant la désignation des sites Natura 2000. Certains élus se plaignent du manque de concertation. Ils déplorent l'absence de transparence s'agissant de la communication des études scientifiques qui permettent d'établir les propositions de classement qui sont transmises par les préfets.

Madame la ministre, il est nécessaire de faire en sorte que les études scientifiques soient transmises dans les plus brefs délais possibles. Il est essentiel que les élus disposent de données fiables, argumentées et à jour. Pour avoir moi-même participé à un rapport sur Natura 2000, je reçois de très nombreuses observations. ; je vous en épargnerai la litanie.

Soucieux de faire progresser le réseau Natura 2000, j'avais déposé une proposition de loi, qui a été reprise dans la loi de février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Il est nécessaire que la réforme soit mise en oeuvre si l'on veut être en mesure de réaliser des progrès réguliers.

Madame la ministre, cette proposition de loi visait à donner aux élus la possibilité de se saisir eux-mêmes de cette disposition. C'est en jouant sur l'élu, qui est démocratiquement désigné, que l'on pourra faire avancer le processus. Il y a urgence, car, d'une part, nous prenons un peu de retard et, d'autre part, les élus qui veulent s'engager ont besoin d'être aidés.

J'en viens à la politique de l'eau, second point essentiel de mon intervention. J'interviendrai en tant que parlementaire mais aussi en qualité de président du Cercle français de l'eau. Je vous suggérerai de retenir quelques observations et d'apporter des corrections sur certains points.

Tout d'abord, le découpage en trois programmes m'a permis de retenir, en dehors du programme support regroupant tous les effectifs, deux programmes opérationnels afin d'atteindre pour chacun d'eux un seuil critique raisonnable. Cela entraîne la scission de la politique de l'eau entre ces deux programmes.

Cette situation risque de conduire, progressivement mais inéluctablement, à une érosion des crédits consacrés aux inondations dans le programme 1, au profit de l'ADEME, et, en 2006, dans le programme 2, des crédits consacrés à la surveillance des masses d'eau. Or il s'agit d'une obligation européenne, indispensable à la gestion de la sécheresse, et qui joue en faveur de Natura 2000.

D'un point de vue organisationnel, la logique issue de ce découpage conduit à donner au directeur de l'eau des responsabilités en matière de gestion de crise sans lui donner aucune prise sur les moyens y afférents. En cas de sinistres, cela posera de graves problèmes de responsabilité.

Cette logique pourrait conduire également, madame la ministre, à mettre le directeur de l'eau sous la quadruple dépendance financière des agences de l'eau et de trois autres directions de votre ministère, ce qui revient, d'une certaine manière, à lui ôter une capacité d'initiative et donc à lui faire perdre du poids face aux agences de l'eau.

En résumé, comme on pouvait le pressentir au moment du choix des programmes, la logique du découpage opéré par la LOLF entraîne tout sur son passage et risque, en matière de politique de l'eau, de nous ramener en arrière de presque quinze ans ! C'est important pour la France, pour les régions, pour les agences et pour la ressource en eau. Par conséquent, je souhaite vraiment que vous puissiez remédier à cet état de chose.

Madame la ministre, ma dernière observation subsidiaire concerne un sujet quelque peu secondaire qui pourrait même faire sourire : celui de la pêche à pied de loisir.

Cette pêche est gérée par un décret de votre ministère, texte en vertu duquel elle est couplée à la pêche professionnelle, alors qu'elle n'a rien à voir avec cette dernière. En effet, la pêche de loisir est pratiquée sur l'ensemble des côtes de France par des dizaines de milliers de pratiquants. Je souhaite par conséquent un peu plus de pragmatisme dans la définition des règles de l'accompagnement de la pêche de loisir. Mais je ne veux pas vous ennuyer ce soir avec ce sujet. Je vous écrirai et, si vous me le permettez, je vous ferai des suggestions à propos du décret.

Quoi qu'il en soit, madame la ministre, ne perdez pas le moral malgré ce qui a pu être dit ici ! Vous êtes à la tête d'un ministère difficile, et l'exercice qui est le vôtre ne l'est pas moins ; mais nous vous accompagnerons.

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