Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 4 décembre 2020 à 21h00
Loi de finances pour 2021 — Justice

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la pandémie liée au covid-19 a mis en lumière nombre de dysfonctionnements au sein de notre appareil judiciaire. Durant le premier confinement, l’essentiel du contentieux civil a en effet été abandonné. Le contentieux pénal, lui, a été maintenu, mais dans des conditions dégradées en raison du recours à des dispositifs défavorables aux prévenus. Il va sans dire que les garanties accordées aux justiciables s’en sont trouvées détériorées.

Face à cette situation, notre nouveau garde des sceaux avait promis un « effet Dupond-Moretti » sur le budget de la justice. Nous constatons effectivement une augmentation de 32 % des moyens accordés à cette mission, à hauteur de 12 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Nous accueillons favorablement cette nouvelle. Dans les faits, cependant, il convient de rappeler que cette hausse importante est principalement due à un rattrapage lié au retard pris par le PLF pour 2020 par rapport aux objectifs fixés par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice votée en 2019.

Par ailleurs, malgré ces chiffres encourageants, la France reste l’un des mauvais élèves de l’Union européenne en matière de budget accordé à son système judiciaire. Notre pays compte trois procureurs pour 100 000 habitants, contre douze dans les États membres de l’Union européenne. De même, avec un budget de 5, 6 euros par habitant consacré à l’aide juridictionnelle, la France se situe au-dessous de la moyenne européenne, qui est de 6, 5 euros. Les exemples sont multiples et démontrent les carences de notre système de justice. Il est évident que les crédits accordés à cette mission ne sauraient combler le retard pris sur nos partenaires européens pendant des décennies.

Pour autant, nous notons les éléments positifs de la mission « Justice » de ce PLF. Outre l’augmentation des moyens alloués à cette mission, les 2 450 emplois ouverts pour le fonctionnement de notre système judiciaire sont les bienvenus. De même, la hausse des crédits du programme « Justice judiciaire » devrait permettre de désengorger les tribunaux, tendant ainsi à garantir une justice de proximité effective pour nos concitoyens.

En revanche, nous nous montrons plus réservés quant aux sommes attribuées à l’ouverture de 15 000 nouvelles places en milieu carcéral. Nous sommes évidemment favorables à l’encellulement individuel des prisonniers. Nous saluons donc les décisions prises par votre prédécesseure Nicole Belloubet visant à remettre en liberté des détenus en fin de peine. Cependant, il est constaté que la tendance est davantage au « tout carcéral ». Ainsi encourageons-nous le Gouvernement à favoriser le recours accru aux peines alternatives pour les petites peines. Nous sommes convaincus que le garde des sceaux, avocat pénaliste, sera sensible à cette thématique.

Je souhaite conclure cette intervention en mentionnant les crédits alloués au programme « Protection judiciaire de la jeunesse ». Ce budget prévoit notamment l’ouverture de cinq nouveaux centres éducatifs fermés. Nous tenons à rappeler que nous sommes défavorables à l’enfermement de mineurs sans encadrement adapté.

Mes chers collègues, un adolescent délinquant est un mineur en danger. C’est pourquoi, lorsqu’il prend en charge des mineurs, le système pénal doit s’inscrire dans la continuité de la protection de l’enfance. La justice des jeunes devrait favoriser leur éducation et leur réhabilitation plutôt que leur répression.

Monsieur le garde des sceaux, nous notons avec intérêt les progrès notables réalisés dans ce budget.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion